Depuis lundi 14 mars 2022, présenter un pass vaccinal n’est plus imposé (pour un bon moment au moins à priori), sauf à l’entrée des hôpitaux, des maisons de retraite et des établissements pour personnes handicapées. De plus, le masque n’est plus obligatoire sauf dans les transports et les établissements de santé.
C’est une grande bouffée d’air qu’on réalise peut-être quelque peu ébahi. Pourtant, pour anticiper les futurs retournements de ceux qui gouvernent, nous voudrions revenir sur les particules aérosols qui transportent le virus, et ce que le déni de ce mode de transmission révèle de la médecine, de l’hygiénisme disciplinaire et de la catastrophe en cours. Les protocoles absurdes sont une évidence, on n’y reviendra pas. Reste que le port d’un masque n’est pas toujours sans raisons et que le déni de ce mode de transmission nous dit quelque chose du monde. Sa disparition toute aussi soudaine que son imposition pourrait prolonger la catastrophe pandémique pour longtemps.
On propose ici, contre la constante circulation massive du virus, de défendre la perspective d’une contagiosité aérosol du virus vers l’extension et le maintien des courants d’air contre toutes les cloisons et l’immunité étanche. C’est par souci des aérosols que des lieux comme la Parole Errante Demain [https://laparoleerrantedemain.org/] ont maintenu le port du masque et cherché à organiser les événements en plein air. Il s’agit de réduire collectivement, par les milieux de vies qu’on se construit, la circulation du virus et les risques d’être infecté.
La perspective des courants d’airs révèle ce qui distingue l’hygiénisme politique d’une politique qui prend les choses par le milieu. Le point de vue des courants d’air adopté, c’est le monde entier plongé dans la pandémie qui apparaît comme un monde catastrophique et clos dans lequel « que les choses continuent comme avant, voilà la catastrophe » (Walter Benjamin). Qu’est-ce à dire ?
Sur cette photo d’une rue en Chine, c’est la culture du désinfectant qui domine. C’est inutile contre le covid, mais vise à prouver la puissance de l’action gouvernementale.
Les masques ont depuis mars 2020 incarné bien des choses, de l’incurie de l’État et ses mensonges à l’obligation permanente, de la sensation de se protéger tous et toutes pour certains-es, à la mutation anthropologique et la biopolitique de masse selon d’autres. [1] Tout a donc été dit à leur propos, ce à toutes les échelles. À la fin mars 2020, l’OMS affirmait "Fact check : le covid-19 n’est pas une maladie aérosol", dénonçant le fait que toute affirmation contraire tenait de la désinformation. Les gestes barrières de lavage de main permanent, de limite des contacts par "distanciation sociale" découlaient logiquement de cette vérité assénée, soyons disciplinés, obéissants par civisme disaient-ils. Les discours publics fustigeaient les gouttelettes et nous apprenaient tous et toutes à nous moucher dans nos coudes. Un an plus tard, en mai 2021, renversement complet, l’OMS et le CDC américain reconnaissait la contagiosité aérosol du virus comme principal vecteur de contamination.
La Science avait parlé disaient-ils. Aux gestes déjà bien imposés et installés s’ajoutait l’indication, bien que plus discrète, invitant à aérer régulièrement. Il faut tout nettoyer et aérer parfois, on nous le dit encore. Depuis 2020, seule la notion de gouttelettes reste centrale, mobilisée par les discours demandant la réduction drastique des contacts, des activités sociales et la nécessité de s’isoler. Dès lors que sur ce sujet comme sur d’autres, tout est dit et son contraire, pourquoi s’en préoccuper ? Et qui voudrait d’une vie perpétuellement masquée ? Pourquoi penser aux masques et détecteurs de CO2, tandis que le désinfectant est partout imposé ? Pourquoi tout ceci importe-t-il ?
Commençons par nous contredire. Quand bien même des gouttelettes de virus contaminent, pourquoi se masquer ? Les chirurgiens, les professionnels eux, ne jettent-ils pas systématiquement les masques utilisés pour ne pas se contaminer en les touchant ensuite ? Les scénarios, après tout, sont cocasses et grotesques si l’on s’y pense bien. Il faut imaginer qu’un cuisinier malade prépare le souper, éternue dans son plat et nous sert ensuite sa soupe contaminée. Il faut se dire qu’au cinéma notre voisin malade de derrière nous bave dans l’oreille ou qu’un compagnon de bistrot illégalement debout pendant qu’on est assis nous crache dans les muqueuses en buvant son demi. On peut aussi imaginer poser sa main sur une surface contaminée, par une gouttelette ici éternué, et qu’on se frotte les yeux ou qu’on s’en lèche les doigts. À grande échelle, ça fait au choix peu de contagion, ou beaucoup trop, et quoi qu’il en soit le masque ne semble servir qu’à peu de choses. Si les particules sont fines, pas même visibles, pas mêmes gouttelettes, elles passent à travers les masques, se glissent sous le nez, se faufilent à l’usure.
