COP 21 : Quelles réponses anarchistes à la crise écologique ?

La Coordination des Groupes Anarchistes relaie cet important travail d’analyse et de perspectives en pleine offensive du capitalisme et des états.

La capitalisme détruit la planète, détruisons le capitalisme !

Réponses anarchistes à la crise écologique

Analyse et positionnement fédéral

Enjeux de la question environnementale

La crise de développement du capitalisme et ses conséquences sociales ont éclipsé la crise environnementale, pourtant plus que jamais d’actualité. De notre point de vue, cette crise peut se décliner en trois points principaux : le réchauffement climatique global, la dégradation des écosystèmes et l’amenuisement des ressources naturelles.

Le réchauffement climatique global

Dès les années 70, les changements climatiques dus au système de production capitaliste ont été reconnus, notamment dans les milieux écologistes radicaux. Évidemment, ces positions ont été ridiculisées par les tenants du pouvoir. Ce n’est que dans les années 80-90, quand la question du réchauffement climatique deviendra de plus en plus incontournable, qu’ils l’intégreront dans leur discours sous la pression d’une partie de la communauté scientifique. Toutefois, le réchauffement climatique était encore considéré comme une conséquence possible des activités humaines, et non comme un fait avéré.

Depuis le rapport du GIEC1 en 2007, l’impact des activités humaines rejetant des gaz à effet de serre dans l’atmosphère est un fait incontesté, hormis par les partisans d’un discours climato-sceptique ou par de faux experts à la solde des multinationales pétrolières, comme on a pu le voir à l’occasion du scandale dit du « climategate ».

L’augmentation générale de la température du globe a en effet plusieurs conséquences : l’augmentation du niveau des océans due à la fonte des glaces terrestres et à la dilatation de l’eau de mer (en effet, contrairement à la fonte de la banquise, la fonte des glaces d’eau douce contribue à la montée de la mer) ; mais aussi la modification des courants océaniques et du cycle de l’eau. Cette augmentation du niveau de la mer met en péril les habitant-e-s des terres basses et notamment des zones de delta. L’exemple le plus emblématique est celui du Bangladesh qui, dans le pire des scénarios envisageables, pourrait voir plus de la moitié de ses 150 millions d’habitant-e-s migrer. Sans compter qu’à cela s’ajoute l’augmentation du volume de précipitations annuelles, risquant d’entraîner un accroissement de l’intensité et de la fréquence des tempêtes et cyclones.

Les conséquences du réchauffement climatique annoncent donc de grandes migrations qui ne manqueront pas de provoquer un véritable désastre social et agricole (avec la disparition totale de certains territoires cultivés) si aucune disposition collective n’est prise.

De manière générale, cette évolution écologique va probablement multiplier les phénomènes climatiques exceptionnels (tempête, sécheresse, canicule…), rendre la production agricole plus instable et aggraver les situations de pénuries alimentaires dans les régions qui seront victimes directes ou indirectes des catastrophes naturelles.

La dégradation des écosystèmes

L’industrialisation toujours croissante de nos sociétés s’accompagne d’une pollution croissante des écosystèmes naturels.

L’augmentation des surfaces industrielles et des zones urbaines liée à l’industrialisation détruit des écosystèmes et de potentielles zones agricoles, et perturbe le ruissellement des eaux. Les usines et particulièrement celles liées au raffinage utilisent des solvants, dont une partie se retrouve dans la nature et dans les cours d’eau. Dans de nombreux pays où les infrastructures de potabilisation de l’eau sont très insuffisantes, cela devient un problème de santé publique. Dans tous les cas, les ressources halieutiques sont affectées, diminuant les volumes de pêche. On observe parfois une quasi-stérilisation des milieux aquatiques comme dans le Danube.

