L’OIP nous livre un travail d’enquête approfondi et documenté mené entre octobre 2022 et décembre 2023 afin de « rendre compte de la réalité de la discipline en prison », en s’appuyant sur de nombreuses ressources (témoignages, questionnaires, dossiers disciplinaires, entretiens, textes juridiques et autres rapports…).
Le mitard est une minuscule cellule isolée, encore plus dure que les cellules classiques, dans laquelle un détenu est placé pour le punir. « Le constat est lourd et édifiant, témoignant des conséquences dramatiques d’une vision quasi exclusivement répressive, faisant de la discipline en prison une punition dans la punition » explique le rapport.
Ce sont tout d’abord des sanctions disciplinaires qui s’appliquent sur des infractions floues et absolument pas définies. « En prison, la liste des fautes passibles de sanctions disciplinaires est potentiellement infinie » souligne l’OIP. Un-e détenu-e peut être amené-e à être sanctionné-e pour une « tenue vestimentaire jugée non appropriée, un œilleton bouché, une radio dont on refuserait de baisser le volume ». C’est le régime de l’arbitraire qui y est instauré. Si les prisonnier-es ne peuvent savoir précisément les infractions qu’on peut leur reprocher, tout devient permis pour les surveillant-es, qui peuvent asseoir leur autorité hors de toute légalité, pour des raisons de vengeance personnelle notamment.
Les quelques avancées législatives en matière de contrôle des décisions pénitentiaires sont loin de suffire. Les comptes rendus écrits exigés sur les faits donnant lieu à une sanction, ne garantissent aucunement un traitement équitable de la procédure disciplinaire, puisque ceux-ci restent cloîtrés derrière les murs des prisons. Le droit à l’assistance d’un avocat instauré depuis 2000 est rarement utilisé et, malgré l’obligation de fournir le dossier au moins 24h avant la commission de discipline, il est extrêmement courant que les avocat-es ne puissent le consulter qu’une heure avant.
Peu importe les lois qui encadrent cette procédure, il en reste que l’administration pénitentiaire se trouve être juge et partie. Et qui irait se plaindre de ses geôliers alors que ceux-ci pourront par la suite se venger en toute impunité ? C’est aussi la question de l’impunité des violences carcérales et policières dont il est question.
L’administration pénitentiaire est à la fois juge et partie, aussi dans la mesure où le chef d’établissement a une place prédominante dans la commission de discipline. Ce conflit d’intérêt est une atteinte gravissime aux droits au procès équitable. Car si il ne s’agit pas d’un procès pénal, la commission de discipline met bien en œuvre des sanctions, qui conduisent dans la majorité des cas au quartier disciplinaire, relève l’enquête de l’OIP.
Le placement en quartier disciplinaire peut atteindre jusqu’à 30 jours. Il s’agit de cellules similaires à celles de garde à vue, plaçant donc les prisonniers dans des conditions d’une violence inouïe : il y a l’isolement total, mais également bien souvent l’absence d’hygiène, des « fenêtres laissant à peine passer la lumière », une sortie quotidienne d’une heure dans une « cour de promenade » qui n’est rien d’autre qu’une autre pièce fermée, « sans compter les nombreux cas de violences et de brimades par des surveillant-es pénitentiaires »… Le mitard atteint la dignité humaine, il s’agit de traitements dégradants et violents. C’est un lieu où la violence des matons s’exerce en toute impunité, loin des regards. Le risque de suicide y est alors extrêmement élevé, 15 fois plus qu’en détention ordinaire.