Un point de désaccord

Nous sommes plusieurs militant.es antifascistes horrifié.es comme beaucoup à l’idée d’une installation décomplexée au niveau de l’État de l’idéologie xénophobe, sexiste et anti-sociale portée par le RN. Nous sommes à ce titre depuis longtemps les compagnes de route des militantes décoloniales. Mais il est un point de désaccord sur lequel nous ne transigeons pas et qui nous oppose à la théorie indigéniste portée par Houria Bouteldja : celle du destin assigné au mot « juif » et au traitement normatif qui est fait à cette question.

Un point de désaccord.

Nous sommes plusieurs militant.es antifascistes horrifié.es comme beaucoup à l’idée d’une installation décomplexée au niveau de l’État de l’idéologie xénophobe, sexiste et anti-sociale portée par le RN. Nous sommes à ce titre depuis longtemps les compagnes de route des militantes décoloniales. Mais il est un point de désaccord sur lequel nous ne transigeons pas et qui nous oppose à la théorie indigéniste portée par Houria Bouteldja : celle du destin assigné au mot « juif » et au traitement normatif qui est fait à cette question.

Si nous prenons la liberté de rédiger ce court article c’est en raison d’une inquiétude liée aux conséquences directes de certaines de ses prises de position dans les médias où la question « juive » est problématisée d’une façon selon nous contestable.

Provocation ?

Jusqu’ici la provocation a toujours permis à Houria de se soustraire aux imputations d’antisémitisme et de virilisme homophobe. Elle « provoque politiquement » dit-on, et elle doit être lue à cet égard avec « nuance ». Mais selon nous la provocation ne saurait être comprise seulement sous l’angle du choix rhétorique. Il y a derrière toute provocation une part de volonté subjective d’assoir la vérité. Quelle vérité ? La vérité politique précisément, jusque dans ses conséquences pratiques. Rappelons que les actes antisémites sont en hausse en France depuis le 7 octobre. Beaucoup disent que la cause est à chercher dans la politique génocidaire de Netanyaou, comme s’il fallait faire payer la population juive pour toutes les atrocités commises par ce gouvernement.

Ce rapprochement a pris la forme d’une justification insupportable dont sont comptables pour nous certaines prise de position, qu’elles soient directes ou indirectes.

Nous tenons à ce titre les propos d’Houria et du mouvement indigéniste pour ambigus et irresponsables.
Ces propos ne datent pas d’hier. La provocation est un style argumentatif qui permet à Houria de brasser tout autant la politique que l’ontologie : il y a « l’être juif », l’être barbare et l’être blanc. Il lui suffit d’historiciser, fut-ce partiellement, pour diagnostiquer et distribuer les fautes. Qui sont les coupables ? Les sionistes de gauche bien sûr, mais aussi les féministes aliénées à la bourgeoisie blanche. Tout part du sionisme et tout y revient. De sorte que nous percevons derrière la provocation dite « indigéniste » une pensée totalisatrice, un désir inquiétant et présomptueux de convaincre le plus grand nombre de militants. Une volonté d’énoncer le Vrai, d’asséner de façon obsessive ce qu’est le « bon juif » et ce qu’est le traitre, c’est-à-dire celui qui ne condamne pas Israël avec assez de vigueur.
Cette mise en demeure confine selon nous, au discours inquisitorial et au choix paranoïaque (qui n’est pas avec nous est contre nous ; il y a toujours des traîtres). Un accent stalinien surnage dans cette quête messianique qui promeut « l’amour révolutionnaire » au prix de dissoudre la liberté d’engagement elle-même

De là cette pente à toujours contraindre la pensée à « s’émanciper », à se révéler de force. Un lavage de cerveau fut-il décolonial, reste un lavage de cerveau. C’est-à-dire un processus autoritaire essentialisant.

