En mai 2017 au 37 rue Marceau à Ivry-s/-Seine (94), un nouveau squat, le CSA (Centre social autogéré), voit le jour. Ce bâtiment de bureau de plus de 2500m2, propriété du Crédit Mutuel, est occupé principalement par des personnes exilées, seules ou en familles, aux situations administratives diverses. Selon les périodes, entre 50 et 90 personnes vivront dans ce bâtiment.
Rapidement, les occupant.e.s du CSA se mobilisent pour la défense du bâtiment ou au moins, si l’expulsion du squat a lieu, pour obtenir le relogement de tou.te.s les habitant.e.s. Pour cela, ils et elles font des rassemblements publics et prennent contact avec la mairie d’Ivry, stampillée PCF. Dès les premiers échanges avec la mairie, il est très clair qu’en cas d’expulsion aucun.e habitant.e ne souhaite se tourner vers le 115 et les dispositifs d’urgence, insalubres et précaires. La tâche s’avère compliquée car un certain nombre de personnes sont sans-papiers. Finalement et grace à la pression des occupant.e.s, la mairie se déclare à l’époque (on est en 2019) favorable à étudier (sérieusement) la possibilité de créer un nouveau dispositif qui permettrait de reloger collectivement tou.te.s les habitant.e.s avec ou sans papiers, dans un cadre et pour une durée qui leur permettraient de faire réellement avancer leurs démarches.
- 1. Vers l’expulsion
Avec la campagne des élections municipales en 2020, suivie de la démission de l’adjoint au logement, les relations entre le collectif d’habitant.e.s du 37 rue Marceau et la mairie se distendent. En juin 2021, après un an et demi sans nouvelles, les habitant.e.s apprennent par des rumeurs que la préfecture veut les expulser de chez eux avant la fin l’été. Le collectif est partagé entre colère et incrédulité car la mairie leur avait promis qu’aucune expulsion n’aurait lieu sans qu’un diagnostic social en vue des relogements n’ait eu lieu, et que dans tous les cas les habitant.e.s du 37 rue Marceau seraient prévenu.e.s en amont de l’expulsion.
A la demande des habitant.e.s, un rendez-vous avec le nouvel élu en charge du dossier, Bertrand Quinet, a lieu. Ils et elles apprennent ainsi qu’OCP Business Center, une grosse société immobilière qui a racheté le bâtiment aux anciens proprios (Crédit Mutuel) à bas prix, a poursuivi la préfecture en jusitice. En effet, le bâtiment est expusable depuis 2018, mais l’expulsion ne semblait pas être à l’ordre du jour de la pref. Les nouveaux propriétaires considèrent que la préfecture à manqué à son devoir et obtient qu’elle soit condamnée à une lourde astreinte qui augmente chaque mois (1,4 millions d’euros en juin selon la mairie). La préfecture veut donc expulser au plus vite, sans diagnostic social ni relogement. Face aux pressions des proprios et de la préfecture, la mairie change son fusil d’épaule. Elle dit qu’elle ne peut rien et prétend n’avoir pris aucun d’engagement vis à vis des habitant.e.s.
Finalement, l’expulsion a lieu le 26 octobre, soit à 5 jours de la trêve hivernale. Malgré la mobilisation des habitant.e.s, malgré les soutiens associatifs, politiques, des profs, des établissements scolaires et des parents. Les occupant.e.s sont jeté.e.s à la rue, vaincue.e.s par la spéculation immobilière et la rénovation urbaine. Que font la mairie d’Ivry et son maire communiste Philippe Bouyssou face à ça ? Que font celles et ceux-là même qui ne manquent jamais une occasion de communiquer sur leur grandeur d’âme et leur engagement en faveur des plus démuni.e.s en général et des exilé.e.s en particuliers ? Ils et elles renient leur parole et n’informent pas les habitant.e.s de l’expulsion imminente, collaborant ainsi activement au « bon déroulement » de l’expulsion et à l’isolement des occupant.e.s. Les habitant.e.s du 37 rue Marceau ne sont mis.e.s au courant de l’expulsion que la veille à 22h30, par une fuite. Romain Marchand, le premier adjoint envoie un message à ses collègues élu.e.s pour leur demander de ne pas venir soutenir les habitant.e.s lors de l’expulsion. Bien sûr aucun diagnostic social n’a eu lieu, beaucoup d’habitant.e.s n’ont reçu aucune proposition de relogement, d’autres refusent des relogements indécents ou en hôtels 115 aux quatre coins de l’IDF pour quelques jours.
