Les endoctrinements intégristes font des ravages. Un curé de 40 ans, ancien directeur de l’école privée traditionaliste Notre-Dame-de-la-Sablonnière à Goussonville (Yvelines), près de Mantes-la-Jolie, est accusé notamment de viols à plusieurs reprises sur 3 enseignantes. Les faits remonteraient à 2010, mais une plainte n’a été déposée par deux d’entre elles qu’en 2013. Placé en garde à vue mercredi, il a été mis en examen pour viols aggravés, tortures et actes de barbarie, et écroué.
Apparemment, il aurait prétexté des séances d’exorcisme sur ces femmes auxquelles il aurait fait croire qu’elles avaient subi des abus sexuels. A propos d’une des victimes, Le Parisien indique :
Le prêtre aurait usé de son influence spirituelle (…). Il lui a fait subir un exorcisme avant de mimer des actes sexuels pour tenter de soigner « le mal par le mal ». Cette femme est tellement traumatisée qu’elle n’a même pas pu verbaliser ces faits.
Sa hiérarchie au sein de la « Fraternité Saint-Pie-X », un groupe schismatique du Vatican fort de 150 000 à 600 000 membres selon les sources et de 600 prêtres, était, semble-t-il, largement au courant depuis longtemps. Après un « procès canonique interne », elle aurait discrètement placé l’abbé dans un monastère. C’est là que la police a fini par le retrouver après qu’une de ses victimes ait eu le courage de briser le silence qui le protégeait.
Si Le Parisien date les faits de l’automne 2010, il semble qu’ils soient antérieurs. Le 25 septembre 2010, devant une assemblée repue, l’abbé annonce ainsi son soudain départ en urgence.
A la fin du repas, un coup de théâtre vient couper l’appétit des joyeux convives : M. l’abbé R. annonce son départ pour Morgon en vue de se faire capucin... Tous sont estomaqués - le ventre plein - et doivent se séparer de leur prêtre qui part dans la foulée suivre une retraite chez les fils de saint François.
La Fraternité Saint Pie X lui aurait en effet proposé une petite retraite dans le Rhône, au milieu des vignes connues des amateurs de Beaujolais, où il aura ainsi pu se consacrer à la croisade contre les franc-maçons : les moines capucins de Villié-Morgon, affiliés à la Fraternité, ont effectivement la lourde responsabilité de… l’Association réparatrice Anti-Maçonnique, quand ils ne participent pas à des rassemblements pour combattre le démon.
On ne sait pas pour l’instant si la mise au vert chez les Capucins est la sanction habituellement prononcée par le petit tribunal interne de la communauté suite aux viols ou actes de barbarie dont elle a connaissance. La retraite précipitée faisait peut-être tout simplement suite à une pratique non-autorisée de l’exorcisme, strictement encadrée (par des textes et tout) chez les intégristes… N’importe qui ne pratique pas les rites de chasse au démon quand même. Si ce n’est pas le cas, les responsables de la Fraternité Saint Pie X qui auraient été dans le secret devraient logiquement être poursuivis pour non-dénonciation de crime, une peine passible de plusieurs années de prison.
En tout cas, les écrits de l’abbé, dans l’un des rares bulletins du groupe local encore en ligne dans la période où il était présent, en disent long sur sa conception de l’éducation et de l’Église :
L’Eglise, participante du divin magistère, est infaillible. Par ce privilège divin, elle est à l’abri de l’erreur. Elle est donc la maîtresse suprême et très sûre des hommes. Par là même, elle a reçu un droit inviolable au libre exercice de son magistère. C’est dire que l’Église est indépendante vis-à-vis de tout pouvoir terrestre, tant dans l’origine que dans l’exercice de sa mission éducatrice, tant dans ce qui concerne l’objet propre de cette mission, que dans le choix des moyens nécessaires ou convenables pour la remplir.
Un texte qui fait peur quand on songe aux nombreuses personnes placées sous la « direction de conscience » de l’auteur derrière les murs de l’école, et à la quarantaine d’enfants qui y sont scolarisés, certains en internat, d’autres issus de familles du village et simplement placés dans l’école pour sa proximité, comme en témoignent des habitants sur France 3.
D’après l’AFP, « On ne les voit pas, le portail est tout le temps fermé », explique Jocelyne Brunet, une adjointe au maire, rejoignant les propos de riverains qui évoquent une école vivant en « vase-clos ». Au lendemain de l’arrestation du curé intégriste, Le Parisien dénonce également l’« Omerta dans l’école de l’abbé mis en examen ».
Guidant ses ouailles depuis 17 ans, l’abbé a dirigé l’école plusieurs années : il avait été nommé directeur à Goussonville en août 2006, après avoir exercé à Marlieux, dans l’Ain, un autre gros fief scolaire de la Fraternité parmi la soixante d’établissements scolaires qu’elle gère en France. Celle-ci "éduque" une centaine d’enfants. Le Parisien note un autre fait inquiétant pour un directeur d’école :
Lorsqu’il a été interrogé pour savoir si lui-même avait été victime d’abus sexuels, il a répondu : « Je ne sais pas. »
Rien ne filtrera pendant des années sur les raisons de son départ des Yvelines, et les traces de son passage au sein de l’école sont particulièrement rares sur les multiples sites et forums de la Fraternité. On retrouve juste sa mention sur une page sauvegardée en 2008 par le site archive.org.
À Goussonville, l’abbé relevait du prieuré de Saint Jean à Mantes-la-Jolie, très actif dans le coin, avec 4 lieux de culte différents en plus de son école privée :
- la chapelle Saint-Jean l’Evangéliste de Mantes-la-Jolie (78),
- la chapelle Sainte-Honorine de Conflans (78),
- l’église paroissiale Sainte-Foy de Jouy-Monvoisin (78),
- la chapelle Saint-Mathias de Pontoise (95).
Du côté de Paris, l’organisation réactionnaire occupe depuis des années l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, dans le Ve arrondissement. Elle sert de bastion à ses agissements, notamment homophobes comme on a pu le voir pendant les actions contre le Mariage pour tous. Le prieur de l’église parisienne, l’abbé Xavier Beauvais, est ainsi chargé de la formation et de la doctrine de l’organisation Civitas, très proche de la Fraternité, et qui s’est largement illustrée ces dernières années. Plus récemment, elle participait – avec Egalité et Réconciliation, l’organisation de Soral et Dieudonné – aux "Journées de retrait de l’école" [1]. Et le principal dirigeant de ce groupe d’extrême droite, son aumônier national, n’est autre qu’un curé de la Fraternité, l’Abbé Tranchet.
À noter que pour lutter contre la pédophilie, l’autre scandale dans lequel ont été impliqués des prêtres, la Fraternité proposait une soit-disant solution, liant dans sa pensée tordue homosexualité et pédophilie : interdire le sacerdoce aux gays. Pour éviter les viols et actes de barbarie dans ses écoles, il serait logique qu’elle refuse également le recrutement de prêtres hétérosexuels.
En attendant, on espère pour les malheureux compagnons de cellule du curé qu’il n’essaiera pas de les exorciser.