Intervention au Théâtre de la Ville à Paris, représentation annulée

C’est contre la convention d’assurance chômage que plus de 200 personnes ont occupé dimanche 29 juin le Théâtre de la Ville. Après deux heures d’assemblée générale, des échanges avec les salariés du théâtre, la direction, le public, la représentation du jour à été annulée.
Après les déclarations de Valls qui veut pacifier les salariés intermittents du spectacle et autres précaires en lutte alors que le gouvernement craint cette grève dans et hors l’emploi car elle met en cause le pacte de responsabilité et l’ensemble de sa politique, rien n’est réglé, tout continue.

Et Lundi 30 juin
19h : Assemblée générale unitaire contre la convention anti-chômeurs, précaires, intérimaires, intermittents, à la Bourse du Travail
Salle Ambroise Croizat, 3 rue du Château d’Eau, Paris 10e, métro République

Nous sommes venus rencontrer cet après-midi les équipes du Théâtre de la Ville et du Tanztheater Wupperttal en ce moment crucial où après l’agrément donné par le gouvernement à la nouvelle convention d’assurance chômage, la saison des festivals doit s’ouvrir. Notons le cynisme et la désinvolture du gouvernement qui agrée cette convention onze ans jour pour jour après la signature du protocole du 26 juin 2003 qui a provoqué la déflagration que l’on sait. C’est ce qu’on appelle avoir le sens de la date anniversaire !

Partout, des assemblées ont lieu, des spectacles sont annulés, des équipes d’intermittents et de permanents se mettent en grève. Dans le théâtre même où nous intervenons, les équipes se réservent le droit d’exercer leur droit de grève.

Plus largement, des fermetures de Pôle emploi, des occupations de chantiers tels que celui de la Philharmonie à Paris, le blocage de plateformes logistiques de la grande distribution telle celle d’Amazon à Lille, des actions communes avec les intérimaires telle que celle de lundi dernier à l’aéroport de Roissy témoignent qu’il ne s’agit décidément pas que de « spectacle » ou de culture [1].

Cette nouvelle convention touche les salariés dans leur ensemble. Elle rabote une fois de plus les droits des chômeurs et son innovation majeure, les droits dits « rechargeables » ne fera que pousser plus encore vers la précarité un nombre croissant d’entre nous, à travers des logiques qui ne sont pas sans ressemblance avec l’esprit des fameuses lois Hartz instituant les one euro jobs que nos amis allemands connaissent bien.

L’équipe du du Tanztheater Wupperttal pourrait en témoigner : le modèle qu’on veut nous imposer ici est le même que celui qui a été mis en œuvre en Allemagne où l’on a détruit les droits des chômeurs pour atteindre un plein emploi précaire. Outre Rhin, un quart des salariés sont des salariés pauvres [2]. Nous ne voulons pas de ce modèle. Nous refusons la perspective que l’emploi discontinu et le chômage soient nécessairement synonyme d’absence de droits ou de droits trognons. Aujourd’hui, avec cette convention anti-chômeurs, c’est l’annexe 4, celle des intérimaires et des extras, qui est balayée, et nous savons pertinemment que si nous ne nous mobilisons pas les annexes 8 et 10 sont au menu de la prochaine négociation [3].

Ce n’est pas la promesse d’une énième concertation avec les « acteurs du dossier de l’intermittence » qui va nous rassurer ; nous n’oublions pas qu’une mission parlementaire a planché sur le sujet pendant 6 mois l’année dernière pour que ses conclusions soient jetées aux orties par les partenaires asociaux. La coordination nationale qui se tiendra en Avignon les 2 et 3 juillet prochains statuera sur notre participation à cette concertation et sur les suites à donner au mouvement.

Nous savons trop bien que le chômage n’est plus l’envers du travail mais l’un de ses moments ; c’est sur cette réalité occultée que nous prenons appui avec toute la détermination nécessaire. Disons seulement que si le gouvernement était véritablement attentif au sort de tous les précaires, il prendrait en charge le recul sur le différé d’indemnisation de tous les salariés concernés, et non celui des seuls intermittents du spectacle...

Ce que nous défendons, nous le défendons pour tous.

Ce qui a été fait peut être défait.

Nous nous y emploierons sans trêve jusqu’à obtenir gain de cause.

Intervention au Théâtre de la ville, communiqué du 29 juin 2014
Les spectateurs attendent l’ouverture...
La première banderole déployée sur la façade
Première partie de l’AG à l’intérieur du théâtre investi
Les spectateurs-trices évacués-es en attendant un éventuel spectacle
façade du théâtre
Ils se dirigent vers la petite porte
Debout le directeur de la troupe qui comprend et est contre l’agrément ?mais veut jouer The show must go on

Le récit de l’action

Note

Plus de textes et d’infos sur le mouvement :
http://www.cip-idf.org

Notes

[1Il est dans la logique du pouvoir d’assigner chacun à ce qui lui est attribué comme place. Cette logique détermine ainsi un certain partage du sensible, c’est-à-dire une répartition de ce qui revient à chacun en fonction de sa place. Le partage du sensible, c’est donc tout d’abord un repérage des identités (lesquelles passent avant tout par les catégories socio-professionnelles, telles que « intermittents » ou même « artistes »), une distribution des visibilités et des modes de parole en fonction des lieux dans lesquels tel ou tel comportement, telle ou telle prise de parole est autorisée (théâtre, café, lieu de débat, etc.).

La politique commence lorsque le partage du sensible est mis en question, c’est-à-dire lorsqu’il devient comme tel à la fois le terrain et l’enjeu de la lutte. Autrement dit, une lutte devient politique lorsque des individus et des groupes ne revendiquent plus leur place et leur identité. Lorsqu’ils assument de devenir indiscernables, et par là même, tendanciellement ingérables, là où le pouvoir se caractérise toujours plus par un souci de gestion, de faire de toute activité, invention ou forme de vie un objet de gestion.

Dans la lutte des intermittents, quelques personnes ont commencé à dire : "il ne s’agit pas des intermittents comme profession, il ne s’agit pas des privilèges dus à l’artiste, qui n’est pas le seul à avoir besoin de temps pour penser et inventer ; il s’agit de ce qu’il y a de commun au-delà des métiers et des places ; il s’agit de la situation commune qui nous est faite, et qui détermine l’existence d’une communauté de fait". Alors, nous sommes dans un régime de parole et d’action qui tend à brouiller les principaux éléments de gestion du pouvoir, c’est-à-dire qu’un régime d’énonciation politique est apparu.

Localisation : Paris 4e

À lire également...