En fait, il n’y a rien à dire. Le réel parle de lui-même. Elizabeth Borne, donc, humilie une femme handicapée. Elle ose faire la morale. L’innommable s’installe.
Pour preuve : Macron toujours prêt pour un discours méritocratique, joue de son aura de leadership vaillant, car il déteste la « paresse ». Doit-on applaudir ?
En passant il se pose en chef des armées et fustige les indignations anti-police. Celle qui assassine.
La morale, l’eugénisme n’ont pas disparu, ne disparaîtront jamais et c’est atroce. L’antédiluvienne recette de Francis Galton, d’Alexis Carrel fonctionnent toujours. Ces machines discursives on les croyait souillées par l’Histoire, mais non.
On peut s’interroger alors sur la torpeur qui frappe les consciences : comment de telles brutes au pouvoir n’ont pas suscité davantage de colère ? Nous n’allons tout de même pas relire « Psychologie des foules » de Gustave Le Bon. Trop de mauvais souvenirs.
Mais enfin, sans rien céder à l’analyse sociologique sauvage il apparaît nécessaire de comprendre comment nous en sommes arrivés à un tel niveau d’horreur, sachant que les records (en matière d’horreur) sont faits pour être battus.
Je n’ai pas l’explication. Est-ce la peur du « pas en avant » ? (occuper la rue, se saisir du temps qui échappe) qui pousse à choisir contre soi-même ? Est-ce la peur du « pire » ? cette éternelle mascarade. Assistons-nous à une mauvaise répétition ? Cette pièce de théâtre (hypnotique) de mauvais goût où Machin et Machine ont l’air de reproduire les évènements du « coup d’état démocratique » de 1958, lorsque de Gaulle, après avoir utilisé les généraux fascistes d’Algérie s’est posé trois ans plus tard en défenseur de la démocratie contre l’OAS ? C’est bien possible, on ne change pas une équipe qui gagne.
Plus près de nous, Mitterrand et Chirac ont agi quasiment de même en brandissant la menace du Front national. Cet épouvantail (dangereux, au demeurant) est un instrument efficace lorsqu’il s’agit de pousser le peuple aux urnes. Mais au prix d’une dépolitisation massive. Enfin c’est, depuis 2017, au tour de Macron (et après Hollande) de reprendre le flambeau.
Qu’ils furent nombreux, hélas, les discours portant sur Macron et qualifiant celui-ci de « seul recours contre le fascisme ».
Ce parfum acre de culpabilisation masque (bien mal) les attaques multipliées contre un champ social agonisant.
C’est que l’innommable où nous sommes enlisés est ultra-autoritaire.
Le bombardement d’images d’un chef d’État serrant la paluche aux militaires est consternant.
Petit Napoléon envoyant ses messages d’encouragement aux perdreaux après un assassinat en pleine rue. La justification répressive par le pouvoir porte un nom : fascisme. Pourquoi avoir peur des mots ? Et nous allons souffrir, ceux d’en bas surtout. Macron n’a rien à envier à Marine le Pen, il faut le crier.
Le démantèlement de toute protection sociale, la mise à mort économique des pauvres, nous enserre.
Par quel « prodige » sinistre cette dictature d’experts peut-elle faire illusion, se maintenir en toute impunité ?
Est-ce le nihilisme qui frappe les consciences ? Un désir de mort obscur et torpide niché au fond des âmes ? non, ce serait trop simple. Disons que l’explication rationnelle est à venir.
En attendant, reprenons nos esprits et hurlons avec les loups. Sans rougir. Soyons plus que jamais indomptables, incontrôlables, enragés.
Rien de viriliste dans mon propos, aucun « culte de la violence » tapi dans l’ombre, juste le sentiment que la farce a assez duré, que la coupe est pleine. Et qu’il est temps de renverser les idoles au crépuscule.
Ne trahissons pas nos élans révolutionnaires.
Oui, le spontanéisme a aussi sa place dans cette « messe pour le temps présent ». Cette cloche de malheur qui nous fait frémir d’angoisse.
Chino