La France du mâle Alpha

Vous avez dit virilisme ?

Comment tenir bon sur la rage révolutionnaire sans succomber aux sirènes du virilisme ? pas simple. Vraiment pas simple.
Partout des modèles de réussite survalorisés, partout la caillasse, c’est-à-dire la virilité sociale.
Le message ? Il faut réussir par le sport, par la finance, il faut réussir par le son, par la baise, par l’image ! Mais vous me direz : N’est-ce au fond la même chose ? Exactement. C’est la même chose et c’est une catastrophe
La défaite mélancolique pour tout révolutionnaire, c’est l’adhésion à cette norme diffuse.
Car cette société s’y connaît en matière d’hameçonnage normatif : tout est bon pour contrôler les minorités, pour contrôler le peuple, pour contrôler la Vie (il y a tant de recettes).
Exemple : Donner au plus grand nombre l’envie de réussir comme on assèche un corps physique et social.

Dans les années 80, il fallait être un « battant ». Aujourd’hui les mots ont changé mais le sens perdure. Maintenant il faut être un « mâle Alpha ». C’est quoi le rapport ? le rapport c’est le corps. Le corps exhibé, phallicisé, le corps sans plis, le corps qui ne vieillit pas, qui ne fléchit pas, qui ne se déprime pas, qui ne pleure pas, bref « le corps fasciste ».
Ce corps est aussi un corps-entreprise. Le corps est une start-up. C’est un corps social.
Voir sur TikTok, cette application de merde. Ce fonctionnement "désimaginatif". Allez mater le nouveau malaise dans la civilisation. Allez examiner quelles sont les « nouvelles » obsessions sociales : non pas si ma voisine ou mon voisin souffrent, mais plutôt si mon corps est bien en accord avec mon fantasme, avec mon narcissisme de dominant potentiel. Si tu n’es pas le clone du chef spartiate, tu es vraiment une tapette ! comprenez : tu es une merde.

Il faut montrer que tu en a dans le froc et par tous les moyens possibles : tractions sur une barre, pompes, exercices en salles, accumulation des conquêtes, marchandisation des corps. Et surtout en matière de violence matricielle : l’incontournable MMA. Ce sport-limite semble reproduire ce que la virilité fasciste et capitaliste ont conçu de pire : apologie de la violence, culte délirant du KO, en attendant la mise à mort spectacularisée (et payante). Au passage, constatons chez les chroniqueurs sportifs que la syntaxe est singulièrement écrasée. Tout ce que la langue a de polysémique est, dans les commentaires, atomisé au profit d’une langue biface, tantôt robotique (phrases déclaratives et sans affects), tantôt une langue maniaque, exclamative et guerrière. Et derrière tout ça, des éclats de discours dans ce qu’ils recèlent de plus homophobe, transphobe et mysogine. Tu seras un homme mon fils, un vrai mec, tu seras un "bonhomme", pas une femme, ni un trans. Tout un nivellement de la pensée par le muscle, c’est-à-dire une perte de l’esprit critique, une dépolitisation massive. Le virilisme est en effet, politiquement démobilisateur : il s’agit de s’épuiser en salle, pas de renverser la domination.

On m’objectera que les femmes ont néanmoins une place dans le MMA. Une place ? Elles ont une place mais à condition qu’elles deviennent aussi impitoyables et connes que les mecs ! y’a qu’à regarder, y’a qu’à écouter.
Et les règles en matière de combat ? bah des règles c’est un peu comme dans une arène. On peut frapper un(e) « ennemi(e) » à terre. Surtout si l’arbitre a l’air de veiller au grain : les pulsions s’assouvissent. Ce qui est dramatique, c’est que chaque combattant accepte la règle qui consiste à défoncer l’Autre au sol. Façon expérience de Milgram.
L’absence de pitié est devenu vertu.

Frapper l’autre au sol, c’est pareil que dans la finance dérégulée, les fonds d’investissement ne s’en privent pas. Malheur aux pauvres. On peut aussi mettre à terre un pays dont le taux de croissance s’aligne mal avec les directives européennes (par exemple). On peut lui niquer sa race à ce pays et donc à sa population. Le parallélisme est « frappant » : Dans la "cage" plus vous chaussonez la gueule à une « victime », plus le combattant est ovationné. Ca ne vous rappelle rien ? du pain et des jeux. Les jeux du cirque. La plèbe est calmée et ça marche. OK. Certains diront que j’exagère et que je sous-estime le rôle des arbitres. Des arbitres ? Un peu comme l’OTAN vous voulez dire ? oui c’est ça.
Super le modèle social.

Le libéralisme-ultra a rêvé d’un nivellement « culturel » par la compétitivité brutale, les sports de combat l’ont fait. Soudain, les fafs et les non-fafs se retrouvent frères de connerie en virilité. Pour entrer au panthéon des dominants il suffit juste d’être un bon mâle Alpha et tout baigne ! enfin tout baigne, façon de parler, pour les fafs, un noir ou un arabe, même virils demeureront toujours des métèques, c’est là où gît l’arnaque des dominants. C’est là où tout antifasciste a de quoi se taper la tête contre les murs, c’est là où y’a de quoi déprimer.

Sans prise de conscience, comment sortir de cette spirale viriliste qui elle-même conduit au discours fasciste ? Franchement, je sais pas. Le culte viril est une cocaïne qui fonctionne si bien. Les dominants sociaux doivent se marrer ! Avec ce modèle, ils tiennent une société (de la cime à la zone), ils tiennent le monde avec l’appât du muscle agressif corrélat de la performance capitalistique et soyez sûr que ça marchera encore longtemps.
Suicide axiologique mode d’emploi.

On peut aussi déplorer que dans le milieu militant (parfois) des « fêtes sportives » aient pu donner une certaine place au MMA, et donc au virilisme, à croire que la beauferie capitaliste-fasciste s’est infusée, tout à fait inconsciemment, dans nos pratiques enragées.
Vous me direz que le virilisme dans le milieu militant n’a pas attendu le MMA pour émerger. C’est vrai. La logique virile existe depuis toujours, elle chemine un peu partout. Est-elle intrinsèquement liée à notre sub-structure biologique ou bien n’est-elle qu’une construction sociale ? Dans tous les cas, ce n’est pas une raison pour en remettre sur la brutalité. Il n’y a que les fafs pour tenter d’extraire une idéologie d’un certain type d’observation.
Pour nous, il n’y a pas de faits, il n’y a que des interprétations. Enfin j’espère.
Alors quoi ?
Alors n’ayons pas peur de dire que pour tout(e) révolutionnaire, la dévirilisation n’est pas une tragédie, c’est un viatique.

Bidule

Note

« Il y a un principe bon qui crée l’ordre, la lumière et l’homme. Il y a un principe mauvais qui crée le chaos, les ténèbres et la femme. »
Pythagore

Mots-clefs : anti-sexisme | masculinistes | sport

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