Marquons ici une pause. Afin de ne pas nourrir le feu dialectique d’Houria Bouteldja sur la question coloniale. Nous préciserons trois choses : pour nous aussi ce qui se passe en Palestine depuis 75 ans est une occupation meurtrière, pour nous aussi Netanyaou est un gangster fasciste et pour nous aussi ce que vivent actuellement les civil.es palestiniens est un cauchemar. Il n’y a pas en nous de déni politique concernant la réalité des peuples colonisés. Simplement nous ne subsumons pas la population juive (qu’elle soit ou non israélienne) sous le signifiant « État impérialiste » et nous ne déclarons pas comme le fait Houria que « l’on ne peut pas être israélien innocemment ». Cette profération nous semble intenable et dangereuse. Houria Bouteldja se pose en guide suprême de la vérité (et de l’action) allant jusqu’à enjoindre les juifs à se réfugier dans les rangs décoloniaux pour se sentir plus en sécurité. Mais Houria peut-elle accepter l’idée que l’immense majorité des juives et juifs n’iront pas défiler sous la bannière indigéniste sans pour autant acquiescer à la politique génocidaire de Netanyaou ? peut-elle concevoir que l’on ne suive pas son « programme » sans pour autant se faire complice d’une blanchité impériale ? Nous considérons qu’Houria Bouteldja s’inscrit dans un processus racialiste autoritaire tendanciellement antisémite et cela malgré son étonnante capacité à faire jouer la sémantique dans la direction qui l’arrange selon les situations. Tantôt « race » désigne pour elle une réalité sociale et politique (et donc elle ne saurait être coupable de biologisation du politique) et tantôt « race » désigne directement, explicitement « l’indigène ». Cette plasticité argumentative si elle lui est utile pour désamorcer les imputations de racialisme, est aussi fâcheusement imprécise lorsqu’il s’agit de se faire comprendre. De sorte qu’Houria peut toujours se justifier. Est-elle dans l’analyse marxiste du champ social ou bien dans le théologico-politique ? Répondre « les deux » ne mène pas loin. Houria se plait à se rendre insaisissable sans crainte aucune de prêter le flanc aux discours antisémites de Kemi Seba et d’Alain Soral. À force de « jouer » avec le lexique de la race (et du religieux) elle installe une réalité discursive où s’égare sa pensée militante. S’il fallait être provocateur et réductionniste à notre tour (ce qui est dangereux) nous pourrions souligner que ceux qui se sont opposés le plus catégoriquement à la blanchité aux États-Unis furent les membres de la Nation of Islam (NOI). Eux aussi furent les promoteurs d’un séparatisme fortement « indigène ». Mais celui-ci n’a pu se concevoir et s’effectuer qu’au prix d’un discours totalement paranoïaque dont Malcom X fit les frais mortellement. Séparatisme nourri d’antisémitisme délirant. De Elisha Muhammad à Louis Farrakhan tous ont entretenu le mythe d’un peuple juif « suceur de sang » du peuple noir. Et c’est ainsi que George Lincoln Rockwell (1918 – 1967) chef du parti nazi américain rencontra la NOI le 25 juin 1961 à Washington pour une courtoise discussion [1]. Il semble qu’un terrain « d’entente et de respect mutuel » se soit constitué entre nazis et séparatistes « indigènes ». Est-ce là encore la faute à la puissance sioniste ? Rien n’est moins sûr. Rockwell et la Nation of Islam avaient juste en partage la haine psychotique du « juif ». Aujourd’hui nul doute que le vocable sioniste serait plus approprié par commodité de langage. Nous ne ferons à personne l’injure de confondre la NOI et le PIR mais nous indiquons les risques de dérives idéologiques dans tout discours, finalement irresponsable, qui manipule le lexique de la race et celui de la religion sans y prendre garde. À ce jeu on ne peut s’étonner que de tels amalgames se reproduisent un jour sous nos latitudes. La sémantique aussi c’est de la dynamite et Houria Bouteldja devrait le savoir.

