Alors qu’un appel pour les 17 et 18 février circule pour zbeulifier Carrefour, qui a continué à faire du profit sur la colonisation et le génocide des palestinien.ne.s, nous nous y joignons, en espérant que ces journées d’action permettront d’aller plus loin dans les perspectives de solidarité avec le peuple palestinien dépassant le boycott comme seul horizon de lutte.
Le boycott et le blocage des enseignes peuvent avoir un impact économique et symbolique fort, si elles sont suivies dans la durée. Il est évidemment nécessaire de mettre au pilori une multinationale ayant conclu des accords de franchise avec des entreprises présentes dans les colonies israéliennes (Electra Consumer Products et sa filiale Yenot Bitan) et qui offre des colis alimentaires aux soldats israelien.ne.s en pleine invasion de Gaza, pendant que des centaines de milliers de palestinien.ne.s bombardé.e.s par ces mêmes soldats n’ont plus rien à manger. En fonction de la baisse du chiffre d’affaire suite à ces actions militantes, la multinationale pourra même être poussée à revoir certains de ses partenariats économiques ou, plus réalistement et cyniquement, communiquer moins explicitement sur son soutien à Israël, ce qui enverra aussi un signal à d’autres entreprises de faire pareil.
En même temps, la stratégie du boycott via la campagne BDS risque d’occulter le fait qu’en tant qu’entreprises capitalistes basées sur l’exploitation des humains et de la terre partout dans le monde, Carrefour, Macdo et compagnie ne peuvent par essence pas devenir anticoloniales. Dans le meilleur des cas, elles ne pourraient que désinvestir leur argent d’un projet colonial pour en réinvestir encore plus dans d’autres. N’oublions pas non plus que Carrefour est directement impliqué dans d’autres pays et régions colonisées, cette chaîne est par exemple très présente en Afrique francophone.
En plus, idéaliser le boycott peut donner lieu à certaines pratiques politiques confuses, voire contre-productives, même quand il s’agit de soutenir concrètement les luttes palestiniennes. Lors de la manifestation du 3 février dernier contre la loi immigration et en soutien à la Palestine, ce n’est pas un Macdo (autre entreprise complice du génocide) qui s’est faite chahutée, mais bien les client.e.s a l’intérieur. Ce genre de pratiques culpabilisantes remettent sur le dos des individu.e.s isolé.e.s la responsabilité d’un génocide, comme si les consommateur.ice.s étaient plus responsables que les dirigeant.e.s d’une multinationale. Derrière ces gestes se cache l’espoir libéral de la consommation éthique, selon lequel les petits gestes des consommateur.ice.s suffisamment éclairé.e.s pourraient infléchir les pratiques des géants capitalistes.
Sans se désolidariser des mouvements dont la stratégie consiste à mettre la pression sur les dirigeant.e.s (ce qui est toujours une bonne chose), nous trouvons ça plus important de faire payer directement aux entreprises impliquées dans des guerres coloniales leur participation à ces massacres. Et bien entendu, il s’agit pour nous, à la fin du compte, de se débarrasser de toutes ces entreprises-là une fois pour toutes !
Chourrons Carrouf !
Lorsqu’un produit est chourré, le cycle monnaie-marchandise-monnaie (cc Marx) est brisé, c’est-à-dire que ça provoquera une perte pour l’enseigne qui galérera un petit plus à se faire une marge de profit, surtout si ces actions sont répétées, ciblées et reprises par un nombre conséquent de personnes. Cela permet de te régaler en chourrant des produits nécessaire et hors de prix, tout en ne t’en voulant pas d’avoir mis les pieds dans un carrouf.
Alors, marre de te faire humilier par l’inflation ? Envie de soutenir la Palestine ? Tu peux chourrer selon tes capacités et encourager tes potes à le faire. Si tu ne te sens pas à l’aise avec les risques que ça implique, ce qui est parfaitement normal, tu peux aussi profiter de tes passages dans les magasins pour déposer discrètement dans les rayons des autocollants ou des textes, par exemple celui-ci.
Bien que la perte due à la chourre soit comprise dans les calculs des coûts réguliers qu’encourrent les magasins, celle-ci les embête assez pour qu’ils investissent dans des vigiles et des caméras dotées d’intelligence artificielle, sachant repérer des gestes suspicieux. Individuellement, on peut y faire attention en se renseignant avant sur l’endroit à chourrer, observant là où sont posées caméras et ce qu’elles voient (parfois les écrans de vidéo-surveillance se trouvent directement en face des caisses). S’il y a des vigiles, ça reste possible de trouver un moment opportun où ils sont occupés à faire autre chose que de faire des sacs à la sortie. Des pratiques de chourre collective diminuent la prise de risque individuelle tout en multipliant l’impact et aidant certain.e.s à surmonter leur stress.
À la fin des années 60’s, les ouvrier.e.s du nord de l’Italie menèrent des auto-réductions massives (refusant de payer la bouffe, le loyer, les transports ou encore l’élec) pour récupérer le salaire arraché aux patrons et le reste des revenus différés octroyés par l’État, l’objectif final étant de se réapproprier totalement leur vie, en se libérant des contraintes du salariat.
Des pratiques comparables redeviennent fréquentes lors des élans de révolte collective, comme celle impulsée dans les quartiers populaires suite au meurtre raciste de Nahel par la police française. N’oublions cependant pas que de nombreuses personnes ayant participé, peut-être pour la première fois de leur vie, à des actions euphoriques de ce genre (qu’on peut nommer pillage sans se souscrire à la connotation négative que ce mot porte) ont pris très cher à cause de la machine répressive, qui a pu identifier des gens grâce aux images sur les réseaux sociaux et les caméras, la géolocalisation des téls, la présence d’ADN sur les lieux et d’autres techniques de la surveillance. Plutôt qu’une limite indépassable, il s’agit là d’un défi à surmonter collectivement.
Attaquer les entreprises françaises, c’est mettre des bâtons dans les roues de l’effort colonial. S’y prendre en avance, veiller à rester anonyme, tout en jouant de l’imagination pour éviter les retombées, permet de briser la monotonie des actions où on passe son temps à s’auto-pacifier par peur de trop déborder les cadres. En plus de montrer qu’on peut apporter un soutien concret à la libération de la Palestine à travers le vol de marchandises !
Alors apprenons à nous faire confiance, chourrons seul.e ou en groupe pour qu’en réponse aux massacres, puisse se généraliser le pillage !