Faire-part de la fausse remise en liberté de feu « Jean-Patrick Gille »

Je tiens à vous faire part de la perte de la virginité de mon casier judiciaire.
En effet, après 11 ans de lutte au sein de la Cip-Idf (entre autres), en ce jour du 20.09.2014, ma virginité vient de se faire défoncer par les autorités et ce, sans mon réel consentement.

Je tiens à vous faire part de mon interdiction de manifester. Cela dit, quand on est nombreux je ne manque pas, et quand on est peu le monde s’en fout.
Je tiens à vous faire part de mon impossibilité à repartir en action, mais après 11 ans vous êtes presque grands et il est temps que je vous laisse vous débrouiller par vous-mêmes.

Je tiens à vous faire part de mon déménagement chez mon garant pour quelques temps, si vous voulez m’écrire une lettre d’amour, je vous communiquerai son adresse sur demande après son consentement.
Je tiens à vous faire part de mon obligation à aller librement de moi-même rendre visite à un commissariat de province, et ce sans menottes aux poignets, pour présenter mon carton plastifié, qui à lui seul permet d’évaluer mes qualités d’Homme, ce qui rassure la société.
Je tiens à vous faire part de l’interdiction qui m’est faite de croiser un inconnu dont je ne sais rien, à qui je ne veux que du bien et que je ne reconnaîtrais même pas si je le croisais dans les couloirs du métro parisien.
Je tiens à vous faire part de mon interdiction à quitter le territoire francilien que je n’ai, de toute façon, quitté qu’une seule fois depuis 2006 en raison de ma petite précarité.
Je tiens à vous faire part de mon obligation de fournir 2 photos de ma personne à mes frais pour leur dossier d’instruction, avant le 1er octobre.
Je tiens à vous faire part de l’article 141-2 du code de procédure pénale qui dit, en gros, que si ma liberté venait à déroger à ces limites je serais nourri avec des produits non vegan et logé (au frais l’hiver, au chaud l’été) dans un modeste studio bétonné (avec WC intégré) en colocation, jusqu’à mon procès.

Aussi,
Je remercie toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés.
Je remercie toutes celles et tous ceux qui se sont déplacés sur place pour faire du bruit, ou pas (c’est très important).
Je remercie toutes celles et tous ceux qui se sont décidés à rentrer dans le commissariat pour avoir des infos (YÉHHH !!!).
Je remercie toutes celles et tous ceux qui se sont mis à téléphoner au commissariat (c’est encore plus qu’important).
Je remercie toutes celles et tous ceux qui se sont déplacés au tribunal pendant Shabbat.
Je remercie toutes celles et tous ceux qui se sont mis à écrire un communiqué tardif avec dans le titre « Jean-Patrick Gille ».
Je remercie toutes celles et tous ceux qui se sont amusés de la situation et qui en ont compris toutes ses possibilités politico-tragicomiques.
Je remercie toutes celles et tous ceux qui se sont proposés pour être potentiellement mon garant, afin de m’éviter la tôle.
Je remercie par avance, toutes celles et tous ceux qui vont continuer à me soutenir avant, pendant et après ce procès.

Je m’excuse d’avoir créé une forme d’inquiétude chez ceux d’entre nous qui se sont inquiétés de mon incarcération (j’espère que cette frayeur aura au moins contribué à faire disparaître leur hoquet).

Je pleure réellement sur le décès de mon anonymat, seul garant de ma véritable liberté et demande à tous ceux qui savent de respecter le silence.

Dans l’attente de vos condoléances,
Une cérémonie de recueillement collectif est prévue pour le 31 octobre 2014, devant la Chambre 23-1 du Tribunal Correctionnel de Paris (Tribunal de Grande Instance - 4 Boulevard du Palais, Paris 1er) à partir de 13h30.

Une date de réunion, pour la préparation de la mise en bières avant la cérémonie, vous sera communiquée ultérieurement.
D’ici là, restez en vie.

feu « Jean-Patrick Gille »

Localisation : Paris

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