- 2. Après l’expulsion : occupation de la mairie et « réquisition » du gymnase
Ne sachant pas où aller, abasourdi.e.s, se sentant abandonné.e.s, les expulsé.e.s se rendent devant la mairie pour exiger de l’aide en urgence. Ils et elles se heurtent alors à un mur. Le premier adjoint ne veut rien entendre. Les interlocuteurs-trices se succèdent tout l’après midi pour répéter sans cesse aux personnes expulsées que la mairie ne peut rien pour elles/eux.
Finalement, face à ce silence et à ce mépris, en fin d’après-midi les expulsé.e.s décident d’occuper la mairie. Ils/elles y restent pendant des heures, et continuent à mettre la pression à l’équipe municipale pour obtenir un endroit où dormir. Dans la soirée des matelas et des couvertures commencent à arriver : pris de panique, le premier adjoint enjoint alors les expulsé.e.s à aller passer la nuit au gymnase municipal Joliot-Curie, tout en les menaçant de faire appel aux forces de l’ordre s’iels ne s’exécutent pas.
Habituellement dans ces circonstances, la mairie met à disposition le gymnase Pierre et Marie Curie. Au lieu de ça, elle a délibérément installé les personnes, parmis lesquelles des nourrissons, des vieillard.e.s, des malades, dans le pire gymnase de la ville, réputé insalubre depuis des années. L’huissier, venu à la demande du collectif constater les conditions de vie, est indigné de ce qu’il découvre, et se demande comment le gymnase a même pu accueillir des activités périscolaires jusqu’alors. Mais visiblement c’est ça que de la mairie d’Ivry réserve à des personnes en galère de logement et de papiers. Quatre murs, de l’eau froide, des toilettes extérieures et des tatamis, c’est tout ce qui attend au gymnase Joliot-Curie les personnes fraîchement expulsées. Pas de chauffage, pas de couverture, pas même d’isolation. Pas de nourriture ni de quoi cuisiner. Une installation électrique vetuste. Les gens se demandent si la mairie se venge ou veut les faire partir d’eux/elles même ?
Dès le lendemain les soutiens locaux et lointains se mobilisent pour apporter matelas, couvertures, radiateurs, de quoi cuisiner, de la nourriture, des tables, des chaises... La vie reprend dans des conditions précaires au gymnase Joliot Curie. Pendant une semaine, des élu.e.s vont se succéder quotidiennement, tantôt mielleux, tantôt menaçants, pour convaincre les expulsé.e.s d’accepter des propositions indignes : pour les familles, des hébergements pour 3 jours dans les hôtels insalubres du 115, pour les célibataires, l’hébergement dans un autre gymnase ouvert pour la trêve hivernale à Nogent s/ Marne.
Iels prétendent que la préfecture, qui aurait réquisitionné le gymnase, expulsera celleux qui refusent. Dans la presse la préfecture dément et affirme quant à elle que le gymnase a été mis à disposition par la mairie et que ce qui s’y passe relève donc de la responsabilité de la ville. On aura plus tard la preuve que c’est la mairie qui ment.
C’est sur la base de ce mensonge qui durera presque jusqu’à l’expulsion du gymnase, que le maire d’Ivry, se dédouane de tous les événements qui suivent. Et cela, malgré les nombreuses solliciations écrites et orales du collectif et des soutiens, ainsi que des mobilisations publiques (des rassemblement sont appelés devant le gymnase). Encore une fois, la mairie ment, manipule et tente de pacifier et de diviser les personnes mobilisées.
- 3. Dans le gymnase, un quotidien fait de menaces, de surveillance et de mensonges
La première nuit au gymnase est un cauchemar. Entre le froid, la promiscuité et les incertitudes quant au lendemain, personne n’a vraiment fermé l’œil. Beaucoup de personnes, et notamment les plus jeunes, tombent malades.
