30 novembre 1999 : Communiqué du Black Bloc à Seattle

Nous vous proposons quelques textes écrits par des manifestant-e-s lors de luttes passées à propos de leurs pratiques « violentes ». Cinquième épisode avec ce texte paru en 1999 dans la foulée du sommet de l’Organisation Mondiale du Commerce : Seattle, 30 novembre 1999 - Du bon usage de la théorie.

Texte à lire sur l’écran et/ou télécharger en PDF/brochure sur infokiosques.net.

Extraits :

Sur la violence de la propriété

Nous considérons que la destruction de la propriété n’est pas un geste violent à moins que cela ne détruise des vies ou cause des blessures. Selon cette définition, la propriété privée - en particulier la propriété privée des entreprises - est elle-même infiniment plus violente que toute action entreprise contre elle.

On doit distinguer la propriété privée de la propriété personnelle. Cette dernière est basée sur l’usage alors que la première est basée sur l’échange. Le prémisse de la propriété personnelle est que chacune d’entre nous dispose de ce dont elle/il a besoin. Le prémisse de la propriété privée est que chacune d’entre nous dispose de quelque chose dont quelqu’une d’autre a besoin ou désire. Dans une société basée sur les droits de la propriété privée, les personnes qui sont capables d’accumuler le plus ce dont les autres ont besoin ou désirent ont un pouvoir plus grand. Par extension, elles exercent un contrôle plus important sur ce que les autres perçoivent comme des besoins et des désirs, habituellement dans l’intérêt d’accroître leurs profits.

Les avocates du « libre échange » aimeraient voir ce processus amené à sa conclusion logique : un réseau de quelques monopoles d’industrie disposant d’un ultime contrôle sur la vie de toutes. Les avocates du « commerce équitable » aimeraient voir ce processus atténué par des régulations gouvernementales dont le but serait d’imposer superficiellement des normes de base en matière de droits humains. En tant qu’anarchistes, nous méprisons les deux positions.

La propriété privée - et le capitalisme par extension - est intrinsèquement violente et répressive et ne peut être réformée ou atténuée. Que le pouvoir de toutes soit concentré entre les mains de quelques entreprises ou réparti au sein d’un appareil de régulation chargé d’atténuer les désastres de ces dernières, nulle ne peut être aussi libre ou détenir autant de pouvoir qu’elle/il ne le pourrait dans une société non-hiérarchique.

Quand nous brisons une vitrine, nous avons l’intention de détruire le mince vernis de légitimité qui entoure les droits de la propriété privée. Dans le même temps, nous exorcisons cet ensemble de relations sociales violentes et destructives qui ont imprégné presque tout autour de nous.

(...)

Après le 30 novembre, beaucoup de gens ne regarderont plus une vitrine de magasin ou un marteau de la même manière qu’avant. Les utilisations possibles de l’espace urbain se sont multipliées par 100. Le nombre de vitrines éclatées est ridicule comparé au nombre de sorts brisés - sorts jetés par l’hégémonie des entreprises pour nous endormir et nous faire oublier toutes les violences commises au nom de la propriété privée et tout le potentiel d’une société sans elle.

(...)

Contre le capital et l’État,
le collectif ACME, 5 décembre 1999.

Note

[Cet épisode, le n°5, a été publié initialement sur Paris-Luttes.info en mai 2016, comme les quatre précédents.]

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