Les personnes qui ont comparu ce samedi sont très jeunes, elles ont entre 18 et 24 ans. Le juge a adopté un ton paternaliste pendant toute l’audience.
Première comparution : pillage d’un carrefour market
Les quatre inculpé-es ont été chopé-es lors du pillage du carrefour de Saint-Denis dans la nuit de jeudi à vendredi. L’un des inculpés est employé du magasin : il gagne 950 euros par mois. Ils sont inculpés pour « attroupement en vue de... » et pour pillage.
On peut retenir que les téléphones ont été exploités : les vidéos et les conversations ont été analysées, et utilisées pour justifier d’une prétendue préméditation du pillage. On ne sait pas s’iels ont donné leurs codes de dévérouillage, mais les flics y ont eu accès. Celui qui a envoyé des messages a eu beau dire qu’ils étaient écrits sur le ton de la rigolade, le juge ne l’a pas écouté.
Tout-es reconnaissent être entré-es dans le magasin sous l’effet d’entraînement, mais nient toute préméditation, toute concertation, et certain-es nient avoir tenté de voler quoi que ce soit. Le juge ne les écoute pas de toute façon.
Pendant l’audience, le juge n’a pas pu s’empêcher de nous faire part de sa triste vision de la vie : mettre au pas par le travail, maintenir l’ordre racial et capitaliste. En parlant des employé-es du Carrefour, « vous avez pensé à ce que vont faire les gens qui y travaillent ? Vous savez bien que c’est important pour les gens de travailler ». Et sur un air de regret, d’ajouter « Autrefois quand un employé volait son patron, c’était la cour d’assise quand même ! »
Il s’était apitoyé avant cela sur « les gens du quartier qui n’ont plus de magasin pour faire leurs courses », avant d’enchaîner sur un cours d’économie digne de Bruno Lemaire : « et les prix vont augmenter à cause des pillages ».
Il a même donné un conseil pour se révolter bien comme il faut, pour que surtout le système raciste ne bouge pas d’un poil :
les gens quand ils voient les vidéos d’exaction, ils se disent « ah ben la prochaine fois j’exercerai mon droit de vote ».
Les réquisitions du procureur Éric Mathais ont été très dures. Il était question pour le parquet « d’envoyer un message » : en clair, demander de la prison ferme avec mandat de dépôt. Punir, enfermer. Faire des exemples. Il a répété une dizaine de fois que les faits sont d’une « extrême gravité » et qu’il s’agissait d’une « situation apocalyptique » (on parle bien d’un magasin pillé). Il requiert de 4 mois à 1 an de prison ferme avec mandat de dépôt.
Après le délibéré, le juge prononce les peines : la même peine pour tout les quatre, 6 mois ferme avec mandat de dépôt. La mère d’un des inculpé-es s’effondre en larmes, la salle est révoltée.
Deuxième comparution : tir de feux d’artifice
Il y a trois prévenus, interpellés à Gagny le 29 juin, pour des tirs de feux d’artifices (« mortiers » dans le langage policier) vers des policiers, selon la version des flics. La défense souhaite que les 3 soient jugés aujourd’hui car convaincue qu’ils seront relaxés : si l’audience est renvoyée, les 3 risquent très probablement de faire plusieurs semaines de taule en attendant le procès ; l’un d’entre eux partirait pour 9 mois en raison d’une précédente condamnation. Prétextant un manque de temps pour faire les audiences prévues aujourd’hui, le juge et le proc veulent un renvoi. L’un des inculpés mentionne que sa copine est enceinte de trois mois, et que s’il va en prison, ce sera compliqué pour aider.
Pour être sûr d’envoyer un maximum de personnes en prison, le proc demande le renvoi avec mandat de dépôt jusqu’au procès. Il plaidera pendant 2 minutes au total, preuve de la considération qu’il a pour les prévenus.
Malgré la défense des trois avocates qui soulignent notamment que l’enquête n’a été faite qu’à charge par le parquet et que les trois dossiers sont complètement vides, le juge le suit : les trois partent en prison et seront jugés dans un mois.