Dès le petit matin, des élu.e.s et du personnel de la mairie sont sur place. Iels sont venu.e.s dire que la préfecture avait réquisitionné le gymnase pour une semaine et que d’ici là, il fallait que les personnes acceptent les propositions précaires et indignes du 115, sans quoi la police viendrait les expulser une nouvelle fois. Les mères de famille, inquiètes de ne savoir comment elles vont nourrir leurs enfants, sollicitent une aide alimentaire. On leur répond que ce n’est pas du ressort de la municipalité, que maintenant, ce qui se passe au gymnase Joliot Curie relève de la responsabilité de la préfecture.
Grâce à la mobilisation des réseaux locaux de solidarités et de la communauté tchétchène au niveau national (et même européen !), la nourriture et le couchage ne sont plus un problème. Les conditions matérielles au gymnase s’améliorent même si elles restent dures. Beaucoup de gens s’inquiètent du sort des nouveaux occupant.e.s du gymnase et viennent aux nouvelles.
La mairie est en train de perdre la bataille psychologique qu’elle livre aux habitant.e.s du gymnase. Ses méthodes agressives n’échappent à personne, et l’image généreuse et politiquement irréprochable qu’elle se donne tant de mal à entretenir en prend un coup. Le malaise est palpable.
D’ailleurs, pendant cette fameuse semaine, des gens de la mairie viennent tous les jours faire de la com tant au près des habitant.e.s que de leurs visiteur.euses. Ils et elles prétendent être victime de la situation et n’y rien pouvoir. Tout est de la faute et de la responsabilité de la préfecture. Il faut que les gens acceptent d’aller au gymnase de Nogent et dans les hôtels du 115 car sinon ce sera la rue, et la mairie n’y pourra rien. En parallèle, le maire lance une opération de mensonge et de diffamation dans les médias et sur les réseaux sociaux.
Dans le gymnase, un vigile est présent 24h/24. Une voiture de police tourne du matin au soir comme dans un manège. Elle en profite pour faire régulièrement escale cité Spinoza et cité Gagarine pour emmerder les jeunes, sinon ce serait moins drôle. Les RG ne sont jamais loin. La mairie menace des femmes venues signaler qu’elles n’avaient pas d’eau chaude pour laver leurs enfants de leur envoyer la police si elles ne quittent pas les lieux immédiatement.
Pour la première fois (mais pas pour la dernière) l’accès à l’hôtel de ville a été interdit au public toute une journée car le bureau du maire craignait une nouvelle occupation.
Mais les habitant.e.s du gymnase ne sont malheureusement pas en galère depuis hier. Iels ne veulent résolument pas de ces fausses solutions qu’iels connaissent déjà. Iels refusent avec constance de se soumettre à la menace et au mensonge. Seul une poignée de personnes a accepté de se rendre au gymnase ouvert à Nogent pour la trêve hivernale.
A la fin de la semaine, l’expulsion n’a pas lieu. Le 10e jour, en fin de journée, Sylvain Van Wassenhove, le directeur adjoint de l’association Alteralia fait une entrée fracassante dans le gymnase.
Alteralia, est une association bien connue à Ivry notamment pour avoir mené le diagnostic social qui a précédé le démentellement du bidonville Truillot (2015), et pour avoir géré les dispositifs d’hébergement qui ont ensuite accueilli un certain nombre des familles roms qui y vivaient. On connaît les conditions indignes dans lesquelles elle héberge les gens et son incompétence en matière d’accompagnement social. On connaît aussi le harcèlement qu’elle a fait subir à certain.e.s de ses résident.e.s, les expulsions illégales, les procédures diciplinaires sur la base de faits imaginaires ou exagérés, et les procédures abusives pour faire placer des enfants roms. On connaît Alteralia.