Les plantes et animaux les plus fragiles et les plus touchés par ces pollutions ne sont généralement pas exploités par des secteurs d’activités majeurs dans le système de production capitaliste. Ce sont les organismes vivants des écosystèmes naturels qui sont détruits ou qui survivent difficilement aux ravages des pratiques d’élevages ou cultures intensifs. Pourtant, si ces organismes vivants n’ont pas, a priori, un poids économique direct important, ils ont un rôle indirect qui peut s’avérer absolument nécessaire. Par exemple, si l’apiculture a un poids économique direct très faible, la pollinisation par les abeilles est d’une importance capitale pour la pérennisation des espèces végétales et donc des productions fruitières. Il en va de même pour tous les écosystèmes des sols et micro-organismes mis à mal par de nombreuses pratiques agricoles qui méprisent le vivant et l’importance de la biodiversité.

Outre ces exemples, la liste des phénomènes préjudiciables à l’environnement et aux sociétés est longue : érosions massives des reliefs, destruction de larges étendues de forêt primaire, contamination de l’environnement avec des croisements OGM, etc. Cette dégradation des écosystèmes a des conséquences directes sur la santé des êtres humains. L’utilisation massive de pesticides, par exemple, est facteur d’augmentation des cas de cancers. Il en est de même pour l’usage de matériaux polluants dans les activités alimentaires, de constructions, etc.

L’amenuisement des ressources naturelles

Au-delà de la pollution engendrée par les modes de production intensifs et industriels, l’industrialisation croissante conduit inéluctablement à l’épuisement des ressources « brutes » et des matières premières dont elle a besoin dans des quantités démesurées. Pendant plusieurs siècles, la pression exercée sur le stock des ressources énergétiques minières était infinitésimale au regard des besoins humains exprimés. Aujourd’hui, le rapport s’est complètement inversé, et il est clair que ces ressources vont diminuer et, pour certaines, risquent de se tarir. Or une très large partie du système de production actuel, dicté par les logiques capitalistes de croissance et de profit, ne peut pas fonctionner sans ces ressources énergétiques. Selon les projections, les ressources non renouvelables actuellement exploitées finiront toutes par atteindre un « pic » après lequel l’extraction sera plus difficile, coûteuse, et à terme non rentable. En outre, les ressources naturelles vitales, telles que la surface des sols fertiles et la qualité de l’eau et de l’air, sont également affectées par l’industrialisation. Leur raréfaction ou leur dégradation constituent des menaces directes sur la santé et la vie des humains. Voici un aperçu de ce qui est connu et projeté pour les décennies à venir concernant l’amenuisement des ressources naturelles et les « pics » envisagés.

La dégradation et la raréfaction des sols utilisables pour la production alimentaire sont engendrées par deux facteurs principaux. Le premier est l’appauvrissement des sols, qui sont saturés d’engrais et de pesticides issus de l’industrie pétrochimique. Le phénomène le plus visible est l’imperméabilisation des sols, entraînant des glissements de terrain et de grandes inondations. Le second est l’accaparement des terres par les propriétaires qui disposent de grands capitaux. Ils vont acheter des territoires à l’étranger, notamment en Afrique, pour en faire des lieux de culture intensive excluant les usages locaux des populations, qui sont alors exploitées sur ces parcelles et dépossédées de tout choix de production. Quant aux sols cultivables et proches des habitant-e-s, les gouvernements et le patronat les ont souvent détruits pour les allouer à d’autres fonctions plus « rentables » que l’agriculture.

L’accès à l’eau salubre, et en particulier à l’eau potable, va s’avérer de plus en plus difficile. En plus de l’augmentation de la consommation d’eau due à la production industrielle et agricole, de nombreux problèmes de pollution s’accentuent, avec une présence accrue d’engrais, de pesticides, de médicaments, de métaux lourds et tous types de rejets industriels dans les eaux.

Les « terres rares » désignent un ensemble de matériaux métalliques devenus des ressources extrêmement stratégiques étant donné leurs propriétés magnétiques. Ils sont utilisés dans les domaines de l’électronique, de l’informatique et l’énergie, en étant présents par exemple dans les ordinateurs, téléphones portables, écrans plats, mais aussi dans les éoliennes et les batteries. L’extraction des « terres rares » est extrêmement polluante et nocive. On relève des problèmes de dents et de peau, ainsi qu’une augmentation des cancers au contact de l’eau rendue toxique. L’extraction entraîne des rejets d’acides et de thorium radioactif, qui se déversent sans mesure de protection dans les eaux et les terres environnantes. Au contact de ces produits, certains organismes vivants deviennent stériles et l’agriculture des terres est rendue impossible.

