Qui sont les Monstres de Noël ?

Exit la féerie.

Où sont les Monstres ? Je m’adresse aux porteurs de gros cigares découpant le monde en quartiers inégaux. Nous sommes vos lycanthropes [1], errants sur le bitume après le couvre-feu. N’essayez pas de nous tazer ! vous ne trouverez que nos ombres.
Nous dormons l’épaule adossée aux joueurs d’orgues de barbarie. Ceux-là même que vous ne voyez pas glisser, invisibles, sans âges, le coeur et la mémoire en friche, Les stiffs vont nu-pieds. Calanchent aux pieds de vos immeubles.
Tout juste si on les ramasse. Miroirs inversés de vos conforts obscènes. Nous tombons en poudre avec eux, nous crions pour eux ! ils n’en ont plus la force. Est-ce là votre découpage social ?
Nous supportons depuis trop longtemps votre « chronique amnésie ». Il semble que la « chaleur » n’existe que d’un seul côté de l’espace en hiver, et c’est assez de vous voir monopoliser cet espace ! Dehors le froid cogne dur. Trop de suffisance, de boursouflure dans vos manières de Cour. Un tel spectacle nous est insupportable.
Assez de vous voir attablés derrière la vitrine de vos palaces en papier inflammables.
Patrons altiers, vos exquises anecdotes en soirée nous font vomir. Patriciens du monde entier, les monstres portent vos costards, ils vous ressemblent comme deux gouttes d’eau « et maintenant miroirs réfléchissez ! »
Nobles Capitaines d’industrie, gentils monstres d’autorité, Narcisses marchant d’un pas viril sur l’esplanade de la Défense ou sur l’avenue des Champs Élysées (au hasard). Nous n’épargnerons pas les serrures de vos portes blindées (salut à toi Marius Jacob), ni vos consciences cotonneuses. Nous salissons vos rues, brisons vos vitrines et jamais nous n’arrêterons.
Météores, brûlés, fracassés, nous sommes des entités-frontières, nous avançons de concert au péril de la déraison. L’Agôn des nouveaux économistes ne nous fait pas trembler, pas plus que les rêves totalisateurs des candidats au trône et leurs bodyguards vêtus en armure.
Monstres, nous le sommes aussi, mais absolument inversés ! Nous sommes les gargouilles de ce symbolisme social qui se délabre en boutiques de smarphones 5 G.
Reconnaissez-vous votre monde bâtards ? Jamais votre monde ne fut si laid. Jamais les opérations de capture du social ne furent plus vulgaires. Voici pourquoi nous, nous échinons à dérégler vos lois. La rue nous appartient. Ardeur raisonnée, ne vous y fiez pas ! Nous sommes illégalistes. Ce piteux Noël, votre noël, craque sous nos pas dans un bruit de bois sec. Les mots sont aussi des armes, ils nous tiennent lieu de lances, de frondes, de javelots tout autant que nos langues de feu. Nous sommes les Monstres de toute forme d’assemblée « verticale », éparpillés, dégénérés. Arthur l’a si bien formulé : « je suis de race inférieure de toute éternité ».
La « rêverie de noël » n’aura pas lieu, car la féerie se tient ailleurs : dans les bois, les arbres, et le brasier à venir de vos avenues.
Votre rêverie se désincarne et puissiez vous étouffer ce soir en famille dans votre repas somptueux.
La rue est le réel dont vous êtes coupés. Nous avons une poignée d’anges pour désosser vos symboles marchands ! et vous comprendrez alors le sens de la formule : « transvaluation de toutes les valeurs ».
Il nous faut un chiffre établissant le coût de vos soirées noyées de champagne, car vous devez quelque chose aux vagabonds qui crèchent seuls dans les parcs. Vous devez aussi beaucoup au lumpen qui tapine dans des bois lugubres où vous venez assouvir vos pulsions honteuses, dans vos bagnoles de luxe.
Jamais vous ne connaîtrez l’hypothermie, ni le goût du sang s’écoulant de vos bouches en garde à vue. Mais jamais nous ne vous laisserons dormir en paix .
Il paraît que vous servez un monarque malade ? Gardez vos mouchoirs.
Nous dégorgeons dans le froid, des pandémies secrètes.

Sylphe

Notes

[1loups-garous

Mots-clefs : 49-3
Localisation : Paris

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