Jusqu’à preuve du contraire, ce sont bien les travailleurs et les travailleuses qui produisent la richesse et qui font vivre les entreprises et les usines.
Jusqu’à preuve du contraire, ce sont bien les travailleurs et les travailleuses qui accomplissent les gestes et les efforts pour lesquels on les emploie.
Jusqu’à preuve du contraire, ce sont bien les travailleurs et les travailleuses qui savent à partir de combien d’heures de travail l’épuisement s’installe, et le repos s’impose.
Jusqu’à preuve du contraire, ce sont bien les travailleurs et les travailleuses qui savent le mieux organiser leur temps de travail et définir des objectifs réalisables.
Les travailleurs et les travailleuses seraient incapables de travailler correctement sans recevoir des ordres ? Auraient besoin de concéder une si grande partie des bénéfices générés par leurs soins à ces décisionnaires autoproclamé.e.s ?
Et si les chefs tombaient ? Si les employé.e.s venaient à gérer leur lieu et leur outil de travail ensemble : quels seraient le manque à gagner, le montant de l’augmentation générale des salaires, la réduction du temps de travail et le retour du commun, de la vie au cœur de l’emploi ?
Si la grève, loin de prolonger la mesure du rapport de force, en faisait le deuil ? Si, plutôt que chercher le recul du patronat, elle visait à son éviction ? Le syndicalisme n’est-il pas avant tout une lutte pour l’abolition du salariat ? Pour y parvenir, ne faut-il pas détrôner le patronat, rendre aux travailleurs et aux travailleuses le plein contrôle de leurs outils de production ?
Aménagement des horaires de travail et de repos, organisation d’activités et de divertissements, instauration des objectifs, fixation des prix de vente et du montant des salaires, etc. Toutes ces problématiques ne devraient pas être confisquées aux employé.e.s. Au contraire.
A l’heure où le pouvoir politique et économique veut affaiblir les forces syndicales dans les conseils d’entreprises, faut-il se battre pour conserver ces forces dans leur état actuel, déjà insuffisantes face au pouvoir patronal… ou bien rendre aux employé.e.s le plein contrôle de ces conseils ?
Contre le patronat, le gouvernement scélérat, l’actionnariat tout-puissant, la course au profit, les délocalisations, la précarisation, la répression… qu’attendons-nous pour déclencher un mouvement autogestionnaire ? Qu’attendons-nous pour rendre aux travailleurs et aux travailleuses le contrôle complet de leur activité ? Pour remplacer les réunions entre actionnaires par des assemblées entre employé.e.s et consommateurs.rices ? Pour remplacer la concurrence débridée par la coopération économique ?
S’il nous est impossible de déclencher une grève générale, lançons une vague de grèves expropriatrices [1] ! A défaut de pouvoir bloquer l’économie, portons un premier coup à son hégémonie, réduisons-la au silence partout où nous le pourrons, ouvrons des brèches qui seront autant de mains tendues à nos camarades en lutte, et autant d’espoirs pour nos camarades hésitant.e.s.
On a construit une prison pour y enfermer des bouts de vie, et on a appelé ça travail. On a élevé cette prison au rang de raison. De labeur, elle est devenue valeur. Aujourd’hui, les murs ne parviennent plus à contenir la misère. Elle cogne de toutes ses forces pour les abattre. Dans les lycées, sur les lieux de travail, dans les foyers, chez nos ami.e.s, des brèches se sont ouvertes. Nous ne nous y engouffrons que trop timidement. Nous étouffons par ici, il faudrait penser à sortir. Et puis d’ailleurs, on n’étouffe pas qu’ici : si nos chaînes sont encore suffisamment agréables pour nous faire hésiter, c’est parce qu’on enchaîne sans ménage outre-mer. Pour donner du mou d’un côté, il faut bien tirer sur la corde de l’autre.
Ce que nos adversaires appellent travail, nous l’appelons enfer. Nous ne demandons pas le paradis, seulement la vie. Mais déjà nos adversaires revêtent leur habit tortionnaire. S’il faut se battre, nous nous battrons. Nous avons l’habitude des coups, et jamais les fausses victoires ni les débandades ne nous ont fait courber l’échine. La bête, celle qui n’entend pas votre raison et qui refuse votre loi, s’est relevée. Du printemps dernier elle vous promet un hiver ardent. Sous les arbres morts les racines vivent encore, les morts résonnent et la grandeur passée nous guette comme une promesse. Du désespoir monotone à l’espoir, il n’y a qu’un pas. Franchissons-le. Cessons d’avancer à l’envers, c’est vers demain que nous allons. Ne nous laissons plus bourrer le crâne, nous en avons besoin pour penser des poèmes. Brisons nous-mêmes nos chaînes : nos gestes nous appartiennent, nous avons besoin de nos bras pour nous aimer, et de nos mains pour les pluies de pavés.