Le 2 octobre 2002, mourait brûlée vive Sohane Benziane à Vitry. Elle a été tuée par son ex compagnon, dans le local poubelle de son immeuble. Sa mort a bouleversé une génération de femmes de quartiers populaires, choquées par la violence des faits. Une mobilisation sans précédent a vu le jour pour dénoncer les féminicides, les violences sexistes et sexuelles dans nos quartiers, et ce avant le mouvement Me Too. Cette colère légitime a pourtant été récupérée par le PS et son mouvement Ni Pute Ni Soumise. Cette récupération d’État a ciblé les hommes des banlieues comme des barbares sexistes. Ce mouvement a voulu faire de la France et de sa République, le seul outil de libération possible des femmes des quartiers populaires. Depuis, nous vivons un conflit de loyauté qui nous condamne au silence, reproduisant le fameux « laver son linge sale en famille ».
Pourtant, tous les ans, nous continuons à compter nos mort.e.s et mutilé.e.s : Dinah, Alisha, Melissa, Farida, Fouad, Vanessa Campos... Les féminicides sont le haut de l’iceberg des violences faites aux femmes : agressions, harcèlements, viols, suicides, corps abîmés par l’exploitation. Les femmes voilées subissent des violences racistes et sexistes spécifiques dans le contexte islamophobe actuel.
Il est temps d’organiser une riposte féministe antiraciste à la hauteur des enjeux.
Nous dénonçons :
- L’impunité des hommes violents qui traverse tous les milieux, jusqu’au plus haut sommet de l’État (Hulot, Darmanin, Abad...).
- la vision raciste du féminisme d’État, ciblant clairement les hommes des quartiers populaires
- Les structures patriarcales dans nos familles : violences, tabou sur les sexualités, éducation différente des filles et des garçons (charge administrative, travail domestique, gestion des enfants et des ancien.ne.s )
- L’impunité des hommes violents et la culture du viol dans les milieux militants.
- Le sexisme et le racisme dans les commissariats quand nous portons plainte pour violences. La justice n’est qu’une façade : les hommes violentent, la justice acquitte.
- Les silences autour des violences policières vécues par les femmes et les lgbtqi+ dans nos quartiers et lors de manifestations.
- L’impunité policière, les méthodes létales d’interpellation qui mutilent et tuent dans les quartiers. Le système carcéral tue aussi. Vérité et Justice pour les familles de victimes.
- Le manque de moyens pour la formation des personnels de santé et d’éducation sur le sujet des violences, des sexualités, des LGBTQIphobies et du harcèlement scolaire. L’accès à la contraception et l’IVG doivent rester gratuits et accessibles dans tous nos quartiers.
- Le manque de lieux gratuits pour notre réparation face aux traumatismes : congés maladie non rémunérés, coût excluant des prises en charge psy ..
- La précarité et les bas salaires enfermant les femmes dans un lien de dépendance avec leurs conjoints violents (papiers, logements, salaires, gestion de la garde et des pensions alimentaires, calcul AAH Allocation Adulte Handicapé.e).
- Le racisme d’État subi par les femmes et/ou LGBTQI+ sans papiers, exilé.e.s : régularisation sans conditions de tou.te.s les sans papiers, liberté d’installation et de circulation !
- La précarisation des travailleur.euses du sexe par des lois putophobes. Soutien inconditionnel envers ces travailleur.euse.s, notamment trans, qui en paient le prix fort : harcèlements policiers, violences, assassinats ...
- L’échec du système scolaire dans nos quartiers et la misère sociale qui poussent la jeunesse à la prostitution, comme seule issue possible.
- Les LGBTPhobies : PMA au rabais, les violences physiques, médicales et administratives sur les personnes trans, la mutilation des enfants intersexes. Les Prides des banlieues et Radicales doivent être des temps de mobilisations de toutes les forces antiracistes, en soutien avec les concerné.e.s.
- La criminalisation des mouvements militants : antifascistes, antisionistes, Gilets Jaunes etc. Les féministes des quartiers populaires sont de tous ces combats : s’attaquer à un.e de nous, c’est s’attaquer à tou.te.s
Nous marcherons donc le 15 octobre 2022 dans les rues de Saint Denis.
Nous marcherons pour que cesse notre silence collectif face aux violences : que notre bourreau soit l’État, intime ou nos camarades de lutte. Nous marcherons pour porter un féminisme populaire antiraciste, en rupture avec le féminisme d’État. Nous marcherons pour honorer les mort.e.s et pour protéger les vivant.e.s.
Nous marcherons pour mettre au centre des débats : nos combats, nos réparations et nos victoires.
Qu’avec les noms de : Zyed, Bouna, Adama, Lamine ou Yanis et toutes les victimes de la police... résonnent aussi dans nos quartiers les noms de : Sohane, Fouad, Dinah, Melissa, Alisha, Farida, Vanessa Campos, Ivana... et toutes les victimes des violences sexistes, LGBTQIphobes et sexuelles.
Nos quartiers ne sont pas des déserts féministes !