Communiqué de presse du centre social autogéré Le Malaqueen et de son collectif de soutien

Le Malaqueen est un centre social autogéré à Malakoff qui est expulsable depuis le 22 août dernier. Dans ces bureaux inutilisés depuis deux ans, situés au 55 rue Étienne Dolet (entrée au 70 rue Gallieni), une quarantaine d’habitante·s, des ateliers et événements ouverts à toustes sont menacés. Malgré l’ordre d’expulsion, nous continuons à habiter et faire vivre ce lieu que nous avons squatté et construit collectivement (malakoffiot·tes et habitant.es du Malaqueen) depuis mai 2021.

Communiqué de presse du centre social autogéré Le Malaqueen et de son collectif de soutien

Le Malaqueen est un centre social autogéré à Malakoff qui est expulsable depuis le 22 août dernier. Dans ces bureaux inutilisés depuis deux ans, situés au 55 rue Étienne Dolet (entrée au 70 rue Gallieni), une quarantaine d’habitante·s, des ateliers et événements ouverts à toustes sont menacés. Malgré l’ordre d’expulsion, nous continuons à habiter et faire vivre ce lieu que nous avons squatté et construit collectivement (malakoffiot·tes et habitant.es du Malaqueen) depuis mai 2021.

Le Malaqueen est un lieu de vie, d’accueil et d’habitation pour personnes précaires de tous horizons, que cela soit dû à une situation administrative, médicale, familiale, sociale ou politique (familles, exilé·es, étudiant·es, personnes queer, etc.). Mais c’est aussi un lieu social, solidaire et culturel ouvert sur le quartier et au-delà. Des ateliers et activités y ont été mises en place par les habitant·es du squat, vite rejoint·es par des ami·es, collectifs et voisin·es. prêt·es à transmettre leurs compétences, outils et savoirs.

Le bâtiment que nous occupons, vide depuis 2019, a été racheté par Lazard Group Real Estate en 2020, une société spécialisée dans l’immobilier d’entreprise (voir https://www.lazard-sa.com/#). Cette entreprise prévoit de raser le bâtiment pour y construire un immeuble de bureaux de 7 étages. C’est un projet archaïque, écocidaire et anti-social. Archaïque tout d’abord. Acheter, démolir, reconstruire et revendre des bureaux, alors même que le nombre de mètres carrés de bureaux vides ne fait qu’augmenter en Île-de-France démontre que la démarche relève davantage de la spéculation immobilière que de besoins concrets (selon l’analyste privé ImmoStat, 4 082 000 m² de bureaux restent vides en Île-de-France en 2021, en hausse de 8 % par rapport à son niveau un an auparavant).

Ecocidaire ensuite. Le secteur du BTP est responsable à lui-seul de 3/4 des déchets liés aux activités économiques (soit 5 fois plus que les déchets ménagers) et de 7% de l’émission des gaz à effet de serres en France. Le projet de destruction du Malaqueen s’inscrit dans une guerre contre le vivant.

Anti-social enfin. La spéculation immobilière dont il est l’exemple rend inaccessible l’accès au logement pour un nombre croissant de résident·es en France. Ce projet de destruction-reconstruction-revente se fait au mépris des habitant·es du quartier Etienne Dolet, dont une bonne partie est hostile à la création d’une énième tour de bureau (un référé contentieux a d’ailleurs été déposé contre le projet par des voisin·es organisé·es en association). Malakoff se transforme peu à peu en un grand parc de bureaux vides et sans vie, mais il faut encore construire au 55 rue Étienne Dolet un nouvel immeuble pour accueillir des entreprises alors qu’il suffit de traverser la rue pour trouver des bureaux inoccupés !

Aujourd’hui, Le Malaqueen fait partie intégrante de la vie du quartier. Il accueille des activités aussi diverses que des ateliers céramique, musique, écriture, photographie, couture, réparation d’objets, installation de logiciel libre ou encore jardinage. Des cantines solidaires y sont organisées, des cours de français dispensés ainsi que des consultations psychologiques professionnelles et des temps d’entraide administrative. On y trouve également une gratuiterie et une bibliothèque éphémère.

Le lieu possède le matériel et l’espace nécessaire pour organiser des projections de films et des événements artistiques divers (concerts, spectacles, cabarets, scènes ouvertes, vernissages, résidences d’artistes…). Le Malaqueen ouvre ses portes pour des après-midis rencontres, jeux de société, discussions et débats et met à disposition ses différents espaces (salle de répétition, salles de réunions, salles polyvalentes ...). Enfin, le lieu s’insère dans un réseau francilien de collectes/redistributions (alimentaires, vestimentaires, meubles etc), qui bénéficie aux personnes précaires habitants dans et autour du Malaqueen.