Judaisme vs sionisme

Les théoriciens de la pensée indigéniste, dont Houria elle-même, ont parfois cru bon de distinguer et d’opposer judaïsme et sionisme. Le sionisme étant conçu comme un déchet de l’identité juive complice de l’impérialisme blanc et finalement pointe ardente de toute forme d’oppression. Pourquoi tant qu’on y est ne pas traiter aussi de « sionistes » les premiers conquistadors espagnols ? mais aussi les moines-soldats Templiers installés en Palestine au 12e siècle et pourquoi pas les armées romaines de Pompée ? C’est que sioniste est devenu un signifiant-valise, un vocable fâcheusement élastique. Afin de se soustraire à l’accusation d’antisémitisme la pensée indigéniste résorbe l’identité juive dans le judaïsme. Nous pourrions demander raison à cette pensée d’utiliser un vocable qui lui est extérieur. Figer l’identité dans le religieux en l’isolant de l’histoire nous paraît absurde. On se retrouve assez vite acculé au chantage indirect : Contente-toi de ta foi et tout ira bien. À croire que le judaïsme serait exempt de volonté conquérante. Le Messie seul ayant autorité pour conduire le peuple en terre sainte. Malheureusement pour les tenants d’une judeité sous condition, cette lecture n’est qu’une interprétation du judaïsme parmi une infinité d’autres. L’herméneutique est une activité dissensuelle. Dans le judaïsme c’est la tradition orale, vivante, qui prévaut, c’est le conflit vivant entre paroles vivantes. Ainsi le Rav Kook (1865 - 1935) incarne un judaïsme particulièrement soucieux de relier la présence en Israël et la pratique de la foi. L’argument d’un judaïsme faisant coupure avec le sionisme trouve ici sa limite. Il se trouve que l’argument religieux inséré dans la politique est « pour nous » catastrophique ! restaurer le religieux en matière politique n’est pas un progrès mais une régression épistémique et sans doute Houria le sait. Pourquoi la théorie indigéniste se réfère-t-elle alors au judaisme ? Peut-être parce que d’une théologie à l’autre, d’une fable l’autre, elle ne court aucun risque. Mais encore une fois, quelle curieuse définition de l’identité que celle qui réduit le collectif au religieux. Houria évacue tout un pan de l’identité juive dont les racines sont liées aussi à l’errance, c’est-à-dire aux persécutions subies et inévitablement à la question brûlante du sol refuge, avec toutes les violences que cela charrie et dont nous tenons compte. Une chose demeure : cette « autre » définition de l’identité, non plus religieuse mais culturelle et historique, s’applique particulièrement au peuple palestinien depuis la Nakba, comme elle s’applique aux intouchables dans le système des castes, aux ouïgours, aux arméniens, aux berbères, aux tziganes, aux amérindiens, aux tribus amazoniennes, aux peuples d’Afrique et elle s’applique aussi aux juifs dont les persécutions et les massacres existaient bien avant 1948.

Si donc on ne peut définir l’identité juive par le religieux uniquement, comment le faire ? On imagine la parade indigéniste : il ne reste aux juifs qu’à retrouver la filiation lointaine qui les relient aux peuples indigènes, ceux qu’ils ont trahis en se faisant serfs de la blanchité hégémonique. Cela implique une forme de ritualisation comportementale : les juifs devront se « positionner » sans cesse vis-à-vis d’Israël au risque sinon de servir de caution à l’innommable.

Cette terrifiante culpabilisation pour folle et fasciste qu’elle soit a fini par ne plus choquer personne, y compris chez nos camarades de lutte.