C’est inutile sauf pour témoigner d’un souci de protection, dès lors c’est un fétiche, un objet qu’on investit de plus ou moins de croyance adéquates...sauf que.
Le Superspreader de l’Amoy Garden
En vérité, l’affaire est toute autre et pour commencer, un retour en 2003 peut nous éclairer, quand l’épidémie de SRAS (proche cousin du covid-19 quoique plus létal) frappe la Chine. Un homme de 33 ans rend visite à son frère dans les appartements de l’immeuble Amoy Gardens à Hong Kong. Dans la nuit du 14 et du 17 mars 2003, cette personne dort chez son frère et les deux soirs, il a une forte diarrhée. Infecté par le SRAS, cet homme va sans le savoir infecter 187 personnes dans l’immeuble, et par la suite un total de 300 personnes vont être atteintes, totalisant 20% des contagions totales du SRAS en Chine [2], l’exploit d’un seul homme dès lors identité comme un superspreader (concept dont on nous a bombardé en 2020).
Les canalisations des toilettes de l’immeuble étaient si défectueuses que des aérosols de la colique de ce superspreader se sont répandues dans chaque appartement de l’immeuble ou presque. Les salles de bains étaient closes, comme très souvent de nos jours, simplement équipées d’une trappe de ventilation ne renouvelant pas l’air mais l’envoyant dans le reste de chaque appartement. L’ensemble des canalisations de l’immeuble communiquaient d’un étage à l’autre. Le tuyau en U sous chaque toilette récoltait des remontées multiples, ne s’évacuait pas vraiment, chaque chasse d’eau produisant de nouveaux aérosols.
C’est bassement matériel, très terre à terre, mais si une personne peut en contaminer 300 autres, on peut se dire que comprendre comment et empêcher que cela arrive importe. Rapportant cette histoire, l’anthropologue de la médecine Christos Lynteris (dans son livre Human Extinction and the Pandemic Imaginary de 2019.) montre ce qu’il y a d’abject à désigner cette personne comme un superspreader plutôt que de mettre en cause l’environnement qui produit la contagiosité et répand l’infection. Dans l’épidémiologie contemporaine, le superspreader est un bioterroriste qu’il faut identifier pour mieux gouverner. Une fois neutralisé, la police médicale identifie ceux qu’il a influencé et le reste peut ne pas changer. C’est la faute aux individus et aux irresponsables. C’est à ce titre qu’on nous bombardait médiatiquement de chasse aux superspreaders et leurs clusters pendant trop longtemps.
Nul besoin d’être sociologue pour deviner la stratégie, les conditions socioéconomiques disparaissent de l’analyse, la santé s’efface, l’infrastructure qui produit et reproduit de telles catastrophes reste indemne. Quand on se dit que c’est ce type de principes qui dirigent un grand nombre d’épidémiologistes et directives officielles, on comprend mieux comment un virus se répand pendant des années et pour longtemps encore dans le monde entier sans que rien ne change.
À l’évidence, les 300 personnes infectées n’ont pas touché du doigt la diarrhée du monsieur ni bu l’eau des toilettes. En effet, parler de contagiosité aérosol c’est désigner de fines particules produites par une personne qui inspire et respire, qui se répandent dans l’air. Elles peuvent aussi venir des excréments, moulinés par la chasse d’eau, et s’évaporer dans l’air dans un immeuble comme le Amoy Garden. Ces particules dans l’air se glissent dans les conduits nasaux, la gorge, descendent dans les poumons, ces processus varient singulièrement selon les virus. Malgré l’ampleur des moyens numériques d’aujourd’hui, il est quasi impossible de modéliser avec certitude les mouvements de ces particules dans l’air. Dès qu’il y a des courants d’air, en plein air et ailleurs, en fonction de l’humidité et du soleil, les particules ne suivent pas des trajectoires dignes de la balistique, elles se dispersent, fondent, s’étendent, tout est incertain.
Les détecteurs de CO2 mesurent notamment le taux de CO2, le gaz carbonique qu’on expire d’avoir inspiré de l’oxygène. Si ce taux monte trop haut, c’est qu’on est enfermé dans une boite sans apport d’oxygènes, l’air peut devenir irrespirable. La comparaison la plus simple et courante parle de la fumée de cigarette, quand tout est fermé et que tous nous la respirons, même si l’on est pas face à face. Les particules prolifèrent en ceci dans des milieux où l’air s’assèche, où il devient uniforme. Quelques courants d’air et tout est dispersé.
