Le sujet, repris par de très nombreux médias, a largement éclipsé les revendications sociales qui avaient pu émerger au cours des semaines précédentes : hausse du SMIC, des minimas sociaux, rétablissement de l’ISF, etc. L’enjeu serait de répondre au « malaise démocratique » en rendant au peuple sa souveraineté.
Cette revendication constitue un recul dans l’évolution du mouvement, au sein duquel semblait se dessiner un clivage de classe, entre d’une part les galériens des ronds points qui réclamaient plus de services publics et alertaient sur leur impossibilité de finir le mois, et d’autre part celles et ceux qui protestaient uniquement contre les « charges » et les « taxes ». En témoigne l’interview de Maxime Nicolle, l’une des figures du mouvement, le 15 décembre : devenu un défenseur du RIC, il s’inquiète des conséquences qu’aurait une augmentation des salaires pour les entrepreneurs et les patrons matraqués par les « charges », et se déclare favorable à un changement de fond du « système ». Changement qui passerait donc par l’instauration de ce référendum d’initiative citoyenne.
Pourtant, comme le rappelle le site 19h17.info, les référendums sont avant tout le terrain de jeu des politiciens, même quand ils sont « d’initiative citoyenne » :
Qui a les moyens de faire des campagnes électorales ? Qui peut débourser des millions pour tout cela ? A une heure ou l’argent n’a jamais été aussi important dans le processus de réunions des suffrages, ou ce sont des milliardaires qui gagnent les élections, qui peut croire qu’une campagne électorale est le lieu ou les exploités, les galériens vont se faire entendre ?
Les référendums sont avant tout de grands moments de propagande, et la propagande a un coût : l’équipe de campagne en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne a dépensé près de 8 millions d’euros. Et cette campagne pour le Brexit a vu proliférer toutes sortes de mensonges, pour certains à connotation clairement raciste (risque d’invasion migratoire, etc.).
Le référendum à l’heure des algorithmesComme l’explique ce billet de blog intitulé Après avoir Liké, les gilets jaunes vont-ils voter ?, la structuration du mouvement des gilets jaunes autour de groupes Facebook a offert au réseau social américain une quantité faramineuse de données sur les goûts, dégoûts et préférences politiques des participant-es au mouvement. Or, Facebook n’est pas un espace désintéressé d’élaboration politique, mais une entreprise privée dont la finalité est le profit. Comme l’explique l’auteur de l’article, Facebook sera donc en capacité de « vendre » les données collectées à tel ou tel parti politique dans le cadre de n’importe quelle élection — ou référendum, donc.
« Pour être précis - c’est important - il ne "vendra" pas "le nom de Untel qui a liké telle proposition" mais il permettra à tel annonceur agissant pour tel parti politique ou tel lobby, d’afficher la bonne publicité ou le bon argument au bon moment sur le bon profil pour le convaincre que son candidat soutient cette idée. Bref très exactement ce qui s’est produit dans le cadre du scandale Cambridge Analytica (...) et qui, sachons-le, va continuer de se produire puisque la seule décision de la plateforme après ledit scandale fut de promettre davantage de transparence. »
Le piège du « Référendum d’Initiative Citoyenne »
En quelques jours, c’est devenu la principale revendication portée par de nombreux groupes de gilets jaunes, à tel point qu’une banderole « Le RIC sinon rien !!! Nous ne lâcherons pas !!! » a pris la tête de la manifestation tourangelle du 15 décembre. Article publié initialement sur Larotative.info
Lire la suite sur La rotative