Mais revenons-en à l’entrée fracassante de son directeur adjoint. Il prend la parole devant tout le monde pour dire que lui et son association sont mandatés par la mairie, la préfecture et le ministère de l’intérieur pour gérer l’hébergement au gymnase et reloger les personnes qui s’y trouvent. Qu’à partir de maintenant il est le seul interlocuteur légitime pour tout. Qu’il est le seul a détenir les réponses et les informations fiables. Les habitant.e.s ne doivent plus cuisiner ou faire chauffer d’eau au gymnase. Iels n’ont plus le droit d’y recevoir leurs ami.e.s et leurs soutiens.
Alteralia amènera ce qu’il faut pour le couchage et les repas.
Dans la pratique, avec les lits de camps d’Alteralia, les habitant.e.s ont construit des cloisons de fortunes, pour plus d’intimité. Iels ont redistribué les infâmes barquettes de plats cuisinés, et ont continué de préparer des crèpes, des omelettes et de délicieuses spécialités tchétchènes. Et les copain.e.s et les soutiens sont revenu.e.s tous les jours. Alteralia a bien essayé d’y mettre bon ordre encore une ou deux fois, en vain.
Mais Alteralia n’a pas l’intention d’en rester là. L’association est désormais en première ligne dans la guerre que la mairie et la pref mènent contre les habitant.e.s du gymnase.
Ca commence dès les premiers entretiens avec les travailleurs sociaux. Iels vont tenter de diviser le collectif en donnant des informations différentes aux un.e.s et aux autres, et notamment aux tchétchènes et ingouches d’une part, et aux africain.e.s d’autre part. Mais iels vont aussi tenter de semer la division au sein même de chaque famille. Au départ, Alteralia voulait recevoir séparément chaque membre d’une famille, enfants compris. Encore une fois, devant l’insistance des habitant.e.s du gymnase, elle a dû renoncer.
Dans le même temps, la pression de la police s’est faite plus forte. A plusieurs reprises, des flics en civil ou en uniforme ont suivi des habitant.e.s et des soutiens dans leurs déplacements en ville. Tous les jours ou presque, un RG passait au gymnase tenter de gagner la confiance des un.e.s et d’intimider les autres, faire de la désinformation.
On est à quelques jours de la fin de mission annoncée d’Alteralia et aucune solution concrète de relogement ne se profile. Les habitant.e.s inquiet.e.s sollicitent une nouvelle fois la mairie par courrier. Iels l’interpellent sur les conditions de vie au gymnase, les méthodes d’Alteralia et veulent que les différents partis s’engagent à ce que les relogements proposés soient dignes, pérennes et pour tou.te.s, quitte à ce que la mairie use de son droit de réquisition.
Mais la mairie, qui il y a peu envoyait quotidiennement ses sbires au gymnase, ne leur répond plus. Dans les médias et sur les réseaux elle continue de claironner que la préfecture a réquisitionné le gymnase et mandaté Alteralia et que rien de tout ça n’est de sa responsabilité.
Habitant.e.s et soutiens décident donc d’organiser un rassemblement devant le gymnase avec comme mot d’ordre Réquisitions ! Des logements dignes et pérennes pour tou.te.s, à Ivry ou à côté pour les enfants qui y sont scolarisés.
Deux jours avant le rassemblement, une nouvelle fuite (il y en a eu de nombreuses grâce à des soutiens au sein de la mairie) informe les habitant.e.s que le maire veut les faire déménager dans un autre gymnase en périphérie de la ville le jour du rassemblement.
Les habitant.e.s le prennent mal. Les mêmes mots viennent à nombre d’entre elles et eux « Nous ne sommes pas des meubles pour être déménagé où on veut quand ont veut ». Le maire, Philippe Bouyssou fait marche arrière. Le déménagement n’aura pas lieu.
Le lendemain, veille du rassemblement c’est Alteralia qui sonne la charge. Son flamboyant directeur adjoint, Sylvain Van Wassenhove, vient en personne menacer les habitant.e.s du gymnase de ne pas reloger celles et ceux qui seront vu.e.s au rassemblement. C’est la panique. Doit-on maintenir ou pas le rassemblement ? Finalement les habitant.e.s décident que le rassemblement doit avoir lieu, mais la majorité d’entre elles et eux restera à l’intérieur du gymnase. Ils et elles écriront néanmoins un communiqué qui sera lu par un soutien, expliquant leur absence et dénonçant les menaces qu’iels subissent. Les soutiens sont nombreux et très divers. Il y a des voisin.e.s, des profs, des parents d’élève, des militant.e.s associatifs et politiques de diverses organisations locales et nationales, des élus dissidents et des squatteur.euses. Tou.te.s demandent une réquisition.
