Engagement : n.m. Action de se lier par une promesse ou une convention. Contrat par lequel un individu qui n’est pas soumis à l’obligation du service militaire actif s’engage à servir dans l’armée. Introduction d’une unité dans la bataille ; combat localisé et de courte durée ; acte ou attitude d’un écrivain, d’un artiste qui s’engage. (Le MICRO-ROBERT Poche 1 : dictionnaire d’apprentissage de la langue française, Dictionnaires le Robert, Paris, 1988).
Lorsque j’ai appris que de jeunes étudiants avaient décidé d’organiser un Festival de l’Engagement le samedi 1er avril sur la place de la République, je n’ai pas vraiment été surpris. Cette date anniversaire de la Nuit Debout parisienne (le 1er avril/32 mars), qui devait être l’occasion d’accueillir des acteurs et actrices du mouvement venus de toute la France pouvait-elle être ignorée du Parti Socialiste ? Dois-je rappeler que cette structure politique décadente contrôle la Mairie de Paris, la Préfecture et de nombreuses organisations étudiantes ? La privatisation de la place par quelques individus déterminés à y implanter un dispositif savamment élaboré dans le plus grand secret des couloirs d’Animafac était prévisible. Merci Solférino !
De quoi s’agit-il exactement ? Les organisateurs annoncent un programme alléchant. Entre deux murs de son crachant techno, hip hop et reggae, des ateliers vont se tenir autour de « pôles thématiques » aussi généreux et racoleurs que l’environnement, la solidarité, les sciences et techniques et la culture. Le cinquième « pôle » est celui du volontariat car, comme à Nuit Debout « l’événement est participatif » ; « il n’y a pas d’organisateurs ou de public […] Ce festival est une œuvre collective ». Le mot d’ordre principal, « l’engagement », revient partout : « nous construisons ensemble parce que nous sommes engagés » ; « s’engager, c’est se mettre au service de l’intérêt général. Créer de la solidarité, monter en compétences, répondre à un défit sociétal ». Voilà pour le discours… « Engagez-vous » nous disent-ils !
Mais outre le fait que ce festival compte s’appuyer sur un encadrement policier aux petits oignons, il propose un dispositif verrouillé par quatre revendications qui concernent : le service civique (un « engagement volontaire »), le compte d’engagement citoyen du CPA (introduit par la loi El Khomri), le rapport de France Stratégie (une institution rattachée à Matignon) et le dialogue entre les pouvoirs publics, les parlementaires et « des acteurs de l’engagement ». L’ « engagement » qui nous est proposé ici s’articule donc exclusivement dans un dialogue avec le pouvoir. J’irai droit au but. Une voie royale s’ouvre pour qui souhaiterait se battre sur ces revendications, créer de la solidarité ou monter en compétence : intégrer la campagne de M. Benoît Hamon qui, par ailleurs, bénéficie du soutien de la Maire de Paris.
Il s’agit bien de comprendre de quel engagement il est question ici : il ne s’agit pas de « répondre à un défit sociétal » - phrase creuse soit dit en passant -, mais bien de recruter de la chaire fraîche pour un parti exsangue. Et tant qu’à faire d’une pierre deux coups, autant saboter le rassemblement parisien de toutes les Nuit Debout. Ainsi, le 25 février, un message de « Nuit Debout Paris » a été envoyé aux différents acteurs du mouvement à travers la France. On pouvait y lire que « ce festival est issu de notre lignée : il est un descendant direct de la vague de mobilisation que nous avons impulsé. Ainsi nous devons l’accepter tel qu’il est car il renouvelle nos pratiques militantes et nous apporte un soutien humain considérable ». Or, à aucun moment l’Assemblée de Coordination de Nuit Debout Paris ne s’est solidarisée avec ce festival. Le 8 mars, elle a fait savoir officiellement qu’elle s’en désolidarisait.
Ce festival est le signe de l’engagement par le pouvoir socialiste d’une unité de combat, à savoir les organisations étudiantes qu’il contrôle, sur le terrain conquis par le mouvement social et la jeunesse lors du printemps 2016 : la place de la République. Le nom a survécu. Nuit Debout est présent tous les week-end et reste mobilisé pour le droit au logement, pour le retrait de la loi travail, pour que justice soit rendue à Théo, à la famille Traoré et à tant d’autres victimes des crimes policiers. Sur cette même place de la République, Nuit Debout informe sur le projet de poubelle nucléaire à Bure et accueille tou.te.s ceux qui luttent au quotidien contre ce monde dont s’accommodent si bien le PS et ses organisations de jeunesse. Je n’appelle pas cela de l’engagement mais la mise en pratique d’un devoir citoyen qui est de résister à l’oppression (article 13) de l’État, de ses criminels en uniforme, de son lobby nucléaire et de ses maîtres du CAC40, de Wall Street et d’ailleurs.
L’engagement, tel que conçu par le parti socialiste est le même que celui de la République impérialiste romaine : enrégimenter la jeunesse dans des structures de pouvoir au service d’une aristocratie de l’argent et de la naissance. L’occupation militaire de l’Afrique doit cesser, les jeunes engagés dans l’armée (néo)coloniale française doivent la quitter, rentrer au pays et se mettre au service de populations qui ont besoin de protection face aux violeurs et aux néo-nazis qui ont infiltré les forces de l’ordre présentes sur le territoire, et non demeurer les boucliers de dictateurs au service des intérêts économiques de quelques groupes pétroliers et nucléaires. « Engagez-vous » qu’ils disaient…
un déserteur