La justice est au service de la police

Le 19 mai dernier devant l’Assemblée nationale, une occultation insupportable des pratiques policières et des rendus de justice s’est étalée sans vergogne : les violences des unes légalisées par la complicité des autres.

Le 19 mai, la flicaille était regroupée devant l’Assemblée nationale. Perchée bien haut sur un échafaudage monté pour l’occasion, toute la bureaucratie syndicale des rois de la matraque a réussi à rassembler à ses pieds quelques milliers de manifestants, des fachos notoires, des rouges du PC, des roses du PS et quelques verts kakis d’EELV. La caste politique au grand complet ou presque – élections obligent — avec chassepot sur le casque : le ministre de l’intérieur, un peu sifflé certes, venu manifester contre lui-même puisque les bleus étaient venus là pour édicter leurs lois : plus de peines (des peines plancher…), plus de sécurité.

Allons-nous être gouverné.es par des mouchards et des gendarmes ? [1]

L’Ordre inégalitaire multiplie ainsi les diversions, sature les médias, réduit les sujets qui fâchent à un seul — le sécuritaire quand ce n’est pas le sanitaire —, pour faire oublier tous les autres et notamment ses propres violences : capitalistes, racistes, sexistes et policières.

Depuis ce 19 mai, il y a surtout un déni, une occultation insupportable des pratiques policières et des rendus de justice : les violences des uns légalisées par la complicité des autres. C’est une constante tellement constante.

Dans un communiqué publié suite à ce rassemblement policier, l’Assemblée des blessé.es de Nantes rappelle que ce « laxisme » supposé des juges concerne en premier lieu le corps policier : la relaxe récente prononcée à Marseille vis-à-vis de policiers de la BAC l’illustre, ou encore celle du gendarme qui a tué Rémi Fraisse (…) À Nantes depuis la relaxe en 2012 par le tribunal pénal d’un policier tireur au motif « qu’il avait obéi à un ordre non manifestement illégal », en éborgnant avec un LBD un lycéen en novembre 2007, combien d’affaires de personnes, de manifestant.es grièvement blessé.es par la police, jusqu’à la mort de Steve Maia Caniço, la mort d’Aboubacar Fofana ? Le CRS qui l’a tué est toujours en fonction, près de trois ans après. Aucune de ces plaintes, suivies par des avocat.es, n’a donné lieu à une condamnation à de la prison ferme, ni à une peine "plancher" de ces policiers, dépositaires de l’autorité publique. »

Sans oublier : Cédric Chouviat, Adama Traoré, Lamine Dieng… Il faudrait les citer tous, toutes.

Le vécu dans les commissariats et les gendarmeries n’a rien de laxiste. En garde-à-vue, les humiliations et les violences font système. Mélanie « membre des Mutilé.es pour l’exemple, a passé trois jours et trois nuits en garde à vue. Pour rien. Ou plutôt si, pour avoir manifesté le 12 décembre contre la loi Sécurité globale. Elle est sortie sans aucune charge contre elle. Soixante-dix heures sans pouvoir dormir, une lumière dans la gueule, refus de l’emmener aux toilettes, bouffe immonde, première audition sans avocat.e... » Un exemple parmi cent rapporté dans un blog.

Quant au quotidien dans les chambres correctionnelles de Cité ou du TGI, les parquets cirés et les escaliers mécaniques, l’agencement réfléchi, translucide et sécurisé, mettent en scène la cruauté d’une justice qui reste bien au service de la police [2]. Une justice de classe et de race, qui sans peine plancher envoie tous les jours son comptant de prévenu.es en taule. Au 1er mars dernier, 78.342 personnes étaient placées sous écrou. Et Castex, en début d’année, a annoncé la construction de nouvelles prisons. Un marché lucratif.

Rares sont les juges qui mettent les formes à l’adresse des prévenu.es. La condescendance, le mépris, les clichés, les stéréotypes en tous genres sont la règle. La parole des flics est systématiquement acceptée, jamais questionnée. Là, le contraire est l’exception. Quand vient la parole aux procureur.es, c’est généralement l’apogée des sermons, le café du commerce englouti dans le code pénal. Après les délibérés, la sanction tombe, toujours. Le mandat de dépôt n’est pas une anomalie.

Le problème de la police, ce n’est donc pas la justice, qui lui est toute dévouée.

La charge des syndiflics contre la justice est une diversion pour garder la main sur les adhérent.es, maintenir la pression sur le ministère de l’intérieur, préserver la co-gestion, mais l’essentiel n’est pas là. Les pratiques de la police ont été dévoilées par les luttes des familles victimes de ces violences ; son racisme est aujourd’hui dénoncé ; son fascisme révélé ; son essence même décryptée : maintenir l’ordre d’une société de plus en plus inégalitaire et colonialiste. Les politiques savent qu’ils ne peuvent survivre sans elle.
Mais plus personne n’est dupe. À quand enfin la République, de la justice et du travail ?

Nada

Note

Référence du titre : Michel Foucault : « La justice est au service de la police »

Notes

[1« La semaine sanglante ».

[2Ibid. Michel Foucault : « La justice est au service de la police ».

Mots-clefs : violences policières | police

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