Appel pour la création d’un syndicat SUD-Agriculture en Ile-de-France pour les salarié.e.s agricoles

La mobilisation des agriculteur.rice.s de ce début d’année qui a secoué de nombreux pays en Europe est venue nous rappeler cruellement que pour la majorité de la population les salarié.e.s agricoles n’existent pas.

Nous sommes resté.e.s invisibles comme nous le sommes depuis bien trop longtemps, y compris dans le monde militant et syndical qui ne trouve alors que des syndicats patronaux pour forger des alliances, la cause des salarié.e.s agricoles restant oubliée.

Pourquoi est-il nécessaire de s’organiser, de porter une voix des salarié.e.s agricoles ? Pour quelle agriculture ? Quels enjeux ?

Nous faisons partie de ce « monde agricole » que les médias et les syndicats d’agriculteur.rice.s ne décrivent pourtant que par l’image de l’exploitant.e agricole oubliant l’exploité.e. Nous sommes bien plus nombreux.ses qu’eux.elles (425.857 chefs d’exploitation pour 1,6 millions de salarié.e.s agricoles en 2021 [1]) et indispensables à de nombreux secteurs de l’agriculture qui ne tourneraient pas sans nous.

Alors que le complexe agro-industriel et le syndicat majoritaire (la FNSEA) défendent une image d’un monde agricole homogène et uni derrière eux quitte à nier les conflits et les intérêts divergeants qui le traversent, la lutte des classes n’a jamais disparu de nos champs et force est de constater que nous la perdons.

Parmi les cadeaux du gouvernement aux agriculteur.rice.s à la suite de la dernière mobilisation, nos droits ont été attaqués [2], des dérogations pour monter le temps de travail à 60 ou 70 heures semaine par ci, des exonérations de cotisations patronales sur les bas salaires par là,…

Tant que nous n’existons pas, la machine néo-libérale et capitaliste du complexe agro-industriel continuera de détruire nos conditions de travail comme elle détruit le vivant. Personne ne nous défendra à notre place.

Il est temps de nous organiser parce que :