Concernant les autres métaux, tels que le cuivre, le nickel, le zinc, le plomb, l’étain, etc., face à la croissance de la demande et à la déplétion des gisements, leur exploitation pourrait atteindre un pic dans 20 ou 30 ans. La teneur en métal des nouveaux minerais exploités est plus faible, ce qui entraîne une augmentation de l’énergie nécessaire pour extraire les métaux. De plus, même si le recyclage permet de réutiliser les métaux, il est loin d’être total. Par ailleurs, les conditions de travail dans les mines sont dramatiques, et les conséquences sur la santé irréversibles et souvent mortelles.

Le pic pétrolier a déjà été atteint, et nous sommes dans la phase de plateau qui précède le déclin. Le pétrole le plus accessible a déjà été extrait, et en 2030, la « production » mondiale devrait avoir diminué de moitié. L’industrie pétrolière se tourne maintenant vers l’exploitation du pétrole des sables bitumineux et du schiste, entraînant d’importants dégâts environnementaux.

Les réserves d’uranium, nécessaire au fonctionnement des centrales nucléaires, déclinent rapidement. Les grandes réserves se trouvent aujourd’hui sous la mer. Sa vitesse d’extraction est déjà plus faible que sa vitesse de consommation, avec une grande partie de l’uranium qui provient du désarmement et des stocks. Au rythme actuel, le pic d’uranium est prévisible vers 2035. Les catastrophes nucléaires de Three Miles Island, de Tchernobyl et de Fukushima n’ont pas convaincu les dirigeant-e-s qui en tirent profit d’arrêter son utilisation.

Un pic gazier est prévu par l’Institut Français Pétrolier entre 2020 et 2030. Selon cette source, ce pic risque d’avoir des conséquences plus lourdes que celles du pic pétrolier, dont d’importantes pénuries, puisque le gaz peut être substitué au pétrole dans de nombreux cas, alors qu’il n’existe pas actuellement de substituant au gaz à grande échelle. Quant au pic de charbon, il pourrait être atteint vers 2025.

Fausses solutions aux problèmes environnementaux

Les problèmes environnementaux succinctement décrits précédemment font largement consensus dans les milieux politiques, ainsi que parmi les élites intellectuelles et politiques, qui malgré tout minimisent les enjeux écologiques. Nous proposons donc une critique anarchiste des positions politiques suivantes qui se veulent être une réponse aux enjeux environnementaux.

Capitalisme vert

Nous appelons capitalisme vert, les positions politiques qui avancent qu’il est possible de résoudre la crise environnementale sans sortir du capitalisme, grâce à une série de réformes censées organiser une transition énergétique. Par exemple, Europe Écologie Les Verts défend l’idée d’une économie capitaliste soutenue par l’État pour mener à bien cette transition. Dans le cadre de cette politique, on a vu apparaître les crédits carbone à l’échelle internationale, c’est-à-dire des droits à émettre du CO2 qui peuvent se monnayer entre États. Plus largement, une fraction de l’élite économique et intellectuelle pense que donner une valeur marchande à des biens « naturels » en fonction de leur rareté permettra au capitalisme de se réguler et de stopper la crise environnementale. Pour nous, cette position ne peut en aucune façon résoudre la crise environnementale ni même atténuer les dégradations en cours.

Tout d’abord, les quelques expérimentations pratiques de cette politique se sont avérées inefficaces. Les crédits carbone n’ont pas diminué le volume global des émissions de CO2 car les États puissants ont pu racheter des crédits pour pouvoir dépasser le seuil prévu. Ensuite, les capitalistes se moquent éperdument des lois nationales et transnationales. Il suffit de penser aux nombreuses mines en Afrique où on utilise des solvants sans aucune protection ni circuit de retraitement, particulièrement dans des pays comme la République Démocratique du Congo en guerre civile permanente. En France, les capitalistes refusent de payer l’assainissement d’anciennes mines ou les dégâts des marées noires. Nous faire croire que les capitalistes vont avec des lois vertes être de vrai-e-s petit-e-s écolos est soit d’une incroyable mauvaise foi, soit d’un angélisme qui dépasse l’entendement.

