« VendrediEZ #14 : La Tricontinentale » le 23 novembre à Paris

Discussion avec Saïd Bouamama sur « La Tricontinentale - Les peuples du Tiers-Monde à l’assaut du ciel », , présentation par Rocé de la compilation « Par les damné.e.s de la terre. Des voix de luttes (1969-1989) », concerts avec Rocé, Sitou Koudadjé et Koffi Anani, Mix avec Madj. Entrée libre

Soirée "VendrediEZ #14" présentée par BBoyKonsian.com - Peoplekonsian et le Collectif Angles Morts à L’Alimentari (Paris 11e) le 23 novembre 2018.

Intervenants / Discussion :

* Saïd Bouamama : La Tricontinentale - Les peuples du Tiers-Monde à l’assaut du ciel

En janvier 1966, se tenait, à La Havane, la conférence de solidarité des peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine, plus connue sous le nom de « tricontinentale ». Près de 500 délégués y participent, représentant une centaine de délégations venues de 82 pays. Des observateurs de « plus de cinquante organisations anti-impérialistes nationales et internationales, de pays n’appartenant pas à ces trois continents » participent également à l’événement historique. Les damnés de la terre du 20e siècle faisaient ainsi de la capitale cubaine l’espace de tous les possibles émancipateurs, le lieu d’organisation des solidarités concrètes, l’endroit où anticiper collectivement un avenir sans colonialisme et sans impérialisme.

Pendant douze jours, des militants et dirigeants de centaines d’organisations échangent leurs analyses politiques, partagent leurs stratégies et leurs tactiques, élaborent ensemble les nécessaires convergences de leurs combats. Vécu par les participants comme un véritable congrès des peuples et nations dominés par l’impérialisme, l’événement prend une dimension historique incontestable, comme en témoignent les réactions qu’il suscite. Il est vrai que l’ambition est de taille. Mehdi Ben Barka, président du comité préparatoire, la résume de la façon suivante :

La conférence qui rassemblera les organisations révolutionnaires est un événement historique par sa composition, car y seront représentés les deux courants de la révolution mondiale : le courant surgi avec la révolution socialiste d’Octobre et celui de la révolution nationale libératrice.

Lire la présentation complète sur le site de l’auteur

* Présentation par Rocé de la compilation "Par les damné.e.s de la terre. Des voix de luttes (1969-1989)"

Compilation disponible à partir du 2 novembre 2018 :
https://horscadres.bandcamp.com/album/par-les-damn-e-s-de-la-terre

Je fais partie de cette génération qui a vu naître le rap français, et avec lui l’énorme engouement pour cette musique des enfants de la deuxième et troisième génération d’immigrés. J’ai voulu creuser au-delà du rap, fouiller les artistes de la langue française qui véhiculent la poésie de l’urgence, la poésie à fleur de peau, engagée malgré elle parce que le contexte ne lui donne pas le choix. La poésie des "damné.e.s de la terre". Dans l’ombre des chanteurs à texte médiatisés existent des femmes et des hommes devenus artistes juste le temps d’un disque.
Inutile de chercher dans ce recueil le morceau "exotique et funky", extrait du folklore destiné à la métropole. Rythmes et textes sont vêtus de leur propre "blues" dur et sincère. La langue française réunit des régions du monde qui portent des fardeaux communs. Géopolitique et sentiments se mêlent. Les paroles des anciens résonnent jusque dans les oreilles des enfants d’aujourd’hui, ceux des diasporas. Un bon nombre des artistes présent.e.s dans ce recueil n’a pas eu la chance de croiser son public à l’époque, je pense que le contexte actuel des migrations et des questionnements identitaires donnera une résonance toute particulière à ces textes et à ces musiques.

Deux historiens, Naïma Yahi et Amzat Boukari-Yabara, écrivent le livret du disque, ils décrivent les contextes de l’époque et des pays dont proviennent les morceaux.