Murée dans leur refus de dialoguer, la mairie fait la morte et Alteralia, dont la mission a été prolongée, continue de faire des propositions inacceptables et de menacer les gens. Sylvain Van Wassenhove se déplace cette fois pour menacer les familles qui refuseraient ses orientations pour trois jours dans un hôtel insalubre, de faire placer les enfants. Son nouveau refrain : « Je ne vais pas laisser mettre des enfants à la rue ». Mais qui met ces enfants à la rue ?
La mission d’Alteralia prend fin. Pour les hommes célibataires, l’association n’a fait que proposer à nouveau des lits dans le gymnase à Nogent. Tous ont refusé. Quatres familles ont reçu des propositions qu’elles ont jugées correctes. Les autres ont reçu des orientations pour quelques jours qu’elles ont refusé également, ou pas reçu d’orientation du tout.
Un soir, nous apprenons que le lendemain à 17h, des élu.e.s viendront en bande notifier aux habitant.e.s restants au gymnase que la mairie va publier un arrêté ordonnant leur expulsion prochaine.
Les masques tombent. On a désormais la certitude de ce qu’on soupçonnait depuis le début. La mairie a menti encore une fois. La préfecture n’a jamais réquisitionné le gymnase qui est depuis le début mis à disposition par la mairie. Elle est la première responsable de ce qui s’y est passé et de son expulsion.
A leur arrivée iels trouveront habitant.e.s et soutiens mobilisés. Iels font leur auto-apologie, tentent une dernière fois de se poser en victimes, de mettre la responsabilité de cette situation sur le dos de soutiens et de convaincre les récalcitrant.e.s d’accepter des solutions qui n’en sont pas. Les échanges qui suivent sont musclés.
Les habitant.e.s obtiennent tout de même l’engagement que les personnes hébergées seront prises en charge au moins jusqu’à fin de la trêve hivernale.
Le lundi l’huissier envoyé par la mairie vient notifier aux habitant.e.s un arrêté dans lequel elle prétend que ce sont les habitant.e.s qui seraient responsables des dégradations rendant le gymnase insalubre et justifie ainsi l’expulsion. C’est bien sûr un énième mensonge. L’insalubrité a été constatée par l’huissier mandaté par les occupant.e.s à leur arrivée au gymnase.
Le collectif prend une avocate qui va déposer un recours, une procédure en référé. On doit avoir une audience sous 48h, mais malheureusement la procédure ne suspend pas l’expulsion.
- 4. Deuxième expulsion et tentative de requisition
L’expulsion a finalement lieu le matin du 15 décembre 2021, avant qu’une date d’audience ait pu être fixée. Les ex-habitant.e.s du CSA se trouvent donc à nouveau à la rue, un mois et demi après la première expulsion. Le matin même de l’expulsion, un rassemblement a lieu devant le gymnase. Craignant une nouvelle occupation, les portes de la mairie sont fermées à clef.
Epuisées, les dernières familles acceptent les hôtels miteux qui leur sont assignés. L’une d’entre elles sera mise à la porte avec rudesse par une hôtelière qui disait ne pas trouver le nom sur son listing.
Les hommes seuls préfèrent prendre le risque de dormir dehors plutôt que d’aller au gymnase à Nogent.
Un deuxième rassemblement est appelé en fin d’après-midi, sur le parvis de la mairie. Vu qu’aucune solution décente de relogement n’a été proposée aux expulsé.e.s, le groupe des manifestant.e.s se met en marche pour arriver devant le 44 de la rue Jules Ferry à Vitry, afin de procéder à sa réquisition. Il s’agit d’un bâtiment abandonné depuis plusieurs mois, proprieté d’une société de gestion immobilière. Comme pour le CSA, les proprios sont des individus qui font du fric en laissant des maisons vides pour faire augmenter les prix des loyers et des m2, quand plein de gens n’ont pas d’endroit où dormir.