  • Les agriculteur.rice.s sont toujours plus incité.e.s à précariser nos contrats par les exonérations de cotisations patronales sur les contrats saisonniers (TESA, TO-DE,…) payés au SMIC. En Ile-de-France, 53 % des salarié.e.s agricoles sont sur des contrats précaires saisonniers [3]. Au niveau national, le salariat agricole précaire (apprentis, CDD, contrat saisonnier, contrat vendanges) représentait 80 % du salariat agricole en 2016 et ne cesse d’augmenter depuis [4]. Le recours au bénévolat et aux stagiaires se banalisent également mettant en péril nos emplois.
  • Les patron.ne.s poussent toujours plus à une augmentation du temps de travail hebdomadaire. Nos heures supplémentaires, nos heures d’astreintes le week-end ou le travail de nuit ne sont que trop rarement rémunérés comme tel, les entorses au droit du travail sont bien trop nombreuses, parmi tous les contrôles dont se plaignent les exploitant.e.s, celui qui avait le taux de conformité le plus bas en 2015 reste celui du droit du travail avec seulement 20 % des contrôles conformes ! [5]
    Les menaces contre l’inspection du travail (sanglier pendu devant l’inspection du travail [6]) lors de la dernière mobilisation des agriculteurs ont rappelé l’hostilité des exploitant.e.s contre ceux.celles qui protègent nos droits, hostilité qui a permis d’aller jusqu’au meurtre en 2004 ! [7]
  • Nos conditions de travail restent difficiles (95 % des maladies professionnelles reconnues des salarié.e.s agricoles sont des troubles musculo-squelettiques représentant les 3/4 des troubles musculo-squelettiques dans le monde agricole [8]) et amenées à devenir plus difficiles par les conséquences de la destruction du vivant par le capitalisme (réchauffement climatique, travail sous des chaleurs toujours plus fortes, des salarié.e.s agricoles meurent à chaque épisode caniculaire [9]…).
  • Nous sommes soumis à des environnements de travail accidentogènes (exposition aux produits phytosanitaires, un des secteurs les plus représentés dans les accidents de travail, un.e salarié.e agricole meurt tous les 5 jours d’un accident de travail [10]…) avec des règles de sécurité rarement respectées par les exploitants (EPI pas toujours fournis, équipements de protection face aux pesticides rarement conformes aux prescriptions, stagiaires et saisonnier.e.s non formé.e.s aux gestes et postures…).
    Le discours du milieu militant prônant l’agriculture biologique qui omet de dire que cette agriculture utilise également des produits phytosanitaires ou rapporte des sophismes (« c’est naturel, c’est sain », « le bio c’est bon »...) poussent à une mise en danger des salarié.e.s qui ne portent pas les équipements de protection prescrits, les pesticides chimiques ou biologiques restent des produits ayant un impact sur le vivant, protégeons nous !
  • la fermeture des frontières durant le confinement ou le procès de Terra Fecundis [11] ont montré l’énorme recours à l’exploitation des travailleur.se.s étranger.e.s saisonnier.e.s qui subissent des conditions de travail scandaleuses, parfois sans contrats de travail, sous payé.e.s, mal logé.e.s [12].
    Parmi nos collègues travailleur.se.s saisonnier.e.s étranger.e.s nombreux.ses sont ceux.celles qui viennent de pays du Sud Global dont les agricultures ont été ravagées par l’emploi massif de pesticides interdits dans les pays du Nord pour leurs toxicités et par la concurrence déloyale avec les exportations de l’agriculture européenne subventionnée par la PAC depuis des décennies. Dans cette logique néo-coloniale, le Nord a détruit l’agriculture des pays du Sud et n’accepte à présent que les travailleur.se.s saisonnier.e.s exploité.e.s, continuant les ravages dans les pays du Sud et fermant ses frontières au prix de vies humaines.
  • le racisme, la misogynie, les lgbtiphobies, le validisme sont bien ancrés dans nos fermes y compris dans des fermes de paysan.ne.s, qui se disent de gauche, formaté.e.s aux discours du développement personnel ou de dérives sectaires.
  • le complexe agro-industriel trouve normal que l’accès à l’alimentation ne soit pas garanti pour toutes et tous et a réussi à tirer profit des lois anti-gaspillage pour construire une aide alimentaire qui sert de gestion du surplus de l’agro-industrie, déversant des produits ultra-transformés aux plus précaires en faisant du profit (défiscalisation des dons) sur cette charité condescendante.
    Conscient que notre précarité est liée à la précarité de tout le monde agricole et des exploitant.e.s agricoles, conséquence des politiques néo-libérales de libre-échange, la proposition de Sécurité Sociale de l’Alimentation portée par de nombreuses organisations permettrait de conquérir un droit à une alimentation saine et choisie pour tou.te.s, permettre un revenu décent pour tou.te.s les travailleurs.ses de la terre et par une démocratie alimentaire transformer les productions agricoles pour sortir de la seule logique du profit et répondre aux ravages écologiques du capitalisme.
  • les syndicats agricoles ne défendent pas nos droits. Malgré la solidarité que nous pouvons avoir avec les paysan.ne.s que l’agro-industrie a mené à une précarité considérable et à une concurrence brutale qui mène à une disparition massive des plus petites fermes depuis des décennies, les revendications n’ont jamais défendu de meilleures conditions de travail pour le salariat agricole et mènent à notre précarité.
  • d’ici 2030, la moitié des agriculteurs vont partir en retraite [13], libérant de nombreuses terres. L’agriculture est à un carrefour. Allons-nous laisser la bétonnisation infernale de l’industrie étouffer ces sols agricoles ? Allons-nous laisser les grandes exploitations absorber les petites fermes, avec des modèles qui nécessitent une fuite en avant technologique de l’agriculture (robotisation, drones,...), un usage massif de pesticides tel que le défend la FNSEA, le gouvernement et tout le complexe agro-industriel ?
    Face à cette désertification des campagnes, nous devons réfléchir collectivement à un autre monde agricole constitué de fermes agroécologiques plus diversifiées nécessitant moins de produits phytosanitaires et bien plus de travailleur.se.s agricoles. Nous pourrions sortir de cette logique d’exploitation salariale, de hiérarchie et développer des expériences collectives autogestionnaires (SCOP, asso,…) pour décider collectivement de modes de productions qui soient moins destructeurs des terres, des eaux, de la biodiversité, de nos corps,....

Salarié.e agricole, chomeur.se du monde agricole, si tu te reconnais dans cet appel, rejoins nous pour créer un SUD-AGRICULTURE en Ile-de-France, syndicat de lutte et de transformation sociale, pour un monde agroécologiste et autogestionnaire.

Contacte nous ici : pourunsudagriidf@proton.me

Notes

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