La contagion par l’air n’opère donc pas par le toucher des autres, des objets ou des surfaces. Si le doute persiste pour la forme, dans le cas du Covid, quant à la contagion dite manuportée, on n’en trouve pas de cas pour le prouver. En outre, la transmission n’est pas mécanique. On peut respirer des particules aérosols contaminés et ne pas toujours se voir infecté. Cela dépend du temps du port d’un masque ou non, d’exposition, de l’humidité, de notre santé l’instant t, bref de multiples facteurs qui rendent tout incertain, surtout en plein air. Chacun, chacune en a fait l’expérience.
Le masque réduit les risques, même lorsqu’il est porté puis remis en ceci qu’il diminue le temps d’exposition aux aérosols. S’il n’y a pas de risques zéro, le masque en lieux clos et les courants d’air sont de puissants appuis. Pourtant, pour ceux qui gouvernent à l’échelle des populations, dire lavez-vous les mains, désinfectez, isolez-vous c’est imposer des comportements. C’est la bonne vieille discipline de masse qui coûte pas grand-chose et c’est plus hygiénique de leur point de vue.
Le choix du désinfectant et du lavage des mains plutôt que de changer le milieu, comme dans le cas de l’Amoy Garden, est en ceci le choix d’une certaine politique gouvernementale qu’il s’agirait de faire tomber.
Ce refus remonte à loin, on va le montrer dans l’histoire de la médecine.
Les miasmes dans l’air ou les germes dans l’eau
Pourquoi l’OMS et tant d’autres ont-ils traîné du pied avant de parler de la contagiosité aérosol ? Avant qu’en 1882, le médecin allemand Robert Koch ne découvre le bacille responsable de la tuberculose, avant que Louis Pasteur ne démontre dans les années 1880 que les maladies infectieuses trouvent leurs origines dans des micro-organismes déterminés - des germes infectieux - le médecin britannique John Snow (1813-1858) est le héros fondateur de l’épidémiologie moderne. Au XIXe siècle, comme d’autres grandes villes, Londres est régulièrement frappée par des épidémies de choléra, particulièrement dévastatrices dans certains quartiers, bien souvent les plus pauvres.
Le Choléra (avec la peste et la variole) est à l’époque une des grandes maladies craintes et redoutées, dont les surgissements ne manquent pas de provoquer des tensions sociales. L’épidémie de Choléra de Paris en 1832 fit notamment fuir tous les riches et se révolter les pauvres de toute la ville, convaincus que les fuyards bien lotis avaient un rôle dans les causes de l’épidémie [3]
Parmi les médecins, et bien au-delà, l’idée alors dominante c’est que le choléra se transmet par le mauvais air, les miasmes qui envahissent l’air dans des milieux sales et putrides. John Snow est convaincu d’une autre causalité. Non sans courage, il va enquêter sur le terrain, aller dans les quartiers pauvres londoniens les plus frappés par le choléra et faire des relevés, étudier comment se répand la maladie. Il va ainsi réussir à identifier les foyers les plus massifs de choléra et par la suite découvrir que les maisonnées les plus touchées s’abreuvent à la même fontaine (l’eau courante, bien sûr, n’existe pas encore).
John Snow va ainsi démontrer que c’est par l’eau que le Choléra se transmet, et non pas par l’air, la vengeance divine ou les manigances des riches. C’est par sa démarche qu’il est considéré depuis comme le fondateur de l’épidémiologie : enquête de terrain malgré les risques, usage de la statistique, identification d’une cause commune à la multiplicité des cas. La démonstration de John Snow des causes du Choléra a lieu toutefois avant, on l’a dit, les découvertes de Pasteur et Koch, avant que Pasteur par l’usage du microscope ne démontre l’existence des germes contaminants. John Snow a donc des ennemis, sa théorie fait débat, controverse comme on dit qui nous en apprend beaucoup sur l’histoire de la médecine et le sort réservé à la contagiosité aérosol depuis.
L’un de ses plus féroces adversaires, oublié depuis de l’histoire officielle de la médecine, qui consacrera sa vie à contredire John Snow et finira par se suicider, défait, est un scientifique allemand de Bavière Max Joseph Von Pettenkoffer. Rappelons qu’à cette époque, une des grandes discussions qui radicalement divise porte sur l’idée de contagion et ceux qui s’y opposent. Certes, nul ne doutait par exemple que la syphilis était contagieuse, mais le débat portait sur d’autres formes de maladies, justement les plus importantes : la peste, la variole et le choléra.
Au XVIe siècle l’italien véronais Fracastoro avait pourtant répandu l’idée, présente aussi dans la culture populaire, qu’il existait des contenants infectieux - un poison, une entité vivante, un animal, etc.- qui se transmettait d’une façon ou d’une autre de personne - par contact avec un malade, par l’intermédiaire d’un objet, par le toucher, etc. L’histoire de la médecine a fait de Fracastoro un précurseur de Pasteur et Koch, car il parlait de semences à l’origine des maladies. Reste qu’avant cette révolution pasteurienne de la microbiologie, acte de naissance de la médecine moderne, la profession médicale voyait majoritairement la contagion comme une idée des ignorants et des superstitieux.
