Filmer les manifestations politiques procède d’au moins deux exigences : de netteté, et d’efficacité. Exigence de netteté, d’abord. Partout où il existe du brouillage,de la désinformation ou du chantage à la vérité, nous opposons la clarté des images.
Les images, a minima, documentent et invitent les récits du pouvoir à comparaître devant des faits bruts : rassemblements passés sous silences, répression des militant-e-s, multiplication des violences policières. Exigence d’efficacité, ensuite. Les images alimentent l’énergie collective de la lutte pour le présent et pour l’avenir.
« Ce qui nous intéresse, c’est la nature et la durée de la lutte. Et une part de cette lutte, notre pratique, consiste à transmettre les histoires et faire des images. Et à assurer aux gens qui s’y impliquent, qui mettent leur corps en jeu, qu’ils sont reconnus »
(Haskell Wexler, Four Days in Chicago, 2013).
En cela, la multiplication des pratiques de vidéo amateurs est une excellente nouvelle. Chacun-e, avec une caméra, un appareil photo, un téléphone, un petit logiciel de montage, fait siennes ces deux exigences et apporte sa pierre à la lutte en cours et à venir.
S’il y a tout lieu de se réjouir, il y a aussi lieu de s’interroger. Car dire « tout le monde filme », c’est admettre sa conséquence, à savoir que « tout le monde regarde », et que « tout le monde » n’est pas bien intentionné. Si l’image est un formidable moyen d’action politique, elle est aussi un féroce instrument de fichage, d’identification et de répression des militant-e-s politiques. On ne compte plus les dispositifs vidéo employés par la police elle-même pour surveiller et accuser les manifestant-e-s : caméras-piéton, drones, caméras de vidéosurveillance, etc. Il nous faudrait donc, de notre côté, user des images avec la plus grande précaution. C’est ici la question des pratiques que nous voudrions poser, plutôt que la question des raisons.
Comment filmer les manifestations, les révoltes, les émeutes, sans compromettre leurs participant-e-s ? Que faire des applications de retransmission en direct (Periscope) ? Quel est le statut juridique d’une vidéo ? Quelle est le champ d’extension de la vidéo-verbalisation ? Toutes ces questions n’en formant qu’une : comment ne pas perdre la bataille des images ?
Nous invitons également et chaleureusement tous les militants filmeurs ou filmés, lycéens, étudiants, chômeurs, intermittents, salariés, masqués ou non masqués, syndicalistes ou non affiliés, manifestants déterminés ou votants nuitdeboutistes, membres de legal team et street médics, à se joindre à la discussion pour partager leurs expériences, savoirs, réflexions et pensées sur les images de lutte. Cette réunion voudrait aboutir à une première synthèse, destinée à être distribué sous forme de tract à l’occasion des actions et manifestations que nous ne manquerons pas de tenir au mois de juin.