Auto-organisation des juifs et bolchévisme : l’antisémitisme dans la révolution russe

Ce texte du lecturer en sociologie de l’antisémitisme et de la racialisation Brendan McGeever, traduit et publié dans la revue Période, revient sur un épisode généralement occulté de l’historiographie officielle sur la révolution Russe : l’antisémitisme et les pogroms perpétrés par l’Armée Rouge. Tandis qu’on a longtemps attribué aux Bolcheviks l’initiative de campagnes contre l’antisémitisme, Brendan McGeever insiste sur le rôle des groupes juifs socialistes autonomes qui ont impulsés une véritable politique antiraciste, bientôt interrompue par le processus de centralisation Bolchevik et la liquidation des expressions autonomes.

Extrait :

Les pogroms dévastateurs de 1918 et 1919 ont posé des questions fondamentales au projet Bolchevik puisqu’ils ont révélé la nature et l’ampleur des liens que la classe ouvrière et la paysannerie entretenaient avec des formes de conscience exclusives et racialisées. La participation de l’Armée rouge à ces pogroms a révélé de façon tragique que la menace de l’antisémitisme ne s’est pas seulement manifestée du côté de la « contre-révolution » anti-Bolchevik, mais également dans le mouvement révolutionnaire. Le premier test auquel ont dû faire face les Bolcheviks sur la question de l’antisémitisme après leur arrivée au pouvoir en 1917 fut alors de se confronter à la violence antisémite de leurs propres cadres.

(...) La proximité d’un projet socialiste national juif semble avoir facilité une forme de pratique antiraciste mieux adaptée à l’urgence de la situation. Ces militants du Bund ou du Poale Zion qui rejoignirent le régime soviétique en 1918 et 1919 ont eu tendance à placer le statut de l’ethnicité et de la nationalité à un niveau au moins égal à celui de la « classe ». En revanche, certains Bolcheviks, dans leur tentative de soutenir une conception globale, universaliste et multi-ethnique de la « classe ouvrière », ont par moments négligé la spécificité de l’expérience de la racialisation et de l’oppression.

(...) Les tentatives soviétiques pour mettre fin à l’articulation entre antisémitisme et processus révolutionnaire étaient profondément surdéterminées par l’intégration à l’intérieur de l’appareil d’état d’un groupe de juifs radicaux sans liens ténus entre eux qui se trouvaient en marge du mouvement révolutionnaire global. Alors que le bolchevisme s’inscrivait sans nul doute dans une perspective qui rejetait l’antisémitisme, lorsqu’il fallut réaliser ce projet, c’est-à-dire le mettre en pratique, il revint à un groupe de juifs révolutionnaire d’endosser ce rôle vital.

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Note

Traduit de l’anglais par Florian Klein.
À paraître : McGeever, Brendan, The Bolshevik Response to Antisemitism and the Russian Revolution, Cambridge University Press

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