De nos jours, la définition du dictionnaire met les points sur les i : « la contagion désigne la transmission directe ou indirecte, médiate ou immédiate d’une maladie d’une personne à une autre, d’un animal à un autre, d’un organisme à un autre ». Le dictionnaire de médecine de 1834 de Jean-André Rochou dit autre chose, selon l’un des introducteurs de l’hypnose au vingtième siècle Hippolyte Bernheim.
« On a appelé contagion la transmission d’une maladie d’un individu à un autre par le contact média ou immédiat (...) signification moins restreinte pour toute maladie dans laquelle le corps du sujet qui en est infecté produit un principe susceptible de communiquer le mal à un autre individu sain » (Hippolyte Bernheim).
L’idée d’un principe susceptible de communiquer le mal multiplie les voies de transmission possible. Dans la querelle entre contagionniste et anti-contagionniste, nul ne doutait qu’une maladie, comme la peste, se passait d’une personne à une autre mais le débat portait sur le comment. Personne n’avait identifié ou prouvé un mécanisme clair pour expliquer avec certitude comment se faisait la transmission. L’observation proche semblait montrer que la maladie se passait sans contact direct (que postulaient les partisans de la contagion). Les gens attrapaient la peste sans contact direct avec les malades, il arrivait même que certains soignants ne tombent pas malades, comment expliquer toutes ces anomalies ?
Pour Von Pettenkoffer, John Snow n’établissait pas de mécanisme plausible pour la transmission de la maladie. Il corrélait le Choléra avec l’eau sale d’une fontaine, mais sans expliquer ce qui était transmis et pourquoi. Pettenkoffer était chimiste. En bon scientifique, il admettait l’idée que le Choléra était un poison, une substance chimique, mais comment un poison chimique qui aurait contaminé l’eau ne serait-il pas indéfiniment dilué ? De plus, John Snow n’expliquait pas tout. Pourquoi et comment une épidémie commençait-elle Et se terminait ? Comment certains docteurs pouvaient-ils ne pas tomber malades ? Pourquoi le Choléra était-il saisonnier, disparaissant systématiquement l’hiver venu ? Koch, du vivant de Pettenkoffer, découvre en 1883 le vibrio du Choléra (bactérie responsable de cette maladie). Notre médecin allemand fut forcé d’admettre cette découverte mais va l’incorporer à sa théorie à lui et théoriser ce que sont les miasmes.
Selon Pettenkoffer, ce ne sont pas des germes qui transmettent les maladies infectieuses mais des miasmes, de petites particules de putréfaction dans l’air. Ces particules ne sont pas identifiées à des organismes. Ce sont des particules invisibles transmises par le vent et l’air, qui émanent de corps en putréfaction les ayant libérées, ou encore de végétaux, de champs, de corps animaux en putréfactions. Il le prouve d’une équation mathématique : XY = Z. Qu’est-ce à dire ? Z est une épidémie de Choléra, soit une combinaison de X et Y, X désignant la présence du vibrio découvert par Koch. Pour Pettenkoffer, le vibrio seul ne nous rendrait pas malades. On pourrait l’avaler et rester sain. Il serait inoffensif en lui-même, et il le démontra en avalant de lui-même un vibrio du Choléra, envoyé par Koch, dont il resta sain et sauf (hormis une légère colique). Pettenkoffer va l’affirmer, le danger ne vient pas du vibrio contaminant l’eau et la nourriture mais du fait que quand le vibrio descend sous le sol des grandes villes, quand il gagne ainsi accès au sol, il peut alors germer comme le font les plantes et délivrer son poison aux populations au-dessus du sol contaminant dès lors en grand nombre, créant ipso facto une pandémie ! Le Choléra était, dans cette perspective, une maladie causée par la fermentation putride, le X et le Y de l’équation (XY = Z) étant alors les conditions locales nécessaires pour que la fermentation opère et contamine l’atmosphère.
Von Pettenkoffer va occuper sa vie à démontrer sa théorie, cherchant en chaque ville frappée les conditions locales de la vulnérabilité au Choléra, expliquant notamment que les régions des Alpes n’étaient pas touchées car isolées de l’eau souterraine, ou que dans le désert le Choléra ne surgissait pas car la fermentation n’y était pas possible. Plus largement, il voyait la malnutrition comme un facteur aggravant et cherchera à agir sur les autres facteurs. Il va soutenir des aménagements sanitaires, faire placer des hôpitaux contre le Choléra sur des collines loin des centre-villes, participer à l’installation d’égouts dans certaines villes pour enlever les excréments.
