Montreuil : Expulsion du foyer Bara et relogements à la louche

Des nouvelles de l’expulsion « solidaire » du foyer Bara par la Mairie, 2e épisode : la fermeture définitive du foyer historique des Baras après 50 ans d’abandon progressif par les politiques publiques, en oubliant de reloger un bon tiers des occupants

Ca y est : ce matin du 29 novembre 2018, à 5h du matin, le foyer Bara a été expulsé.
Cette ancienne usine de pianos « gérée » par le bailleur « social » Coallia [1], est un foyer de migrants depuis 1968.
Vétuste, super crade, blindé de monde, le foyer Bara c’est l’incoutournable lieu de rencontres du bas Montreuil.
Pas des bobos, non ! Principalement des maliens, des sénégalais et autres travailleurs migrants dont beaucoup sans-papiers.
Depuis des années, c’est pas folichon comme conditions de vie : les 240 occupants légaux du foyer sont en fait plutôt dans les 600, entre ceux qui dorment là-bas de temps à autre, ceux qui sous-louent pour s’entasser dans une chambre, ceux qui s’entassent dans l’escalier, dans la cuisine...

Voynet avait déjà tenté d’expulser le foyer Bara en 2013 : comme à son habitude, le président du Mali avait fait une petite visite pour bien montrer qu’il n’en était pas question.

C’est alors que Coallia, l’État et la mairie de Montreuil se mettent d’accord sur la destruction et la transformation du foyer en résidence sociale, en application du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants en Seine-Saint-Denis, lancé en... 1997.
Mais à quelle échéance ? Mystère ! D’ici 2018, 5 bâtiments doivent sortir de terre pour loger les personnes du foyer. Reste un mois, à l’aise...

Le foyer de la rue Bara a été confirmé en arrêté de péril mercredi. D’où l’expulsion jeudi matin.
Des ouvriers étaient déjà présents ce jeudi soir dans l’ancien foyer rue Bara pour commencer à péter toutes les canalisations et installations sanitaires, au cas où certains aient l’idée saugrenue de revenir. Les quelques fenêtres pas encore murées l’ont été, et le portail fermé définitivement...
Mais qui dit expulsion dit : relogement ! Et c’est là que ça devient un peu le festival...

  • Coallia a semble-t-il refusé de trouver une solution pour les occupants illégaux (200 personnes)... mais aussi pour les occupants légaux (à peu près 250 personnes) dans l’immédiat ! Pas mal, pour un bailleur social !
  • Les twittos se gargarisent du « déménagement du foyer Bara », des
    « habitants du foyer Bara ENFIN relogés », avec « immense soulagement et fierté » : en vérité, ils sont expulsés par arrếté de péril (c’est quand ta maison va se casser la gueule ou qu’un promoteur va la casser sur ta gueule, comme à Marseille ou ça danse pas trop le MIA pour le moment).
  • Sur son Twitter, Patrice Bessac se félicite : "[Montreuil Ville Solidaire] Bienvenue à tous les résidents du foyer #Bara ! Une victoire pour la dignité !" On peut y voir de bien belle photos des plus âgés accueillis à bras ouverts par les élus.

En effet, une belle page de l’histoire de Montreuil se tourne : après avoir fait imploser le foyer Bara en septembre dernier, pour ne pas avoir à expulser les résidents, Bessac avait fait réquisitionner l’AFPA, ancien centre de formation pour adultes fermé depuis presque deux ans, dans le quartier de la Noue. Une partie des occupants (à peu près 200) était alors partis s’installer là-haut, bien loin du Montreuil gentrifié que Bessac et ses équipes appellent de leurs voeux.

Un déménagement, vraiment ?
C’est dans une avenue tristoune, loin des transports et de l’activité trépidante de la rue de Paris, à 50 m de l’autoroute A3. Au-delà du changement drastique que cela va apporter au quartier Robespierre, tout le monde a gagné un gros quart d’heure de temps de trajet en plus tous les matins. Sachant qu’avec un taf de merde à l’autre bout de Paris (dans une autre banlieue le plus souvent) ça peut faire toute la différence...

Un relogement, vraiment ?
Le local de l’AFPA a fait l’objet d’une procédure de la part de la préfecture, pour occupation illégale (par le maire qui joue à réquisitionner), et la décision d’expulsion a été suspendue par le Tribunal administratif de Paris. Ce qui veut dire que le local sera expulsable, en théorie, à la fin de la trève hivernale (mois de mars).

Ce jeudi matin, les occupants « légaux » ont été emmenés en bus municipaux dans le bâtiment de l’AFPA, tandis que les occupants sans titre sont restés à la rue (très nombreux, au moins 200 personnes).
Toute la journée, ils sont restés devant le bâtiment de l’AFPA pour être également « relogés » ; en fait, être sûrs de dormir au chaud ce soir, puisque Monsieur le Maire a dit qu’il relogeait tout le monde, « officiels ou non ».

La mairie, une brochette de flics en anti-émeute et de vigiles empêchant quiconque de rentrer dans le bâtiment, à défaut d’être sur une des mystérieuses « listes » faites à la va-vite mercredi soir, il y a eu de gros moments de tension toute la journée. On a entendu dire que les « légaux » proposaient aux « illégaux » de payer cent ou deux cent balles pour partager une piaule...

Vers 18h Djénéba Keita, une adjointe à la mairie a prétendu que personne ne dormirait à la rue ce soir et emmené une délégation à la Mairie. Ils y étaient encore à 20h.

Le nouveau bâtiment semble pourtant largement assez grand pour accueillir toutes les personnes qui s’entassaient dans beaucoup plus petit rue Bara, sachant qu’un des deux bâtiments de l’AFPA est encore inoccupé.

On peut se demander quelle image de la solidarité a Patrice Bessac (c’est pas avec tout le monde semble-t-il) et de la dignité, puisqu’il troque éhontément un vieux foyer miteux et surpeuplé contre un bloc de salles de cours absolument pas adaptées pour de l’habitation (au moins ils auront de grands dortoirs !) et surtout expulsable dès la fin de l’hiver (mais il dira que c’est la faute de la préfecture).

On ne peut que souhaiter à tous les occupants de l’ex-foyer Bara de rester fermes :
Le foyer est à ceux qui l’habitent !
Un toit et des papiers pour tous et toutes !

Notes

[1Ex AFTAM, l’Association pour la Formation technique de base des Travailleurs Africains et Malgaches, présidée par Stéphane Hessel, l’Indigné. Qui est un des bailleurs sociaux des foyers et qui les laisse depuis de nombreuses années dans des états hallucinants.

Localisation : Montreuil

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