Le puçage électronique, cela fait des années que Nathalie et Laurent le voient venir. Et, plusieurs fois, ils ont fait savoir publiquement qu’ils ne se soumettraient pas à cette énième réglementation qui va contre l’idée qu’ils se font de leur activité. Ils font ainsi partie de la quarantaine d’éleveurs signataires de la déclaration de Montferrier, qui refusent le puçage de leur cheptel.
Ces dizaines de « refuseurs » savent qu’ils risquent des pénalités financières. Ils sont pour la plupart dépendants des « aides » de la PAC pour faire tourner leur ferme et avoir aussi un peu d’argent à la fin du mois. Sans ces subventions, ils ne peuvent ni travailler, ni tirer un revenu de ce travail, compte tenu du prix de la viande maintenu au même niveau par l’Europe depuis des décennies. Donc, refuser une obligation réglementaire par conviction politique ou éthique peut amener à perdre une partie de son revenu, même si, au début de cette lutte, il était impossible pour les éleveurs de savoir de quelle proportion il s’agirait. Ce qui était sûr, c’est que le moment des contrôles serait crucial pour ceux qui se résoudraient à sauter dans le vide.
Quand ils apprennent à la fin d’avril 2013 que ce moment est venu, Nathalie et Laurent demandent à des voisins et amis de venir y assister pour se sentir épaulés. Nathalie raconte : « On a décidé que ce n’était plus possible de continuer à subir cette pression seuls et de faire semblant de marcher dans ce système débile. Alors on a accueilli la contrôleuse à huit autour d’une cafetière et on a discuté une heure avec elle. On a tous exprimé ce qui nous pesait dans nos métiers respectifs, parce qu’il n’y avait pas que des éleveurs, ce qui nous répugne dans nos vies toujours plus informatisées, gérées, contrôlées. Eh bien la contrôleuse était tout à fait d’accord avec nous, elle a dit ressentir la même chose ! ça ne l’a pas empêchée de faire son boulot, à ceci près qu’elle a proposé de revenir plus tard avec son supérieur hiérarchique pour un deuxième contrôle, au prétexte qu’on avait trop d’anomalies différentes sur l’identification des bêtes. »
Nathalie poursuit en évoquant le gros travail d’information réalisé entre les deux contrôles par le groupe Faut Pas Pucer : « On a demandé à tous les gens qui suivent cette histoire d’envoyer des lettres aux administrations agricoles, expliquant pourquoi ils nous soutenaient, pourquoi ils se sentaient concernés. Il y a eu des dizaines de lettres qui apostrophaient cette grosse machine administrative et qui l’ont passablement ébranlée. Bref, le jour du deuxième contrôle est arrivé et, là, on était 80. Le contrôle a eu lieu sous les yeux de 80 personnes ! Et moi, pendant tout ce temps, je me suis sentie presque portée parce qu’il y avait plein de gens autour de moi qui étaient attentionnés, qui nous aidaient, nous soutenaient. »
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