Il ne craignait pas que l’eau infectée soit bue (comme John Snow) mais que la matière fécale nourrisse le vibrio. Il participa à fonder le mouvement sanitaire en Allemagne, et fut professeur d’hygiène à Munich mais l’histoire monumentale et officielle de la médecine l’a ensuite fait oublier. Ses travaux ne sont plus édités, pas traduits, puisque les découvertes de Koch et Pasteur vont montrer qu’il se trompait. C’est indéniable, mais on peut dire pourtant qu’il avait magnifiquement tort, car comme on vient de le dire, il a dans son erreur provoqué des résultats intéressants et surtout à permis d’envisager les pandémies par les milieux qui les provoquent, par l’environnement qui les favorise.
De façon intéressante pour notre propos, Pettenkoffer et ses partisans, les anti-contagionnistes, appartenaient à des courants libéraux de l’époque (nous ne savons pas s’il eut été de nos jours libertariens). Pettenkoffer s’opposait notamment au centralisme prussien allemand. Contre les épidémies, lui et les anti-contagionnistes se prononçaient contre l’arrêt du commerce, contre les mises en quarantaines et l’interdiction de la libre circulation des gens comme des choses. À l’exact opposé du champ politique d’alors, les partisans de John Snow, puis de Pasteur et Koch, exigeaient et justifiaient des interventions d’un État fort, entité seule en mesure d’imposer des cordons sanitaires, des quarantaines, séquestrations et confinement. Seul un État fort était vu comme pouvant limiter les libertés civiles et réduire le commerce.
C’est dans cette perspective que Pasteur a eu en France un fort soutien du mouvement hygiéniste, et dans cette perspective il n’est pas question des conditions favorisant l’extension des milieux putrides mais l’identification des germes contaminants et de ceux qui les portent. Dans la foulée de Pasteur et Koch, la préoccupation centrale était face à chaque maladie « trouvons son germe », les quatre postulats de Koch incarnent cette direction :
- Un micro-organisme doit être retrouvé chez tous les porteurs d’une même maladie.
- Le micro-organisme identifié doit être isolé à partir de l’hôte malade et cultivé en dehors de lui dans un milieu adéquat en laboratoire.
- Le micro-organisme, une fois cultivé, doit provoquer nécessairement la même maladie chez un individu sain.
- Le même micro-organisme doit pouvoir être isolé de nouveau à partir de cet animal ou cet individu rendu malade par inoculation.
Ces 4 principes sont de toute évidence encore en vigueur dans la médecine d’aujourd’hui. Ils dominent d’ailleurs tellement que l’histoire de la médecine affirme le plus souvent qu’il ne s’est rien passé d’important, en médecine, de l’antiquité à Pasteur et la naissance de la vraie médecine. L’hygiénisme cherche les germes, désinfecte aussitôt et met tout en œuvre pour éradiquer les germes identifiés. En d’autres époques, quelqu’un comme Georges A. Soper va traquer pendant des années aux États-Unis, non sans renforts de propagandes contre la dite Typhoïde Mary, une domestique cuisinière identifiée comme porteuse de la fièvre typhoïde pour finir par la faire enfermer jusqu’à sa mort pendant 23 ans sur l’île de North Brother Island près de New York [4]. Pettenkoffer avait tort, scientifiquement parlant, à propos du Choléra, mais il se pourrait que les réponses qu’il proposait, les milieux qu’il proposait de défendre étaient plus habitables que ceux qu’auxquels on nous condamne de nos jours.
On peut citer par contraste ce que dit l’historien Alain Corbin de l’architecture des Lumières (sans l’idéaliser non plus d’ailleurs) à l’époque de la théorie des miasmes :
« L’aérisme néo-hippocratique conduisait à prôner la ventilation en tant que restauratrice de l’élasticité et de la qualité antiseptique de l’air. Le vent balaie les basses couches de l’atmosphère, purifie et désodorise l’eau corrompue. En un mot, surveiller, maîtriser le vent et les courants d’air sont alors considérés comme des pratiques essentielles. (…) Les objets sont multiples qui sont susceptibles de stimuler, pense-t-on, l’effet bénéfique du vent, c’est-à-dire la circulation de l’air : l’éventail dans la sphère privée, les arbres dans le voisinage des marais, les moulins à vent à rotation horizontale placés sur des traineaux, les véhicules de toutes sortes à l’intérieur des villes, l’ébranlement de l’atmosphère par les cloches, les explosions par le canon, l’effet des voiles sur les navires... Dans les lazarets, les marchandises suspectées de transmettre la peste étaient ventilées.
L’architecture des Lumières est obsédée par le besoin de faire circuler l’air et par le souci d’établir des courants d’air ascendants. La ville saine ne doit pas être entourée de murailles, car celles-ci gêneraient ce moyen de purification. Les rues se doivent d’être larges, les places, vastes, afin de favoriser la circulation des vents. Dans la même perspective, il convient que les édifices soient distants les uns des autres ; et l’hôpital est conçu comme une "île dans l’air". [5] »
Il importe de revenir sur cette histoire car elle fut vaincue en Occident. Une fois la révolution pasteurienne rendue victorieuse par le mouvement hygiéniste [6], la quête des germes de chaque maladie lancée, dans les années suivantes les médecins ne veulent plus rien savoir des maladies qui se transmettent par aérosol, de craindre de voir les miasmes revenir. Les vainqueurs sont toujours ingrats.
