Atelier d’écriture aux détenu·e·s

Tout système pénal possède un arsenal de sanctions, et parmi ces sanctions la peine de prison crée particulièrement des souffrances. L’écriture est une façon accessible de briser l’isolement carcéral, de créer des liens, de montrer que, dehors, nous sommes solidaires.

Misère sociale et grandeur carcérale

On observe depuis quatre décennies maintenant une ascension de l’État pénal dans de nombreux pays à prétention démocratique (Wacquant, 1999, 2009, 2010). Cette ascension est la conséquence d’une co-évolution des politiques sociales et pénales : d’un côté, réduction de la protection sociale et déploiement élargi du salariat précaire ; de l’autre côté, déploiement élargi de la prison [1]. Le tout s’articule pour former un seul et même canevas organisationnel visant à discipliner les pauvres et mater les indociles.

« Rage against the machine »

Les actions individuelles et collectives contre l’État et le capitalisme sont nombreuses. Des foyers insurrectionnels s’allument régulièrement dans de nombreux pays. Invariablement, la prison est mobilisée pour neutraliser les personnes accusées par l’État de menacer l’ordre social voire de mettre sa sûreté en péril. L’emprisonnement se veut un coup d’arrêt.

La peine de prison ne se limite pas à une entrave à la liberté d’aller et de venir : elle dépersonnalise et désocialise les personnes qui la subissent, elle prive de relations sociales importantes et impose des conditions de vie indignes. Dans les prisons françaises, on compte en moyenne un décès tous les deux jours, principalement par suicide. En 2017, 103 personnes incarcérées se sont suicidées, 131 se sont suicidées en 2018. Le taux de suicide est 6 fois plus élevé en prison que dans la population générale.

Solidarité par-delà les murs

Faire de la prison un front de lutte politique repose sur le retournement du principe voulant que l’emprisonnement soit un coup d’arrêt, une voie sans autre issue que l’isolement. D’autres possibilités peuvent s’ouvrir : rester solidaires par-delà les murs, prolonger la lutte au sein même de la prison. L’écriture aux personnes détenues s’inscrit dans cette démarche. En détention, recevoir du courrier est important pour tenir moralement. C’est une marque de soutien et un lien avec l’extérieur. Le courrier signale également à l’administration pénitentiaire, à son personnel et aux co-détenu.e.s que la personne n’est pas isolée : c’est important si elle subit (ou est susceptible de subir) des violences.

Guides, adresses, ateliers

Pour favoriser l’écriture aux personnes en détention, la section francilienne de l’Anarchist Black Cross (ABC-IDF) met à disposition sur son blog : (1) un Guide pour écrire aux personnes détenues, (2) des adresses de personnes détenues souhaitant recevoir du courrier.

Aussi, l’ABC-IDF organise chaque premier dimanche du mois un atelier d’écriture aux personnes incarcérées (présentation ici). On valorise la diversité des pratiques pour permettre à chacun·e de s’exprimer selon ses envies : lettre, carte postale, écriture individuelle, mais aussi collective, dessin, découpage, etc. On peut compléter ensemble des dos d’affiches. Enfin, on propose de participer à des photos de solidarité. Ces photos sont imprimées et glissées dans les courriers (petit exemple ici).

Notes

[1Le déploiement élargi de la prison passe par l’augmentation constante du nombre de personnes incarcérées, la construction de nouvelles prisons, le développement de peines dites « alternatives » venant s’ajouter aux peines de prison ferme (par exemple, le bracelet électronique). En France, l’augmentation de la population carcérale a pour cause certaines évolutions de la politique pénale : développement de procédures de jugement expéditif comme la comparution immédiate, augmentation de la détention provisoire, pénalisation d’un nombre de plus en plus important de comportements, augmentation des incarcérations pour de courtes peines de prison (moins de 1 an), prononcé de peines de plus en plus lourdes (5 ans ou plus).

Localisation : Montreuil

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