Chroniques de la guerre aux pauvres : quand les contrôleurs se mettent même à emmerder les accordéonistes...

Scène hallucinante mais peut-être malheureusement de plus en plus courante dans le métro, certains contrôleurs mettent désormais la pression aux musicien·ne·s dans les rames, même avec un titre de transport !

Mardi 2 avril, fin de matinée sur la ligne 6. L’heure de pointe est passée, c’est un des rares moments de la journée où on respire à peu près dans les transports, tout le monde trouve une place assise.
L’heure aussi souvent où les musicien·ne·s en profitent pour venir faire leur tournée dans les rames du métro, trouvant de l’espace pour jouer et égayer ainsi un peu nos trajets en échange de quelques pièces de monnaie.

En cette fin de matinée donc, un accordéoniste monte dans le wagon où je suis installé et se met à jouer de son instrument, alternant airs connus et moins connus, avec un certain entrain. Le métro s’arrête à une station, une personne donne une petite pièce au musicien, au même moment une équipe de contrôleurs rentre dans la rame. Tout le monde semble se préparer à une banale vérification des titres de transports, mais non les contrôleurs ne s’en prennent qu’à l’accordéoniste.
Ce dernier leur présente un pass Navigo, visiblement tout ce qu’il y a de plus en règle, mais cela ne semble pas leur suffire et un des contrôleurs lui signifie qu’il n’a pas le droit de jouer, qu’il doit s’arrêter, descendre à la station suivante et que la prochaine fois il devra payer une amende ! Ce brave petit soldat zélé de la RATP ayant également aperçu la personne donner quelques pièces au musicien, il se met à lui faire la leçon en lui expliquant qu’ elle n’aurait pas dû, sous prétexte que « ça alimente les réseaux mafieux »...

S’il existe depuis des années des arrêtés anti-mendicité dans le métro, une certaine tolérance existait toutefois à l’égard des personnes en galère et en particulier des musicien·ne·s, considéré·e·s probablement comme faisant un peu partie du décor des transports en commun.
Si on peut éventuellement « comprendre » la volonté de la RATP d’appliquer rigoureusement la réglementation dans les lieux de passages des stations [1], en délivrant des autorisations, qu’est-ce qui peut bien déranger lorsqu’un·e musicien·ne vient jouer directement dans les rames ? Qui plus est à une heure creuse !

Pour la RATP et les autorités dont elle dépend, c’est probablement la présence de pauvres dans l’espace public qui dérange.

De la même manière qu’on fait installer des dispositifs anti-SDF, on chasse les pauvres du métro, qu’illes jouent de la musique ou non, et on culpabilise les voyageurs·ses solidaires prêt à donner une pièce ou deux pour les aider.
Voilà leur modèle de société, mieux vaut que chacun·e reste tout·e seul·e avec ses écouteurs, le nez collé à son smartphone, vite vite va-donc travailler... Mais « attentifs ensemble » quand même : vigilance vigipirate ! Peut-être que l’accordéoniste est en réalité un terroriste et a caché une bombe dans son instrument ? Alors lui donner une pièce, c’est peut-être même financer Daesh ! Triste monde...

Un usager du métro

Notes

[1Afin que les couloirs ne soient pas bloqués.

Localisation : Paris

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