Quand la tuberculose au début du XXe siècle frappe et se répand par aérosol, ils vont refuser de reconnaître sa transmission par de fines particules aérosols qui se logent dans les poumons et infectent durablement les personnes. Ils inventeront un compromis, l’idée que la transmission de la tuberculose passe par l’inhalation de fines poussières provenant de postillons séchés projetés à la suite d’un éternuement ou de la toux. Ce sont l’équivalent des fameuses gouttelettes dont avec le covid on entend tant parler !
Un médecin allemand, Carl Flugge (inspiré par Von Pettenkoffer sans doute) va chercher au contraire à démontrer l’existence et l’efficience de transmissions par des respirations et expirations fraîches, directes et non séchées (les particules aérosols d’aujourd’hui). Ses découvertes sont peu suivies. L’institution médicale craint que rouvrir cette hypothèse amène à postuler de nouveau que les maladies passent par des particules putrides et par les miasmes. Les savoirs populaires ne l’ignorent pourtant pas. Il y a des écoles qui choisissent et défendent l’enseignement en plein air pour réduire la contagion. Il y a une infirmière géniale, Florence Nightingale [7], qui n’ignore pas la centralité de la ventilation et place les malades en plein air pour qu’ils discutent et guérissent sans risques. Il y a le médecin chinois Wu Lien-Teh qui découvre face à une épidémie de pneumonie en 1910 en Chine que la contagion passe par voie aérienne et que les masques sont efficaces (première fois qu’ils sont utilisés massivement, cf. [8]).
Une victoire américaine
En Chine et dans plusieurs pays d’Asie, la contagiosité aérosol, notamment de la grippe, du SRAS et du COVID est d’ailleurs bien plus reconnue depuis 1911. C’est parmi d’autres le chercheur Yuguo Li qui insiste sur la transmission aérosol des coronavirus, pour l’Amoy Garden de 2003 et bien d’autres cas. Cependant, là-bas comme aussi, ceux qui sont aux commandes restent du côté du désinfectant. Ils privilégient le confinement strict, la démonstration de force que l’hygiénisme permet et brandisse encore et toujours la possibilité d’éradiquer tous les mauvais germes viraux. La direction américaine de la santé est dans la même ligne, même si les moyens diffèrent.
Le chef américain de la Santé dans la ville de Providence, Charles Chapin, (qui deviendra un des fondateurs du CDC américain, centre pour le contrôle et la prévention des maladies que dirige aujourd’hui Anthony Fauci) publie en 1910 un ouvrage qui fait encore autorité : « les sources et les modalités de l’infection ». Il y défend l’idée que la contagion n’a lieu qu’en cas de contact rapproché avec des fluides corporels et des postillons. Il affirme que se préoccuper de la circulation de pathogène par l’air empêche de se concentrer sur ce qui importe le plus : la contagion par contact rapproché.
Pour mieux défendre sa thèse, il va réduire aux gouttelettes les expérimentations de Carl Flugge. Dans les laboratoires de ce dernier, ils avaient rassemblé dans une même pièce des chanteurs d’opéra, des fêtards enrhumés et criards, tout en disposant alentour à différentes distances des plaques d’Agar destinées à la culture bactérienne. Après 5H de festivités et de productions actives d’aérosol, Flugge et son équipe retiraient les plaques pour montrer que des gouttelettes, des postillons, des fines particules aérosols s’y étaient déposées. Ils réitéraient ensuite l’expérience montrant que la ventilation jouait un rôle, laissant dans ce cas peu de choses atterrir sur les plaques d’Agar. Ces expériences portaient sur différentes maladies, et chacune avait ses spécificités, ces aérosols bien à elles indiquant qu’il ne fallait généraliser le comportement des particules aériennes à toutes les maladies sans les étudier chaque fois singulièrement et selon les contextes.
Charles Chappin du CDC va procéder autrement. Lui et d’autres vont réduire les découvertes de Flugge à la notion de larges postillons. Seuls les postillons liquides compteraient, dans le cas de la tuberculose notamment, et donc selon Chappin et sa science causale pour toutes les maladies respiratoires. Il suffisait ensuite d’affirmer que les larges postillons liquides tombaient rapidement sur le sol, à 1 ou 2m grand maximum, et donc que la contamination à plus grande distance n’était pas possible. Charles Chappin et tout un pan de la médecine à sa suite va affirmer l’idée que la contagion n’a lieu qu’en cas de contact rapproché avec des fluides corporels et des postillons. Il va affirmer que se préoccuper de la circulation de pathogène par l’air empêche de se concentrer sur ce qui importe le plus : la contagion par contact rapproché. En conséquence, la tuberculose et d’autres maladies continuent tranquillement de frapper, la santé publique parle de contact rapproché mais rien n’est fait quant à la qualité de l’air et l’aération.