La désolidarisation ou rien

Les seuls « juifs » supportables sont donc ceux qui ont le « courage » de se désolidariser du manteau « sioniste ». Cette injonction ne démontre à nouveau qu’une chose : Houria Bouteldja est une autoritaire assumée en pleine mission civilisatrice. Elle apporte la bonne Nouvelle. Mais exige-t-elle la même catégorique désolidarisation lorsqu’il s’agit de régimes théocratiques musulmans ? Non certes. Les juifs semble-t-il exemplifient plus que les autres (c’est-à-dire prioritairement) le sentiment de la faute qui est compromission avec la forme impériale blanche. La vérité aveuglante, suprême, la voici énoncée : l’identité juive respectable est antisioniste ou elle n’est pas. Ou bien elle se « convertit » à l’antisionisme ou bien elle se condamne, se trahit, se dégrade (« Ils » auront été prévenus !). Les « juifs » sont placés devant l’alternative suivante : soit s’exposer aux foudres de la pensée décoloniale en ne choisissant pas son camp (ce qui est une autre façon de choisir le camp de l’ennemi sioniste) ou bien rejoindre les rangs de l’héroïque lutte antisioniste et ainsi acquérir le droit d’exister en tant que citoyens juifs apatrides. Les juifs n’ont pas le droit de ne pas choisir entre antisionisme radical et fidélité culturelle, voire affective et confuse à Israël (cette fidélité fut-elle conflictuelle, archaïque et dictée par la peur de l’antisémitisme). Mais quelle terrifiante manière de dicter ce qu’il faut penser et comment il faut penser ! Depuis quel magistère Houria s’autorise-t-elle à conclure, à diagnostiquer et à pronostiquer ? Houria s’amuse à ne pas comprendre. Nous pourrions lui dire que beaucoup de juifs (disons quelques centaines de milliers) ont « peur » pour eux et pour leurs proches et que cette peur conditionne, sinon explique, une part de leur attachement confus à la forme État. Certes, il est toujours possible de s’exclamer que « la peur est réactionnaire », mais cette formule lointaine serait plus une posture qu’un argument rationnel. Faut-il exécuter tous les juifs qui n’ont pas renoncé au mirage du sionisme ? Cette question met mal à l’aise précisément parce qu’elle est insoutenable et qu’elle reconduit au préjugé d’essence. Redisons-le : Houria Bouteldja exige beaucoup des autres. Sa mission est plus civilisatrice qu’elle ne le pense. Et quant à sa culpabilité avouée « d’indigène vivant en France » elle n’est qu’une démonstration d’agilité rhétorique lui permettant d’attaquer toujours plus. De sorte qu’elle n’avoue rien, elle juge. Que dirait-elle si une féministe décoloniale berbère s’avisait d’exiger du peuple algérien musulman le même travail de conscience à l’égard du peuple de Kabylie dont la langue, le tamazight, fut minorisée ? Cette culture dont les traditions animistes furent progressivement balayées et dont les rites ont été étouffés par le monothéisme. Car les luttes ont bien été réprimées par les armes. Souvenons-nous ici de Matoub Lounès, assassiné le 25 juin 1998 après une vie de combat. Posons la question : le fait que certains chefs de guerre turcs et arabes furent longtemps des conquérants, cela fait-il d’eux des « sionistes » ? Les arabes d’Algérie auraient-ils leurs palestiniens en la personne du peuple Kabyle ? Quel rapport entre la berbérité des origines et l’Islam ? Que dirait Houria ? Sans doute dirait-elle qu’on ne peut pas comparer et surtout qu’il est indigne d’exiger cela du peuple arabe si exemplairement victime du colonialisme blanc et que jamais la kabylie ne fut bombardée et ensanglantée comme l’est le peuple gazaoui. C’est exact et nous ne verserons pas plus loin dans les comparaisons indécentes dont Houria est pourtant coutumière. Notons que cela n’efface pas cette réalité irréductible de la colonisation culturelle. La culture kabyle a bien été écrasée comme tend à l’être toute culture soumise aux forces armées : un occupant et un occupé, une culture opprimée, une langue minoritaire.

C’est donc bien l’amalgame qui est funeste pour la pensée et l’action. Ainsi ramener éternellement la figure du Mal absolu à « l’entité sioniste » reconduit au théologique et à ses bûchers. La figure du Mal emprunte toujours au religieux ses déterminants. Le Mal est une catégorie pré-politique. Cette figure du mal a évolué au cours des siècles (hérétiques, lépreux, sorcières, dégénérés, zeks …). Combien de discours délirants prospèrent aujourd’hui dans la rue et sur les ondes à propos des « sociétés secrètes » et des « illuminatis ». Qui sont-ils ces illuminatis ? Des juifs sionistes à n’en point douter ! Ce mythe de la société secrète a la vie dure dans les consciences. Ce mythe organise peut-être une défense contre une angoisse disséquante primitive, en tout cas il fonctionne. Et dans notre contexte social il conviendrait de ne pas jeter de l’huile sur le feu en égalisant toutes les luttes autour d’un ennemi intérieur fantasmé. Sur ce dernier point un mince trait fictionnel sépare Houria Bouteldja de Dieudonné et Soral dans l’analyse historique. Houria plus honnête, ne dit pas que les chambres à gaz n’ont pas existé. Nous la remercions. Mais là n’est pas le problème. Houria généralise son propos et étend à un niveau quasi atmosphérique la question sioniste, générant dans les banlieues de très profonds amalgames qui divisent encore un peu plus les communautés juives et arabes. On nous objectera qu’elle le fait souvent avec poésie et grand style. Admettons. Mais ce style lui sert aussi à masquer les pires équivoques, avec justement l’immunité que lui confère l’élégance poétique, élégance à certains moments douteuse.

