Serviteur involontaire embarqué dans une vie réglée selon l’ordre établi – travailler, s’aliéner à une banque pour accéder à la propriété, consommer, s’éreinter, perdre sa vie à la gagner [1], il a rejoint le mouvement fin 2018 quand un accès de colère, nourri d’une succession de mesures antisociales et d’une avalanche de mépris décomplexé, avait explosé et soudainement débordé les foyers.
Lors des premières semaines, il avait assisté au gazage-matraquage – communément admis pour le maintien de l’ordre dans l’État de droit – de femmes et d’hommes désarmés qui, comme lui pourtant, réclamaient ni plus ni moins que pouvoir vivre dignement de leur travail. Voir l’institution sensée les protéger maltraiter ces personnes avait alors éclairé son regard quant à l’ordre dominant et aux moyens de son maintien. Ainsi, le 5 janvier 2019, il n’avait pu rester impassible devant ce qui se jouait sous ses yeux : une femme tombée au sol se faisait violenter.
Agi par la justice, garde haute, armé de ses seuls poings, il avait mobilisé la technique héritée de l’art noble auquel il avait été formé et, dans une élégante chorégraphie, il avait fait reculer les gardiens de la paix. Visage nu sous le feu des caméras des chaînes d’information qui dictent l’opinion, l’acte de bravoure ultramédiatisé avait rendu sa dignité au peuple des ronds-points. Dans le même temps, les politiciens, et tout ce que la société du spectacle compte d’éditocrates, manifestaient leur indignation, outrés devant les images diffusées en boucle.
L’authentifier fut aisé, en France, un boxeur blanc c’est peu courant. Les armées de l’État furent toutes convoquées pour débusquer celui qui avait si aisément mis en échec l’autorité détentrice de la « violence légitime ». Malin, le gitan savait qu’il devait se cacher et mettre sa famille à l’abri. Il ne s’était rendu que quarante-huit heures plus tard, non sans avoir pris la peine d’enregistrer et de faire diffuser, via un message vidéo, une sorte de mea culpa expliquant le plus simplement du monde « la colère du peuple est montée en moi », encourageant les autres à ne rien lâcher et à continuer pacifiquement le combat.
Largement relayée sur les réseaux sociaux, la vidéo du justicier nous toucha en plein cœur, tandis que l’État frustré dut réagir à hauteur de l’humiliation. Il fallait faire payer l’impertinent, et grand exemple donner. La suite fut logique : cascade de sanctions laissant l’homme acculé, empêché dans toutes ses démarches administratives, certes debout, mais écrasé par les difficultés [2]. Nulle question ici des sommes à payer ! Pour commencer, avoir les moyens de se loger.
Cinq ans après, nous voici arrivés au dilemme qui nous concerne. Né du côté des opprimé·es, il bénéficie d’une grande aura auprès des celles et ceux qui se lèvent tôt ainsi que de l’estime des personnes engagées pour un monde meilleur. Cependant l’affaire est devenue d’État, notre héros est fiché, il semble impossible de jouer un gros coup car toute action réalisée en son nom se voit immédiatement bloquée. Beaucoup pourtant souhaitent pouvoir l’aider : sa situation connue, il serait en effet injuste de laisser l’homme assumer seul les conséquences d’un geste politique dans lequel nous avons reconnu la justice.
C’est pourquoi y’a plus qu’à proposer, pour bien commencer l’année, de travailler à résoudre ce dilemme en rassemblant celles et ceux qui voudraient mettre idées, créativité et réseaux en commun, pour ramasser de l’argent grâce à diverses actions discrètes et bien pensées. On a déjà quelques idées. Si ça te dit de participer : yaplusqua@protonmail.com, sans écrire le nom du sujet, car nous sommes surveillés…
« Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c’est au contraire leur existence qui détermine leur conscience » Karl Marx
Article publié sur yaplusqua.org