Dans les années 1930, les Américains William et Mildred Wells se lancent dans des recherches face à l’impact de la tuberculose et repartent là encore de Flugge. Ils vont distinguer les postillons de tailles larges qui tombent plus vite qu’ils ne s’évaporent (les crachats, les gouttelettes), des particules plus petites et plus fines qui s’évaporent plus vite qu’elles ne se posent sur une surface mais restent dans l’air de plus longues périodes de temps. Les Wells n’ignorent pas que parler de contagion aérosol fait craindre le retour de la théorie des miasmes à ceux qui dirigent la médecine. Ils se montrent donc prudents et mobilisent cette distinction entre grandes gouttelettes et aérosols pour faire accepter leurs recherches. Leurs travaux vont d’ailleurs rester dans l’ombre, y compris pour Alexander Langmuir qui à la suite de Charles Chapin dirige le CDC américain en 1949 et va créer par la suite l’Epidemic Intelligence Service.
Langmuir comme Chapin privilégient les postillons, le contact rapproché, les hommes d’importance comme eux s’en tiennent à cette théorie, qui a l’avantage de designer un moyen clair, des porteurs à identifier et de bénéficier de toute l’histoire de l’hygiénisme victorieux depuis Pasteur et Koch. Pourtant, en 1949, les appareils photographiques s’améliorent et ils sont capables de faire apparaître sur une photographie les fines particules aérosols expirées par un individu. L’instrument a toutefois des limites, il ne les rend visibles qu’à un ou deux mètres maximum de la personne…
Autre mesure familière, les expériences de Flugge montraient que seules les particules aérosols les plus fines descendaient dans les poumons et que des seules des particules d’une certaine taille (entre 20 et 60 microns) transportaient les bacilles de la tuberculose. Des aérosols de tuberculose artificiellement créés de plus de 40 microns ne parvenaient pas, par exemple, à infecter des animaux. Sans évoquer tout ce parcours ici, disons que Langmuir en déduira par la suite que seules les particules de 5 microns se déposent dans les poumons, sur la base de son interprétation à lui, sans plus de justifications et à partir de l’étude de la tuberculose seulement (comme si elle valait pour toutes les maladies respiratoires).
Certains liront encore les travaux de William et Mildred Wells, et à l’hôpital de Baltimore Richard Riley en 1956 place des personnes atteintes de tuberculose dans une pièce pour qu’elles y parlent sans masques. Un tuyau remonte l’air qu’elles expirent dans une autre pièce qui héberge des hamsters, chacun dans leur cage. Si les personnes dans la première pièce sont malades, les hamsters attrapent à leur tour la tuberculose, sans contact aucuns. Le virus se déplace dans l’air, cette expérience l’atteste.
Langster Langmuir et l’intelligence épidémique américaine le reconnaitront mais garderont en vérité un rapport ambigu aux travaux des Wells, prouvé par Riley. Langmuir maintiendra publiquement que seules la transmission par contact rapproché compte, et relancera en parallèle les recherches sur les aérosols. Dans les années 1950, pendant la guerre de Corée et les débuts de la guerre froide, les forces américaines craignent les armes chimiques et biologiques. La prise en compte des aérosols n’existera que pour l’armée et la guerre bien réelle.
Les courants d’air contre le monde clos
En somme, il est prouvé depuis longtemps que des virus passent par l’air, mais le gouvernement français et beaucoup d’autres abandonnent le port du masque sans n’avoir rien changé. Les deux mètres de distance viennent d’un vieil appareil photo, la distinction gouttelettes et particules de l’obsession des dirigeants du CDC américain pour l’identification d’un vecteur de transmission qui ne soit publiquement pas l’air. Ceux qui gouvernent n’ignorent probablement jamais tout à fait la transmission aérosol, ils l’utilisent militairement, mais n’en font pas une politique de santé publique. On peut supposer à cela plusieurs raisons.
En France, si la qualité de l’air était mesurée dans les écoles, dans les lieux de travail, on s’apercevrait sans doute (quand il est possible d’ouvrir les fenêtres) qu’elle est déplorable, que certaines particules y dominent toutes les autres. Il faudrait tout changer. Insister sur le lavage des mains, sur la désinfection, a ceci de pratique que cela donne un geste, une discipline, et que c’est facile à ordonner quand bien même contre le Covid c’est inefficace (se laver les mains reste bien sûr utile contre d’autres maladies). En outre, tout centrer sur le lavage de main, sur le pass vaccinal, cela prolonge la stratégie d’individualisation des responsabilités. En ne favorisant pas les courants d’air, la rénovation des écoles et des bâtiments publics, le gouvernement continue de faire peser la circulation du virus sur les gestes individuels, sur la responsabilité de chacun sans rien changer des logiques plus larges qui fabriquent et reproduisent les pandémies.
