Soutien aux cheminots chibanis victimes de discriminations

Procès de 916 travailleurs marocains contre la SNCF les 23, 24, 26 et 27 mars au conseil des prud’hommes de Paris, au terme de six ans de procédure pour discrimination. Rassemblement le 23 mars à 13 h devant les Prud’hommes.

Les 916 chibanis de la SNCF passeront devant le Conseil de prud’hommes de Paris (CPH) les 23, 24, 26 et 27 mars 2015, afin de se présenter devant le juge départiteur, un juge professionnel [1] et les conseillers prud’hommaux qui trancheront le litige concernant les discriminations qu’ils ont subi durant toute leurs carrière.

Étant donné que les 18 jugements rendus précédemment ont été similaires, les juges civils du CPH se sont déclarés incompétents pour juger de l’égalité entre tous les travailleurs. La justice passera 4 jours à juger le traitement discriminatoire de la SNCF envers ces 916 chibanis. Divisés en 18 groupes, les 916 chibanis, passent depuis 2009 par groupe d’une cinquantaine de personnes devant le CPH, avec un nombre impressionnant de renvois, six ans de procédures.

Une retraite trois fois moindre que leurs collègues français

Bien que chaque personne ait un parcours différent, tous ont été discriminés. Ces cheminots ont essentiellement été recrutés au Maroc. Leur contrat stipulait pourtant « Le travailleur doit recevoir, à travail égal, une rémunération égale à celle de l’ouvrier français de même catégorie employé dans l’établissement... L’égalité s’étend également aux indemnités s’ajoutant au salaire. »

Les chibanis cheminots ne peuvent évoluer que sur trois qualifications, contre sept qualifications pour les cheminots français. Il leur a été refusé l’accès aux examens parce qu’étrangers, et même ceux qui occupaient la fonction de maitrise se sont vu refuser la qualification qui va avec, parce que non-français.

La discrimination a également portée sur la protection sociale, inférieure à celle de leurs collègues français : les chibanis doivent travailler en moyenne sept ans de plus que leurs collègues français, pour une retraite trois fois moindre, ils n’ont pas accès à la médecine de la SNCF. Les pensions de reversion aux veuves sont misérables, en moyenne 300 euros, les veuves des autres cheminots n’ont pas à subir cette ingratitude.

La France peut se vanter d’avoir les meilleures infrastructures ferroviaires d’Europe. La pause et l’entretien des voies ferrées et la manœuvre dans les centres de triage des locomotives, ces deux métiers qui ont en commun la pénibilité physique et le travail en extérieur par tous les temps ont été assumé par les chibanis. En résulte leur santé particulièrement dégradée. Les postes tenus par ces « indigènes du rail » n’étaient guère attrayants pour les cheminots français, parce que très durs et peu payé.

La SNCF veut faire trainer les choses en justice

À ce jour, beaucoup de ces papis occupent les mêmes postes qu’à leur arrivée, il y a environ trente cinq ans maintenant. Ces cheminots ne sont pas des « contractuels » comme les autres, un statut défavorable a été créé, sur mesure, pour eux. L’argument premier de la SNCF est qu’« il n’y avait pas de lois interdisant ces pratiques discriminatoires à l’époque, puisque la première législation contre la discrimination date de 2001. »

L’égalité de traitement est pourtant inscrite dans la constitution de 1958 mais aussi dans la convention n°111 de l’Organisation internationale du travail, ratifiée par la France en 1958. La Convention européenne des droits de l‘Homme, à laquelle la France adhère, est piétinée. La SNCF ne respecte pas le principe d’égalité de traitement entre des salariés placés dans une situation identique. L’article 64 de l’accord euro-méditerranéen du 27 février 1976, modifié le 26 février 1996, stipule que «  chaque État membre de l’Europe accorde aux travailleurs de nationalité marocaine sur son territoire un régime caractérisé par l’absence de toute discrimination fondée sur la nationalité, par rapport à ses propres ressortissants, en ce qui concerne les conditions de travail, de rémunération et de licenciement ». Ce combat pour l’égalité est identique à celui des anciens combattants issus des colonies, ou celui des mineurs du Nord.

La SNCF, en voulant faire trainer les choses en justice, promet encore aux chibanis cheminots de longues années de procédure judiciaire, comme les autres chibanis... À ce jour, des dizaines de ces chibanis sont morts, beaucoup au travail, et les autres, encore vivants, ont en moyenne 62 ans. Au final, comme les anciens combattants issus des colonies qui ont vu l’alignement de leurs pensions sur celle des militaires français, ce combat sera gagné, mais dans combien de temps ? L’entreprise d’État qu’est la SNCF, se verrait grandie de reconnaitre les droits de ces 916 pères de famille, dont les enfants sont Français, qui voient les droits de leurs papas bafoués. Les autres entreprises publiques (la Poste, EDF-GDF, la RATP, Air France etc.), ont depuis longtemps retiré la clause de nationalité discriminatoire, et ont reconnu l’égalité au travail des salariés extra-européens.

Venez nombreux soutenir les chibanis de la SNCF, vous comblerez l’absence des syndicats qui regardent ailleurs, alors que les travailleurs qui ont le plus d’ancienneté dans l’entreprise se battent seuls, pour leurs droits. Une société qui ne respecte pas ses anciens n’a pas d’avenir.

SOUTENONS les chibanis de la SNCF
les 23, 24 et 26,27 mars 2015

Association Droit à la différence

Les chibanis passeront au conseil de prud’hommes de Paris les 23, 24, 26 et 27 mars. Chaque jour, il y aura quatre audiences, à 8 h 45, 10 h, 13 h et 15 h 30.
Au 27, rue Louis Blanc
Paris Xe / M° Louis Blanc (l. 7).

Notes

[1Issu du tribunal d’instance, le juge départiteur siège avec les 2 conseillers prudhommaux des salariés et les 2 des patrons quand il y a eu égalité des voies lors d’une précédente audience. Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Proc%C3%A8s_prud%27homal_en_France.

Mots-clefs : droit du travail | migrants
Localisation : Paris 10e

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