Sur le film documentaire « Un Peuple »

Pourquoi ce film documentaire est à voir.

Pour information : cet article n’a pas vocation à promouvoir le visionnage de ce film exclusivement dans des salles de cinéma. Nous espérons évidemment que ce film puisse être proposé dans des séances à prix libre dans des lieux militants.

En octobre 2018, le gouvernement Macron décrète l’augmentation d’une taxe sur le prix du carburant. Cette mesure soulève une vague de protestations dans toute la France. Des citoyens se mobilisent dans tout le pays : c’est le début du mouvement des Gilets jaunes. À Chartres, un groupe d’hommes et de femmes se rassemble quotidiennement. Parmi eux, Agnès, Benoît, Nathalie et Allan s’engagent à corps perdu dans la lutte collective. Comme tout un peuple, ils découvrent qu’ils ont une voix à faire entendre.

Un film de Emmanuel Gras

Comme l’indique le synopsis, ce film documentaire offre une rétrospective du mouvement des Gilets Jaunes depuis la ville de Chartres.

La force principale de ce film est donc de nous plonger véritablement dans l’intérieur du mouvement de cette ville « moyenne » d’Eure-et-Loire, de près de 40 000 habitants.

Le réalisateur suit ainsi la trajectoire du mouvement de façon chronologique à partir de décembre 2018 (dommage que l’édification du mouvement en novembre, avec les grosses journées du 17 et 24 novembre passent à la trappe) jusqu’au printemps 2019.

La force de ce film réside dans l’authenticité des images mais aussi les réflexions portées par les témoignages. Cette immersion intime mais aussi pudique apporte sensibilité et réelle émotion.

Si la naïveté de certains Gilets Jaunes agace (comment ne pas être pantois lorsqu’une « coordinatrice » GJ téléphone à la gendarmerie, en amont d’une manifestation, pour demander de l’aide pour la mise en place de « street medics » ?), elle montre également toutes les interrogations des actrices et acteurs de ce mouvement et l’évolution des discours et pratiques. C’est ici surtout l’apprentissage de mobilisations politiques qui est filmée avec subtilité et « humanité » par le réalisateur.

Les revendications portées par les participant.e.s filmé.e.s restent relativement floues voire peu ambitieuses (TVA à 0% sur les produits de « première nécessité » ou encore la mise en place du référendum d’initiative citoyenne – RIC) mais ce qui lie vraiment toutes ces personnes c’est la difficulté de boucler la fin du mois, la galère quotidienne pour manger, se soigner, aider ses proches...
La singularité de ce mouvement c’est que finalement il ne revendique rien de très précis. Sa force réside essentiellement dans l’immersion collective (balbutiante parfois) de gens sur l’espace public (les rond-points mais aussi les Champs Élysées à Paris notamment) avec cette volonté de donner un gros coup dans la fourmillière en visant politiciens et puissants (le film montre plusieurs images d’opérations péage gratuit contre Vinci).

Le réalisateur aurait pu mettre davantage en lumière les divergences d’opinions politiques entre les participant.e.s car on perçoit seulement en filigrane la radicalité plus forte de certain.e.s dans le choix des mots.
Néanmoins, le documentaire interroge l’essentiel des aspects partagés au sein du mouvement des GJ : l’horizontalité, le partage des tâches, la fatigue physique et nerveuse, la place (trop) forte des réseaux sociaux, le rapport à la violence, la répression et l’auto-défense collective.

Il met aussi en lumière les traumatismes psychologiques subis des violences policières (encore bien souvent trop sous-estimés dans le milieu militant).
La solidarité entre les Gilets Jaunes prend toute sa dimension dans les images du film.

Des lecteurs de PLI

Note

En espérant des projections collectives (à prix libre ?), le film est (trop) peu diffusé dans des salles de cinéma de la région parisienne.
Plus d’informations sur : https://un-peuple.lefilm.co/

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