Dieudonné, antisémites : hors de nos villes !

Appel à se mobiliser contre la venue Dieudonné à Nantes et autres villes à partir de la rentrée.

Le businessman et militant d’extrême droite Dieudonné M’bala M’bala prévoit de donner un spectacle intitulé Gilets jaunes à Nantes le 7 septembre prochain dans le cadre d’une tournée nationale dans une centaine de villes. Présent sur les ronds points notamment par la diffusion de sa quenelle — salut nazi inversé signifiant la sodomisation des victimes de la Shoah — le prétendu « comique antisystème » tente à présent de récupérer le mouvement populaire afin de renflouer son porte-monnaie.

Faux dissident, vrai marchand de haine

Le succès de Dieudonné repose sur l’image du martyr de la « bien-pensance ». Les théories antisémites développées dans ses spectacles ou conférences YouTube déclenchent des polémiques médiatiques qui le traînent devant le tribunal. Relaxé dans la majorité de ses procès, le comique renchérit en dénonçant la prétendue mainmise des juifs sur la liberté d’expression et en criant à la censure. Pourtant, peu de communicants peuvent se targuer comme lui d’avoir autant de discours haineux impunis et publiés intégralement. Pour exemple, une vidéo diffusée en 2010 destinée à la mère d’Ilan Halimi. Après avoir fait l’apologie du tueur de son fils, il lui propose une rencontre pour « faire la paix » tout en se moquant de la dépouille du défunt et de son exhumation éventuelle, en expliquant dans cette même vidéo « Les gros escrocs de la planète sont tous des Juifs » ou encore « Le puissant lobby des youpins (…) est voleur, raciste et menteur ». Se présentant comme un dissident qu’on veut faire taire, il déploie un réel discours politique.

Son discours antisémite est doublé de clichés homophobes à grand renfort de références à la sodomie. Selon Dieudonné, les Juifs enculent les chrétiens : ils les pénètrent, les souillent, les féminisent. Cette référence dégradante à l’homosexualité est censée illustrer la trahison. Ainsi, le geste de la quenelle est doublement homophobe et antisémite. Il développe d’ailleurs une figure bien connue dans l’histoire de l’antisémitisme, celle du juif venant corrompre une virilité perdue : « le projet de loi sur le mariage pour tous est un projet sioniste qui vise à diviser les gens », dit-il.
Dieudonné n’hésite pas à incarner lui-même le Christ sur sa croix, figure de martyr en gilet jaune, pour l’affiche de son spectacle. Il puise ainsi dans l’imaginaire antisémite le plus ancien : pour dénoncer les Juifs et leur malhonnêteté ancestrale, il évoque Judas et sa trahison pour une bourse de 30 deniers.

En effet, dans la logique antisémite de Dieudonné, ce ne sont pas les grands patrons qui tirent les ficelles et prennent les décisions sur nos vies, mais les Juifs. C’est la personnification du capitalisme remplaçant la lutte des classes. Pour mener à bien cette domination, les Juifs profiteraient de la Shoah pour faire du business : « J’ai dit à mon père qu’il aurait quand même pu mourir à Auschwitz, c’est plus classe et derrière y’a les moyens de gratter un peu. » [19 mars 2013, spectacle à Paris]. D’où la quenelle. C’est d’ailleurs toujours « à cause des Juifs » que le comédien est récemment condamné pour fraude fiscale, blanchiment de fraude fiscale et abus de biens sociaux pour 1,4 million d’euros.
En réalité, celui qui dénonce la mainmise des banquiers et financiers juifs est lui-même un maître du merchandising. Surfant sur la vague Gilets jaunes, il vend sur son site web casquettes, verres, coques de téléphones, lunettes, tongs, tee-shirt en plus de ses spectacles et DVD, ainsi qu’une gamme de gilets réflecteurs sérigraphiés « ananas » - de sa chanson Shoah-nanas - ou « Macron tu la sens la quenelle dans ton cul ». Le succès de son commerce tient dans la rhétorique construite en opposition à ce qu’il nomme le « business de la Shoah ».

Dans la Dieudosphère, parler de la Shoah permettrait aux Juifs de camoufler la mémoire de l’esclavage, de la guerre d’Algérie ou du génocide rwandais. D’après lui, « L’Holocauste, qui est maintenant devenu quasiment une religion dominante, a même remplacé Jésus-Christ. Nous sommes obligés d’accepter ce dogme, et prions pour lui presque chaque nuit » alors que « les sionistes ont organisé toutes les guerres et tous les »
Pour le marchand de haine, la Shoah est une « pornographie mémorielle » et c’est parce qu’il dénonce « la domination de la Shoah sur les autres mémoires » qu’il est attaqué, à tort selon lui, d’antisémitisme par le fameux « lobby juif ». Pour défendre cette théorie qui voudrait « qu’on parle trop de la Shoah », il invite Robert Faurisson, célèbre négationniste, sur la scène d’un de ses spectacles. Pour étayer cette thèse, il s’appuie également sur Alain Soral ou Jean-Marie Le Pen — d’ailleurs parrain d’un de ses enfants.

Perçues comme « résistance au sionisme » par Dieudonné et ses proches, les théories révisionnistes sont-elles réellement minoritaires et dissidentes ? On a pourtant vu dans l’année passée Christophe Castaner expliquer que la police de Vichy a fait partie de la Résistance, Emmanuel Macron réhabiliter le maréchal Pétain lors de la cérémonie du centenaire de la Première Guerre mondiale ou encore l’Assemblée nationale inviter Yvan Benedetti (militant profasciste et ancien de l’Œuvre française) pour exposer les théories critiques du nombre de Juifs·ve·s assassiné·e·s à Auschwitz sur la chaîne télévisuelle parlementaire LCP. On a pu également apprécier la « dissidence » du négationniste Étienne Chouard par les animateurs très complaisants du MédiaTV, dont Dieudonné parle abondamment dans les teasers de son prochain spectacle.

Collectif Ouvéqoumékh.a ובקומך
ouveqoumekha@riseup.net
Le collectif Ouvéqoumékh.a rassemble des Juif·ve·s de l’Ouest autour des questions de lutte contre le racisme.

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