Évoluer en dehors de la sphère marchande - choix permis par notre condition de squat - nous permet d’accueillir ces activités gratuitement ou à prix libre. La pression économique en Ile-de-France qui pèse sur tout lieu culturel et de sociabilité (qu’ils soient institutionnels ou privés) rend par répercussion leur accès de plus en plus cher, excluant ainsi les plus précaires. Tout comme nous refusons le mal logement, nous refusons cet état de fait qui confisque le lien social aux plus pauvres et revendiquons une culture par et pour toustes, s’inscrivant dans les principes de l’Éducation Populaire.

Par ailleurs, nous dénonçons un discours hypocrite à l’encontre du mouvement squat.

Lors de notre jugement, la juge et l’avocate de Lazard Group, ont toutes deux reconnues l’utilité sociale voire « humanitaire » du Malaqueen, mais ont invalidé sa légitimité en arguant que ce n’était pas aux particuliers de palier le manque de logements décents et d’espaces communs, mais à L’État et aux collectivités. Or, malgré cette obligation légale, le nombre de personnes sans logement ou mal-logées croît démesurément d’années en années. Cette rhétorique, souvent brandie pour expulser un squat, délégitime toute tentative d’organisation collective qui ne rentre pas dans les cases préétablies par les institutions. Malgré ce qu’affirme une propagande anti-squat de plus en plus virulente, la plupart des locaux squattés sont ceux de multipropriétaires richissimes et de grandes sociétés spéculatives. De plus, les relogements d’urgence dont les squatteur·ses bénéficieraient après leur expulsion correspondent rarement à des logements sociaux pérennes, mais plutôt à quelques nuits au 115 dans des espaces insalubres, exiguës et souvent violents, avant un retour quasi certain à la rue, plus violente encore. Enfin, l’État, toujours prompt à nous expulser à grand renfort de coûteuses forces de l’ordre, est le premier à rediriger vers les squats, directement ou via des associations, des personnes qu’il prétend ne pas pouvoir prendre en charge.
Pour toutes ces raisons, Le Malaqueen résistera aussi longtemps que possible et d’autres squats ouvrent et ouvriront aussi souvent que nécessaire.

La réquisition de bâtiments vides est non seulement légitime, mais surtout indispensable à l’émergence d’une société basée sur d’autres principes que celle de l’ultralibéralisme. Nous revendiquons notre droit à agir sur notre environnement immédiat, nous revendiquons le droit à la ville.

Face à ces initiatives, le système judiciaire étatique resserre son étau. Au Malaqueen, le délai d’expulsion suite au procès était de seulement deux mois, le strict minimum légal. De manière générale pour les squats, les procédures juridiques s’accélèrent et les indemnités journalières d’occupation augmentent de façon exponentielle. En effet, dans les années 90 et jusqu’au début des années 2000, des squats comparables au Malaqueen pouvaient tenir dix ans. Ce changement de temporalité rend plus difficile les tentatives d’organisation collective. Aujourd’hui, dès qu’un lieu commence à s’implanter sur un territoire, à proposer d’autres pratiques sociales, à s’extraire de l’urgence et de la survie, à peine a t-il le temps de créer du lien entre habitant·es du squat et du quartier, qu’il est déjà menacé d’expulsion.

Pour s’organiser et lutter contre cette situation, un comité de soutien au Malaqueen a été créé. Il comprend des malakoffiot·tes et habitant·es de villes voisines, autant que des membres de divers collectifs d’Île-de-France. Iels sont venu·es faire vivre ce lieu depuis sa création et toustes souhaitent que ce projet vive et se développe.

Derrière la lutte contre l’expulsion du Malaqueen, au-delà de la survie de notre structure collective et solidaire, c’est plus globalement la manière dont se construit la ville qui est en jeu. Rester impuissant·es face à la transformation (et à la destruction) de notre cadre de vie quotidien par la spéculation, la gentrification et les grands projets urbanistiques hors sol n’est pas une fatalité ! Nous pouvons et nous devons nous réapproprier la ville !

Nous sommes expulsables mais pas encore expulsé·es. Nous continuons à nous battre et nous sommes toujours en pleine bataille juridique. Notre futur dépendra du rapport de force que nous réussirons à créer. Tous les jeudis à 19h nous proposons une AG publique pour s’informer et organiser la lutte au Malaqueen.

Informations pratiques :
Pétition en ligne contre l’expulsion : https://tinyurl.com/MALAQN
Contact : soutien_malaqueen@riseup.net
Facebook : Au Malaqueen
Adresse : 70 rue Gallieni, 92240 Malakoff
Localisation : Malakoff

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