Ce projet, musical et de patrimoine, répond à un besoin : (re)donner la voix aux nouvelles générations qui évoluent en France avec une absence d’identification, un oubli de l’histoire de leurs parents dans le paysage politique et culturel qu’elles traversent en grandissant. Il écrit une autre histoire de la musique en français. A la jonction des luttes de libération des pays d’origines, des luttes ouvrières, des exils, il cristallise une époque où les luttes bâtissaient des fraternités, des affirmations, de la dignité, des liens entre les peuples opprimés et des convergences que l’Histoire des livres scolaires ne dit pas. Il est important à mes yeux de transmettre ces moments de tous les possibles afin d’en imprégner la morosité dans laquelle grandissent les nouvelles générations.

Les enfants des diasporas et ceux des travailleur.euse.s ouvrier.ère.s ont besoin d’avoir des espaces de transmission de l’histoire de leurs parents. Ces parents qui ont sacrifié des années dans des luttes ou dans l’exil et qui ont choisi pour leurs enfants une intégration dans la discrétion et pointée vers un futur sans le poids d’une lourde mémoire. Le passé ne se transmet pas facilement lorsqu’il est emprunt de tabous et qu’on pense ses enfants libres, sauvés, car nés en France. Mais les combats de nos aînés, à la vue des luttes actuelles, sont précieux et utiles. Le présent se débrouille mieux lorsqu’il a de la mémoire.

Ce disque est donc un constat, un bout de mémoire qui montre que le champ des possibles était ouvert un court moment, avant d’être refermé, nous plongeant dans l’individualisme, le court terme, l’absence de projets de société. L’absence des ces histoires dans l’Histoire nous prive de l’espoir, des notions de fraternité, de résistance, de modes d’emplois d’autodéfense. L’époque actuelle nous impose ses fictions dystopiques, des histoires d’échecs et d’impasses.

Le sillon fossilisé dans le disque m’a permis de découvrir des artistes et intellectuels qui ont transmis des solutions multiples. On connaît trop peu le personnage de Frantz Fanon, ce Martiniquais qui a épousé la cause algérienne, on connaît trop peu le grand Franklin Boukaka, artiste congolais qui rend hommage dans une chanson à Mehdi Ben Barka, homme politique marocain. Il a existé un soutien entre étudiants guadeloupéens pour l’indépendance de la Guadeloupe et un militant corse du FLNC qui a décidé d’héberger sur son label leur musique.
Nous pouvons être tous d’accord, ça ne sert à rien s’il n’y a pas de projet commun. Je ne sais pas comment sera demain, ce que je sais c’est qu’avec la mémoire nous pouvons additionner la force et l’union des peuples d’hier aux diasporas et subalternes d’aujourd’hui. Nous placer au centre de l’histoire que l’on nous conte afin de rompre avec la logique impérialiste.

" Voir ce qui n’avait pas lieu d’être vu, faire entendre comme discours ce qui n’était entendu que comme un bruit. " Jacques Rancière

Rocé

Concert Rap :

* Rocé

* Sitou Koudadjé & Koffi Anani (Dangereux Dinosaures)
"Tu rappes à la mauvaise époque !"
C’est ce que Sitou Koudadje n’a de cesse de s’entendre dire. Ce qui s’apparente autant à un compliment qu’à une défaite annoncée montre aussi de quelle trempe est fait l’artiste parisien.

* Madj
Personnalité aux multiples facettes, véritable résistant culturel, Madj fut entre autres co-animateur de l’émission "Fusion Dissidente" sur Radio Beur (actuelle Beur FM), co-initiateur de la compilation fondatrice de la scène rap français "Rapattitude", partie prenante dans l’élaboration et la conduite du projet "11’30 Contre Les Lois Racistes" ainsi que dans l’organisation de plusieurs concerts de soutien alliant musique et contestation... Mais il restera surtout l’un des fondateurs et la figure de proue du label Assassin Productions, premier label indépendant du Hip Hop français.

Entrée libre
De 19H à 01H30

Alimentari
64, rue Jean-Pierre Timbaud
75011 Paris
Métro : Parmentier

Artwork : www.putsh.one

www.bboykonsian.com
Peoplekonsian
Collectif Angles Morts

Mots-clefs : livre | rap | concert
Localisation : Paris 11e

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