Discussion et projection aux Fleurs Arctiques

La bibliothèque réouvre avec le 13 décembre à 19h la projection du Narcisse Noir de Michael Powel (1947) et le 14 décembre, la discussion prévue autour du tri des vies et de ce que la période de pandémie met en évidence d’un fonctionnement gestionnaire déjà en cours « en temps normal »

-* Dimanche 13 décembre à 19h, ciné-club : le Narcisse Noir de Michael Powel (1947, 1h37).
Cinq nones anglicane de la Confrérie de Marie sont envoyées au fin fond de l’Himalaya pour y installer un couvent dans un palais niché tout en haut d’un pic rocheux dont les murs sont encore décorés de fresques qui illustrent son précédent usage de harem du prince local. L’isolement, la magnificence du lieu - et, peut-être, l’aide du diable -, mettront à mal le rigorisme choisi, exacerberont la tentation, jusqu’à ce que le spectateur soit pris lui aussi dans l’émergence désordonnée de désirs et de passions d’au-tant plus violents qu’ils sont coupables, dans une tension très maîtrisée par un réalisateur qui travaille chaque plan, les sons, les couleurs, les lumières avec une précision fascinante. Pour ce film à grand spectacle, Michael Powel refuse en effet la proposition grandiose de tourner en décors réels au Népal pour préférer une reconstitution en studio qui allie toiles peintes et effets spéciaux subtils à partir de plaques de verres décorées surimprimées sur l’image, le tout avec la luminosité si spécifique du technicolor, avec une confiance absolue dans un suggestivité des représentations presque plus forte que la réalité qui fonctionne avec le spectateur de manière finalement assez semblable aux fresques murales pour les nones. À partir de ce film, on pourra parler de morale, de religion et de toute les formes de répression qu’on peut infliger aux autres et à soi-même et des vagues désirantes qui irrépressiblement les submergent. On entre ouvre aussi la possibilité d’un cycle autour de la « nunsploitation », avec ces films d’exploitation qui, en Europe mais aussi au Japon, émergent dans les années 70 pour mettre en scène (et en question) la répression morale et religieuse, à travers des tentations forcément irrésistibles à la sexualité, à la terreur ou à la violence.

-* Lundi 14 décembre à 19h, discussion autour du tri des vies. Discussion co-oroganisée avec des participant au site Aux Enfermés du confinement
On a vu fleurir dès le début des différentes gestions sanitaires de la pandémie de covid à l’échelle internationale maints raisonnements parfaitement cyniques calculant le prix et la valeur des « vies humaines » selon des critères comme l’âge, la comorbidité, l’état de santé, le profil économique, etc, à travers des éditos et des articles de presse, mais aussi comme raisonnements sous-jacents à des circulaires et consignes des ARS ou du ministère de la santé en France, faisant passer des mesures comme la fin temporaire du déplacement du SAMU dans les EHPAD, ou le maintien coûte que coûte des patients des établissements médico-sociaux hors des hôpitaux publics. A donc été publiquement assumée une normalité du « tri des vies », de la sélection et de la priorisation des soins, qui, en effet, a bel et bien lieu à travers les différentes formes de gestion de crise, jusqu’aux situations critiques de l’accès en urgence aux salles de réanimation dans les hôpitaux, refusé à des personnes jugées moins « prioritaires ». Si cette pratique existait déjà avant, le fait qu’elle puisse à ce point apparaître comme normale et justifiée par la « crise sanitaire », à un point où il est visible que tout un chacun n’est pour l’État qu’une matière première à traiter selon les impératifs du maintien du monde sur ses bases capitalistes, nous invite à prendre le temps de réfléchir à ce qui nous semble être un moment de l’histoire où de nombreux verrous sautent irrépressiblement dans les consciences démocrates du vieux monde. Pourtant, il peut être intéressant de réfléchir aux différentes formes qu’a pu prendre le « tri des vies » dans l’histoire, jusque dans ses applications gestionnaires extrêmes que peuvent être l’eugénisme, l’exclusion, voire la mise à mort, que celle-ci soit programmée ou non, tout en pensant la spécificité des formes actuelles de « tri ». Aux Fleurs Arctiques, nous réfléchis-sons justement depuis un certain temps à l’hypothèse d’un nouveau paradigme de gestion en train de se mettre en place, qui pourrait aider à comprendre le « tri des vies », celui de la « société assurantielle ». Cette hypothèse pourrait être approfondie à l’occasion de cette discussion, en lien avec une autre discussion au programme qui concerne les tech-niques sécuritaires dans l’urbanisme. En effet, la « société assurantielle », c’est l’hypothèse d’une gestion se faisant par anticipation et prédiction des risques, en agissant dans le but de se prémunir a priori contre tout ce qui pourrait aller à l’encontre du développement du capital et de l’État. C’est « s’assurer » en gérant. Or, ce rapport au temps qui vise à assurer l’avenir, se retrouve justement à déterminer des choix de soin et de traitements, de rapports à la vie et à la mort, en faisant passer le maintien en bonne santé, le « capital santé », avant la préoccupation de la maladie. Nous proposons d’avoir le numéro 6 des « Feuilles Antarctiques » consacré à la société assurantielle comme base de la discussion, afin de poursuivre et d’approfondir cette réflexion avec tous ceux que cela intéresse.

  • Vendredi 18 décembre, permanence de 16h à 19h

Plus d’infos sur le programme à venir sur notre site
Les Fleurs Arctiques, 45 rue du pré saint Gervais, 75020 Paris.

Mots-clefs : projection | soin - santé
Localisation : Paris 19e

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