Pour un cortège de tête arc-en-ciel le 5 décembre.

Une réflexion personnelle sur le multicolorisme et la joie dans le cortège de tête.

Lettre à mes amis, à mes potes, à mes camarades et aux personnes qui ne vont pas aimer mon texte.

Je commence mal me direz-vous, en affirmant dès le début que des personnes ne vont pas aimer ce texte. J’en suis conscient, puisque son but est d’appeler à un cortège de tête non violent ce jeudi 5 décembre, mais je l’écris quand même.

Je m’explique.
J’ai milité dans le milieu étudiant de nombreuses années. Militant fumeur de joints pendant longtemps, impliqué, mais sans plus, uniquement dans les mouvements. Ce que j’y aimais, c’était cette ambiance festive, constructive, pleine d’espoir et de volonté de changer le monde, de le rendre meilleur.
Au fur et à mesure des années, des débats, de l’approfondissement de mes connaissances, des expériences de répression, de croissance de ce sentiment de ne pas être écouté, d’injustice, a grandi en moi ce sentiment de colère.

Je n’allais plus en manifestation pour faire la fête, mais pour exprimer cette colère. J’ai expérimenté cette force qu’elle donnait à mes convictions, à des foules. Cela m’a valu quelques soucis, mais je reste convaincu que face aux gouvernements bourgeois, cette colère reste le seul moyen d’obtenir ce qu’on exige, comme elle l’a toujours été.

Cependant. Je n’oublie pas ce qui m’a fait entrer et grandir en politique. L’espoir. La joie. Deux sentiments qui guidaient aussi les mouvements de 1936 et de 1968. Associés à la colère bien sûr. Mais n’oublions pas les bals dans les usines occupées, les troupes de théâtre autogérées. Je n’oublie pas que ma colère n’est pas née d’un coup. Elle était préexistante, mais il lui a fallu du temps pour grandir, pour s’affirmer, et pour que je l’autorise à dépasser la peur.

C’est ce que je vous demande. De laisser le temps à toutes ces militantes et à tous ces militants qui vont nous rejoindre lors de ce 5 décembre. De leur laisser le temps de l’espoir et de la joie. De leur laisser le temps de l’apprentissage de l’injustice, de la violence qu’ils et elles subiront lors de ces occupations joyeuses de conseils généraux, d’entreprises, de manifestations sauvages qui ne vont pas manquer de se dérouler pendant ce long mouvement qui nous attend. De leur laisser le temps de construire leurs colères lors de débats, de distributions de tracts dans le froid de l’hiver. Lors de moments de répression d’actes non violents.

Ma colère couve depuis plus de 10 ans. J’ai appris à vivre avec au quotidien, et à la dompter tous les jours, pour aller bosser, quand je vois des flics, des contrôleurs, le virement pour mon proprio sur mon relevé de compte, les titres des articles. Elle peut attendre encore 2 semaines de plus avant de s’exprimer.

Je vous demande donc de laisser le temps à toutes ces personnes. De leur accorder cette première manifestation festive, combattive, joyeuse et pleine d’espoir. Pour lancer un mouvement de construction. Exigeant. Très exigeant, pour nous, en termes de temps et d’énergie. Ce qui nous permettra d’être très très exigeant·e·s dans nos revendications si nous le réussissons.

Je vous suggère donc l’idée d’un cortège de tête arc-en-ciel. Plein de couleurs et de musique, de ballons, de confettis, de serpentins, d’œufs de peintures — pourquoi pas —, de perruques et de maquillages. Oui, nous les provoquerons, par notre joie, par notre folie. Par ce contre quoi ils ne peuvent pas lutter.
Il sera bien temps plus tard de leur montrer un autre visage de nous-mêmes.

J’ai bien conscience que cet appel, tout personnel, va à l’encontre de beaucoup de volontés.
Mais un cortège arc-en-ciel, une manif sur deux, serait, je pense, extrêmement constructif.

En espérant vous avoir convaincu, ou au moins vous avoir fait sourire, ça sera déjà ça.

Note

P.S. Je connais les arguments d’une lutte violente, de la propagande par le fait, etc. Je les ai moi-même défendus lors de multiples débats.
Mais dans « situationnisme », il y a « situation », ce qui veut dire (selon moi, du haut de ma non-connaissance de la théorie politique) qu’il faut analyser la situation. Ceci est mon analyse. Vous avez le droit de ne pas la partager.

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