Rappelons que le système capitaliste est un système totalement dépendant de la croissance économique perpétuelle et qu’en cas de décroissance de la production, le niveau de profit par rapport au capital investi diminue. Cette analyse est d’ailleurs confirmée par les faits historiques. En effet, les besoins d’accroissement de la production et des profits du capitalisme a été un moteur essentiel du processus colonial, et reste le moteur essentiel des processus néo-coloniaux d’aujourd’hui. Nous le voyons avec la conquête de nouveaux territoires à exploiter (front colonial brésilien sur l’Amazonie), de nouvelles ressources à extraire (sables bitumeux, gaz de schiste...).

Ce besoin d’accroissement de la rentabilité intrinsèque à ce système rend impossible toute conciliation entre le Capital et les enjeux environnementaux. Pour nous, la solution à ces problèmes ne peut être trouvée que dans une rupture totale avec le capitalisme, c’est-à-dire par la voie révolutionnaire.

Le cas particulier de l’énergie nucléaire

De toutes les fausses alternatives à la crise écologique, présentée souvent aujourd’hui comme la meilleure solution pour réduire les émissions de CO2, l’énergie nucléaire est certainement la plus fallacieuse.

Notre refus et notre revendication de sortie immédiate du nucléaire s’appuie sur le constat de la spécificité du risque nucléaire par rapport à tous les autres risques industriels connus à ce jour :

  • Sur le plan sanitaire, la radioactivité est le seul phénomène capable de détériorer le patrimoine génétique de n’importe quel être vivant (donc faune et flore confondues) de façon cumulative et irréversible de génération en génération, et vraisemblablement jusqu’à toucher la totalité de la population d’une espèce.
  • Sur le plan de la sécurité, les installations nucléaires (réacteurs, stockage ou enfouissement de déchets) étant les structures industrielles qui présentent le potentiel de risque le plus élevé, sont inéluctablement aussi les plus vulnérables. Il existe une contradiction fondamentale entre les échelles de temps multi-millénaires de certains éléments radioactifs et les exigences de sécurité les plus élémentaires. Au-delà de tous les dangers qui menacent n’importe quelle infrastructure (climat, géologie, accident, erreur humaine, etc.), le principal facteur de risque qui menace une installation nucléaire est l’incertitude géopolitique.
  • Sur le plan éthique, le nucléaire est la seule industrie capable de laisser en héritage pour plusieurs siècles ou millénaires aux générations humaines futures des sites de stockage et d’enfouissement de déchets à gérer, des réacteurs qui ne produisent plus d’électricité à démanteler, ou encore des régions voire des pays entiers irradiés. Exactement comme si aujourd’hui nous devions surveiller et renforcer des sites de stockage que nous auraient laissés les civilisations antiques pour se fournir en électricité pendant quelques décennies.
  • Sur le plan économique, le nucléaire est l’énergie la plus chère de toutes. Le coût définitif d’un accident, les frais de gestion des déchets et autres démantèlements de réacteurs, sont tout simplement incalculables du fait de la durée de vie des éléments radioactifs.
  • Sur le plan politique, l’énergie nucléaire implique, de par sa dangerosité, une concentration des pouvoirs et donc une société hiérarchique. Enfin, le nucléaire civil et le nucléaire militaire forment un tandem infernal depuis leur apparition. Jusqu’à présent, plus un État a développé son programme nucléaire civil, plus il a eu facilement accès à l’arme atomique. Le nucléaire militaire est toujours assis sur l’industrie nucléaire civile.

Réponse institutionnelle à la crise environnementale

Une large frange du tissu associatif2 à vocation environnementaliste attend de l’État qu’il légifère dans le sens de la préservation des écosystèmes menacés et pour une réforme des comportements individuels. Pour nous, cette option est vouée à l’échec car l’État ne peut aller à l’encontre des intérêts du capitalisme et ce dernier va structurellement à l’encontre des objectifs environnementaux.

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