Pas de police en vue. La première nuit dans ce bâtiment occupé permet aux habitant.e.s d’avoir un espace à elleux. Ca les change du gymnase sans cloison où iels ont été contraint.e.s de vivre pendant un mois et demi...
Un petit appel à soutien circule, et un petit dej est organisé le lendemain, 16 décembre, dès 6H au cas où les flics expulseurs viendraient faire leur sale travail. Pour protéger la requisition, un peu de monde se relaie à l’extérieur et à l’intérieur du batiment occupé : les expulsé.e.s du CSA et du gymnase, mais aussi des soutiens et des nouvelles personnes solidaires. L’accueil des voisin.e.s est chaleureux : pas mal de personnes se montrent bienveillant.e.s. L’ambiance est plutôt bonne !
Mais à 14H, les flics débarquent au 44 rue Jules Ferry. Dès qu’ils arrivent, il est clair pour tout le monde qu’ils sont là pour expulser : ils sont très agressifs, bousculent les personnes solidaires qui commencent à se rassembler devant le batiment occupé, et la présence d’un flic avec une grosse pince-monseigneur laisse peu de doutes quant à leurs intentions.
Après quelques heures, les flics parviennent à entrer. Entre temps, une personne avait été arrêtée, puis relâchée. A part ça, pas d’interpellations heureusement ! Car les flics qui rentrent dans le squat ne trouvent personne. Certain.e.s disent avoir vu les occupant.e.s s’envoler à tire-d’aile, vers de nouveaux horizons... La police n’a pas pu les attraper car c’est bien connu, les poulets ne savent pas voler.
- Ce n’est pas fini ! Un logement pour tous et toutes !
Cette année à Ivry comme ailleurs en France, alors que nous sommes en pleine crise sanitaire, le nombre d’expulsions locatives et le nombre d’expulsions de squat a battu de tristes records. A Ivry, plusieurs centaines, peut-être des milliers de personnes à la rue. Presque 200 pour le seul squat de la rue Robert Witchitz au début de l’été. La mairie n’a pas levé le petit doigt.
Concernant les habitants du CSA, le premier adjoint, Romain Marchand, a clairement fait savoir que la mairie ferait obstacle à une prochaine occupation. De fait la forte mobilisation de la police a rendu la chose difficile.
Le maire, Philippe Bouyssou annonce la création d’un groupe restreint pour travailler à la résorbtion des squats à Ivry.
C’est pas mal, pour une municipalité dirigée par un communiste, qui se targue en permanence de mener une politique solidaire et volontaire, et qui affirme utiliser tous les moyens dont elle dispose pour protéger les gens en galère.
Le maire aurait pu définir comme priorités politiques la lutte contre la spéculation immobilière ou contre les marchands de sommeil. Ou pour plus de places et des conditions de vies dignes dans les lieux d’hébergement. Elle aurait pu aider les associations et les collectifs d’Ivry à obtenir de la préfecture qu’elle les recevoivent régulièrement pour des dépôts collectifs de demandes de régularisation. Elle aurait pu, de multiples manières, lutter contres les inégalités qui conduisent de nombreuses personnes à vivre en squat, et contre les personnes qui s’engraissent sur le dos des pauvres et des mal logés.
Mais non.
On l’a vu avec les anciens habitant.e.s du CSA, qui ont eu l’outrecuidance de ne pas se soumettre et qui en ont fait les frais. Le combat que mène la mairie d’Ivry c’est contre les pauvres et les exilé.e.s. Sa nouvelle priorité politique en matière de logement : se débarasser des squats et des squatteurs-ses. Ca ne nous étonne pas venant d’un parti dont les cadres assistent à un rassemblement organisé par des syndicats de police d’extrême-droite...
Même si la mairie pense avoir réglé l’affaire pour pouvoir mener tranquillement sa politique de gentrification, le combat continue. Des personnes continuent à s’organiser contre les expulsions et à lutter pour un logement pour tous et toutes.
Quelques solidaires du 94