Nous disons qu’il n’est pas possible de parler « des blancs » ou des « juifs » ou des « barbares » en soi. Il y a des singularités et rien d’autre. L’essentialisation fut-elle stratégique est toujours meurtrière à long terme et ne débouche « au mieux » que sur une métaphysique de la violence. Faire du juif une sorte de harki de la blanchité, ou encore un « chouchou » de la République est un non-sens historique et une injure faite aux victimes de la Rafle du Vel d’Hiv’ :

« S’il n’y a pas cette réciprocité dans la reconnaissance des mémoires, ça ne sera pas possible. Puisque ça fait des juifs les chouchous de la République, ça crée des concurrences entre les communautés, ça fait des juifs des cibles des autres communautés, et c’est ce qui explique précisément pourquoi des Mohamed Merah ciblent des juifs.  » (Houria Bouteldja, Lieu Dit, jeudi 17 mars 2016.)

Chouchous de la République, vraiment ? Les treize mille civil.es juifs femmes, hommes et enfants raflé.es et détenu.es avant d’être envoyées dans des camps d’extermination entre le 16 et le 17 juillet 1942, étaient-ils autre chose pour les fonctionnaires zélés de l’État que de la vermine à éliminer ?

Cette provocation est allée trop loin. Houria ne sera jamais une camarade. Jouer avec les mots sur le dos de victimes civiles est un procédé digne de Cnews. Elle exige pour les autres avec l’autorité du missionnaire sûr de son droit et de ses prérogatives. Elle sait aussi s’inclure dans une sorte de martyrologie personnelle (ma « souffrance est infinie ») d’apparence critique (« je suis blanchie ») mais cette posture lui permet surtout de se soustraire à la critique externe. Houria parle au nom des « siens ». Nous pourrions lui rétorquer que l’on ne parle jamais qu’au nom de soi et que parler au nom des siens est déjà un trait d’autorité. Il faut redire à Houria que les « gens », qu’il s’agisse des juifs ou des barbares, les gens font ce qu’ils peuvent ! Ils font ce qu’ils peuvent en fonction de l’angoisse qui les traverse. « Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas arbitrairement, dans les conditions choisies par eux, mais dans des conditions directement données et héritées du passé » écrit Marx en 1851. Cela vaut pour les barbares et aussi pour les juifs soumis aux pressions de l’histoire. Qu’importe ! tant qu’existera le juif sioniste comme fantasme organisateur de toute lutte, Houria pourra convaincre toujours plus. Peut-être se veut elle « pure » dans la lutte. Souhaitons que ce ne soit pas le cas. Il y a beaucoup d’orgueil dans cette volonté de pureté politique, beaucoup de dirigisme militaire dans cet idéal. On retrouve chez Mao Tsé-Toung une ligne assez semblable : « Si nos écrivains et artistes venus des milieux intellectuels veulent que leurs œuvres soient bien accueillies par les masses, il faut que leurs pensées et leurs sentiments changent, il faut qu’ils se rééduquent. Sans ce changement, sans cette rééducation, ils n’arriveront à rien de bon et ne seront jamais bien à leur place. »

À force de certitude, à force de provocations et d’équivoque, Houria Bouteldja se retrouve finalement dans la position rhétorique qu’elle dénoncerait sans doute aujourd’hui : celle du colon blanc parlant avec une morgue aristocratique de « l’émancipation des peuples » et toujours en se payant de mots.

trois soeurs

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