Allons les soutenir pour leur procès le 4 août prochain à 13h au tribunal de Bobigny !
Une relaxe
Tout juste 18 ans, accusé de violences sur PDAP sans ITT, avec mortier. Demande la CI.
Une vidéo existe mais le gars ne reconnaît rien (ne dites rien en gardav !). Il a un bon parcours scolaire, a été pris dans une fac parisienne. Comme beaucoup d’autres, sa famille n’a eu aucune nouvelle depuis son arrestation et n’est donc pas présente.
Le proc a voulu l’accuser de « co-action », et dans son immense générosité n’a demandé « que » 6 mois ferme ou 240h de TIG avec interdiction de Saint-Denis pendant un an, alors que le dossier est vide.
Défense surprenante de l’avocate (pour toucher le cœur de boomer du juge ?) sur cette « génération imbécile », mais il faut croire que ça fonctionne, ou que le vide abyssal du dossier commençait à se voir : relaxe ! Le gars n’y croyait pas, énorme soulagement. Les 5 flics qui s’étaient porté parties civiles iront se brosser, pas de prime tribunal cette fois-ci !
Mais surtout de la prison
23 ans, accusé de dégradation d’un mât de caméra « par un moyen incendiaire », accepte la CI
L’avocate est obligée de rappeler à l’assesseuse qu’elle n’est pas censée faire de commentaire perso pendant qu’elle lit ses feuilles, elle est censée attendre l’étape suivante pour bien montrer sa partialité. Elle est clairement vexée. Elle mentionne des accusations de « violence » et de « groupement en vue de », mais le gars n’en est pas accusé ! Il a eu 2 jours d’ITT suite à son arrestation, il a des bleus partout, mais forcément ça devait être lui le violent, alors que même les flics ne lui ont pas reproché, pour une fois. Dans le genre surréaliste, toujours la même assesseuse en roue libre précise que son nom apparaît en lien avec une affaire de meurtre ! A priori suspecté en rien mais bon si ça peut enfoncer le clou gratuitement...
Comme si le gars n’avait pas pris assez cher, un keuf du dépôt qui ne se sentait plus pisser (il est frustré de garder les sacs et voudrait aller casser de l’émeutier avec ses petits camarades ?) l’a bousculé pas mal (menotté et encore plein de bleus) devant la proc et l’avocate, et quand celle-ci lui a fait une remarque a menacé de coller une rebellion en plus au gars...
Le proc a demandé malgré tout 8 mois avec mandat de dépôt (pour avoir jeté un vieux bidon vide dans un feu...)
Le juge a dû calmer en coulisses l’assesseuse et n’est en tout cas pas revenu sur les autres accusations fantaisistes, mais le gars a quand même pris 7 mois avec mandat, en « semi-liberté »...
Pour celleux au fond qui avait encore des doutes sur le classisme de la justice, à dossier quasi-équivalent on voit bien la différence, selon qu’on ait un petit casier pour d’autre trucs ou des bonnes notes, et selon qu’on ait avoué ou pas ! (bon ça reste assez théorique vu le climat ultra-répressif actuel où on rase gratis, mais on peut avoir des surprises de temps en temps)
19 ans, groupement, violences, destruction et dégradation : demande de report.
On ne sais pas si c’est à cause de l’heure avancée, pour ne pas trop détoner avec la relaxe, ou pour compenser l’assesseuse déchaînée mais le juge a la main un peu moins lourde. Après un laïus chéper du proc sur l’effet d’entraînement des émeutes et le fait que plein de gens inconnus de la justice s’y retrouvent, tout ça pour demander quand même la détention provisoire, renvoi au 27 octobre avec CJ, interdiction de la ville où il s’est fait choper.
La main un peu moins lourde avec les émeutiers en fin de soirée, mais les petites affaire de stup habituelles des compa immédiates n’ont pas la même largesse, un gars de 24 ans avec une enquête sociale béton et une accusation mineure, qui a eu le malheur de demander un délai long pour son report (2-4 mois) s’est retrouvé au trou pour 3 mois et quelques...
Procureur, juge, flic... Disparaissez de nos vies