Migrants, sans-papiers, n’évacuons pas le problème

À propos de l’expulsion, mercredi 4 mai au matin, des migrants qui occupaient depuis deux semaines le lycée Jean-Jaurès.

L’occupation du lycée Jean-Jaurès (rue Clavel, dans le 19e arrondissement de Paris) par des migrants n’aura donc duré que deux semaines.

En haut lieu, on est satisfait : dans une belle unanimité, tous demandaient son évacuation, le maire du 19e arrondissement (PS), la présidente de la région (Pécresse, LR), le préfet… Ils peuvent tous être contents : ce lycée vide et inoccupé depuis cinq ans, et dont la réouverture n’était prévue que pour 2018, va pouvoir continuer à rester vide (car, comme l’a déclaré Pécresse, « dans la République on ne peut pas s’approprier un bien public qui doit être mis a disposition des lycéens », oubliant, au passage, que de lycéens il n’y en aura de toute façon aucun avant deux ans).

Pas question pour les autorités de permettre un nouveau point d’ancrage pour ces migrants de tous horizons (Soudanais, Érythréens, Somaliens, Syriens, Afghans…). Lundi dernier, c’est le campement installé sous le métro Stalingrad qui avait été évacué. Certains avaient réussi à rejoindre le lycée de la rue Clavel. Occupé au départ par une soixantaine de migrants, puis cent cinquante pour arriver à environ trois cents, les migrants, avec l’aide du collectif La Chapelle debout, fonctionnaient dans l’ordre et de manière très pragmatique : inscription de chaque migrant pour avoir accès au bahut, expulsion en cas de bagarres, logos explicites rappelant les interdictions : alcool, drogues, propos racistes ou sexistes… Mais ordre, pragmatisme et auto-organisation, ça ne suffit pas pour les autorités – c’est même plus que suspect.

Les migrants demandaient : des papiers, des logements et l’accès à l’éducation. Le tribunal administratif ne les a pas vraiment entendus et a tranché vendredi 29 avril : le lycée doit être évacué sans délai ou presque (délai de grâce : 72 heures), soit lundi 2 mai.

Nous étions donc quelque 300 manifestants lundi soir pour un sit-in improvisé devant l’établissement scolaire, afin de nous opposer à une intervention prévisible des forces de police. Celle-ci a finalement eu lieu ce matin (mercredi 4 mai), peu après 6 heures, avec quelques lacrymos envoyées contre les soutiens aux migrants présents à cette heure-là. Une négociation a été menée ensuite à l’intérieur entre responsables du collectif La Chapelle debout et responsables des forces de police.

Une dizaine de cars avaient apporté leur contingent de robocops en tenue de combat. Les rues adjacentes (Clavel, Mélingue, Belleville…) ont été bloquées, les manifestants qui rappliquaient tenus à distance, et l’évacuation par les flics a commencé : migrants (hommes, femmes et enfants) embarqués dans des cars, visiblement sans avoir le temps de prendre leurs affaires (balancées en vrac dans des sacs plastique, en espérant qu’ils pourront les récupérer), ni que les interprètes aient pu expliquer à tous ce qui allait leur arriver : à savoir, pour les uns, direction divers centres d’hébergement (hors de Paris), et pour les autres direction des hôtels d’accueil.

Bref, rien de changé : toujours des mesures provisoires, des situations précaires qui, de plus, ont un coût exorbitant (comme ces hôtels d’accueil), et dans un mois on retrouvera un grand nombre de ces migrants dans la rue, sans toit.

Les autorités peuvent continuer de se voiler la face : il ne s’agit pas d’un problème humanitaire, mais bien d’un problème politique. Pourquoi des frontières pour les humains quand il n’y en a pas pour les marchandises et encore moins pour les capitaux ? Combien de temps les médias diffuseront-ils les images de migrants se noyant dans la Méditerranée, et les discours hypocrites des politiciens de tous bords martelant que « oui c’est bien triste, mais notre pays ne peut décidément pas accueillir toute la misère du monde ».

Les frontières sont historiquement le résultat de guerres et de rapports de force entre belligérants ambitieux. Soit. Réactivons les objectifs de la Première Internationale, inversons le rapport de force et avançons vers la liquidation de la société de classes. Ni patrie ni frontières.

Ramón
Groupe anarchiste Salvador-Seguí
www.salvador-segui.org

Mots-clefs : expulsions
Localisation : Paris 19e

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