Macronisme ? Plutôt crever

L’ivresse du printemps 2016, l’ivresse conquise dans la lutte contre la loi travail et son monde, nous a peut-être fait oublier que la cible de la lutte était d’abord la violence du capital et ses conséquences directes sur l’organisation du travail (management cannibale, harcèlements, « plans sociaux », Uberisation, délocalisations, etc).

Les enjeux symboliques contenus dans l’affrontement avec les forces de l’ordre, notamment lorsque celles-ci répriment avec violence, ont toujours leur importance, leur nécessité, et il est vital de tenir la rue, ce lieu de résistance historique depuis 1848. Mais la rue ne doit pas devenir notre unique lieu d’expression sans quoi nous risquons de nous enliser dans les rets d’une politique-spectacle aussi inefficace que (paradoxalement) distrayante pour les cadres du système que nous sommes censés combattre.

Si nous n’existons que dans la rue, combien des nôtres finiront traumatisés, estropiés, enfermés avant que les consciences ensuquées nourries au jus de BFM ne se réveillent ? Gageons même que les patrons-voyous, un verre de Martini à la main, éprouveront un certain plaisir à regarder au journal de 20h le « feuilleton » attendu qui oppose CRS et « Black blocs ».

Peut-être l’heure est-elle venue d’aller cogner directement à la porte des entreprises du CAC 40 histoire de leur rappeler que la propagande « par le fait » n’est pas un vain mot ! Occupons la rue mais occupons aussi les usines, les raffineries, les enseignes de luxe, les hôpitaux. Transversalité. Combattons tous les lieux où sévit le harcèlement. Il est urgent d’aller houspiller les consciences (un peu trop tranquilles) du monde managérial qui sait si bien pousser au suicide ses salariés.

Il y a quelques semaines, Édouard, un cheminot se suicidait sur son lieu de travail, il avait 42 ans et était victime de harcèlement [1] . J’imagine mal la direction de la SNCF rongée par le remord. Alors combien de suicides encore avant le grand réveil des consciences ? On se souvient qu’en 2009, les 35 suicides de France Télécom n’ont inspiré chez Didier Lombard qu’une formule abjecte, énoncée avec la plus insigne vulgarité : « cette mode des suicides doit cesser ! »

Une mode ? Le suicide ?

Pour les psychologues normopathes qui l’auraient oublié, le suicide sur son lieu de travail ne résulte pas d’un « dysfonctionnement individuel » (une « faiblesse du moi »), il est au contraire une conséquence directe de la « philosophie du profit », du cynisme des managers et des micro-fascismes que légitime le culte du « sang neuf » en entreprise. Ce micro-fascisme managérial s’incarne aujourd’hui dans le macronisme.

Le temps est venu de nous rappeler au bon souvenir de Bouygues, d’AXXA, de Arcellor Mittal, de Renault, de la Poste, de l’hôpital-entreprise, de tous les lieux où se pratique cette « mode », puisque c’est ainsi que la langue perverse du « dirigeant » la caractérise". Le temps est venu de faire cesser le harcèlement, c’est à dire la loi du profit, partout où elle sévit et se capillarise.

Le secteur hospitalier n’est pas épargné : depuis 2009 et la « tarification à l’acte » qui impose désormais aux hôpitaux des « chiffres », c’est le monde décomplexé des « porcs » qui s’installe au pouvoir, au sens très précis où l’entendait Ulrike Meinhof en 1975 [2].
Et contre les porcs du capital, un seul viatique : l’action réfléchie, orientée, offensive contre l’appareil capitaliste oppressif.

Je cite Ulrike : « l’essentiel est la lutte, la lutte qui produit la lutte. Il n’y a qu’une libération contre les multiples formes de morts dans notre système. Et c’est la violence contre les porcs » [3].

Alors oui, retrouvons le sens de la lutte, dans la rue ET au travail.
La gouvernance jupitérienne ne passera pas !

Notes

[2Ulrike Meinhof, journaliste allemande née en 1934, fonde la fraction armée rouge en réaction au fascisme d’État dans les années 70, emprisonnée à Stammheim et retrouvée pendue dans sa cellule le 9 mai 1976 après 1an d’isolation sensorielle.

[3Paroles d’U. Meinhof, documentaire ULRIKE MARIE MEINHOF de Timon Koulmasis, 1994.

À lire également...