Dans la droite ligne de cette politique, ce 14 mars, il n’est pas décidé d’ouvrir les fenêtres, de multiplier les espaces de fêtes en plein air, d’enseigner dehors, seules les terrasses des bars seront peut-être étendues. Au fond, on oublie comme se prétendant sans cesse ouvert ce monde est clos. Dans l’architecture contemporaine des villes, les façades sont toutes de verre mais aucunes ne s’ouvrent. La transparence présente les choses comme accessibles tout en les préservant. Une façade transparente prétend laisser passer pour mieux contrôler les mouvements et les frontières d’une ville.
Plus c’est contemporain, plus c’est en verre et moins ça s’ouvre.
D’ailleurs, si la plupart des bâtiments contemporains ne s’ouvrent jamais, c’est le plus souvent pour empêcher toute tentative de suicide, dans un grand nombre de bâtiments publics, d’EHPAD et d’universités. L’intérieur des bâtiments est climatisé, ventilé par des VMC à double-flux qui dysfonctionnent la plupart du temps (surtout si des habitants ouvrent une quelconque fenêtre). N’importe quel architecte vous apprendra comme il est impossible de faire construire un bâtiment qui n’adopte pas les nouvelles normes de ventilation en la matière, et qui s’inspireraient par exemple de la ventilation naturelle des constructions plus anciennes plutôt que des technologies de pointe.
De plus, les tours de bureaux ne s’isolent par pour rien de la rue, de même que les espaces payants ne s’ouvrent pas aux quatre vents pour marquer les distinctions entre ceux qui ont le droit d’y être et les autres. La ville serait ingérable si les courants d’air comme les gens entraient et sortaient de partout. Et qu’on ne s’y trompe pas. On pourrait imaginer pour la forme un monde où les détecteurs de CO2 sont partout, l’air constamment mesuré et purifié, dans l’extension de certaines obligations d’installation de ces capteurs en Belgique notamment. En vérité, particulièrement en France, cela n’est pas près d’arriver, cela coûterait trop cher, révélerait la misère de l’air dans trop de bâtiments.
La mesure du C02 n’indique que le non-renouvellement de l’air, l’absence de courants d’air, cela ne dit rien de la présence ou non des particules virales mais réduit le risque qu’elles se maintiennent et infectent. L’enjeu c’est l’air qui entoure, les infrastructures dont on dépend, les milieux qu’on habite, pas la quête des superspreaders ou des porteurs de germes. Aborder ces questions par le milieu, par une perspective maximaliste en ceci qu’il s’agit de partager un espace où l’air n’est pas asphyxié, où les courants d’air persistent, déplacent complètement le cadrage de la « santé publique » telle qu’elle est mise en œuvre autour du covid. La politique vaccinale a également pris le contre-pied des courants d’air. Plutôt que de chercher à rendre les espaces habitables, vivables pour tous et toutes, elle vise à distribuer de force l’immunité de troupeau, quand bien même cette dernière n’existe pas. Typiquement, les vaccins existants (Piftzer et moderna notamment) réduisent la possibilité d’attraper le virus, mais ne la font disparaître et ne neutralisent pas le virus. Sans maintien des courants d’air, le virus ne peut que continuer de se répandre, tout en maintenant le pouvoir des entreprises pharmaceutiques.
C’est malheureusement cette logique qui domine ce 14 mars l’abandon du masque. Pas question de continuer de réduire les risques, d’ouvrir les fenêtres dans les EHPAD, de multiplier les jardins ouverts de nuits comme de jours, de dîner dans les rues, d’occuper les stades pour ne pas s’entasser dans des caves, de faire des concerts partout, d’ouvrir toutes les écoles, non, là où le gouvernement dit qu’il y a des vulnérables on garde le masque et ailleurs on abolit les courants d’air. C’est ce monde envisagé comme clos, toujours à rendre plus étanche, qu’il faudrait peut-être sérieusement trouer. On envisagera alors bien plus sereinement la diminution de la circulation virale. On se souviendra comme dernier exemple (puisque les aérosols concernent aussi les hamsters et tous les autres animaux) que l’élevage industriel, cette fabrique permanente à pandémies, prend l’exacte direction contraire en entassant par milliers les bêtes et interdisant toujours plus les élevages en plein air. Cela indique assez le sort fait aux courants d’air qui suffiraient pourtant à disperser, dans la plupart des situations, le covid-19.
Comité pour l’Extension des Courants d’Air (CECA), Montreuil.
courantsdair (at) riseup.net