Maisons d’arrêt, centres pénitentiaires, établissements pour mineurs, CRA… dans toutes les sortes de taules imaginées par l’État, se trouve Gepsa (acronyme de Gestion des Établissements Pénitentiaires Services Auxiliaires) [1]. Elle sera donc sûrement impliquée dans le projet du nouveau CRA, au Mesnil-Amelot, à deux pas des pistes de l’aéroport de Roissy au nord de Paris.
Cette action s’inscrit dans la lutte contre l’enfermement, et pour la liberté de circulation de toustes.
Sur place, nous avons déployé une banderole, bloquant l’accès aux portiques que passent les salarié.es. On y avait écrit : « Sabotons la machine à enfermer – Gepsa fait son business dans les CRA et les taules – A bas les CRA, à bas les taules »
On a lancé des slogans et des confettis, on a diffé le tract préparé pour l’occasion, les murs ont pris quelques coups de craie. Le tout en musique.
Les réactions étaient mitigées, certain.es ont tenté de passer par la force ou de contourner notre barrage. Ils étaient « pris en otage », « voulaient aller travailler » pour leur boite collabo. Ça négociait « il n’y a pas que Gepsa ici ! » ce a quoi on a répondu en slogans : « Gepsa, collabo ! Engie, collabo ! ADP, collabo ! SNCF, collabo ! Vinci, collabo ! »
On a quand même pu avoir des échanges cool avec certain.es, et des représentant.es syndicaux de Engie (Gepsa appartient au groupe énergétique dont l’État est actionnaire). Iels ont arrêté une réunion avec la direction et sont venu.es nous apporter leur soutien.
Comme on s’y attendait, les flics ont rapidement été appelés, et après une bonne heure de présence sur place on a décidé de bouger. En partant, on a laissé un petit cadeau, en déversant des sacs de légumes pourris dans le hall d’entrée (sûrement pas si différent de la bouffe qu’on sert aux personnes retenues en CRA).
On a commencé à se diriger collectivement vers le RER, 4 flics étaient déjà à nos trousses. On a pressé le pas mais ils nous ont rapidement rattrapé.es. On s’est regroupé et on a continué d’avancer, en se tenant les un.es les autres pour avancer soudé.es. Ils ont sorti les gazeuses à mains et ont gazé certain.es à bout portant. On s’en est pris plein la gueule, eux aussi ! Une copine a commencé à se sentir mal, étouffée par le gaz et le stress, elle ne tenait plus debout, avait du mal à respirer. On s’est arrêté, on s’est rincé les yeux les un.es les autres, on a repris du souffle ensemble.
Après négociation, les flics ont accepté de laisser partir la copine en question, avec une accompagnatrice, à condition que celle-ci déclare une identité. On a fait ça, et les deux copines ont pu aller se poser plus loin où les pompiers sont ensuite arrivés. Le reste du groupe a commencé à se préparer à l’idée d’être toustes embarqué.es, alors que plusieurs voitures de flics étaient arrivées en renfort. On a retenté un mouvement pour s’extirper des flics, mais on a vite été stoppé.es.
Après quelques minutes, un OPJ est arrivé. Il nous a demandé si notre manifestation « sur la voie publique » était déclarée. Pas de réponse. Il enchaîne : « alors maintenant y a deux solutions, soit je vous interpelle, soit vous partez ! ». On se regarde, on s’y attendait pas. On part direction le RER.
Certain.es hésitent en regardant les deux copines, à une centaine de mètres de nous. On leur fait signe qu’on y va, mais on ose pas retourner dans leur direction parce que c’est aussi celle des flics, qui nous raccompagnent de loin, puis nous suivent en voiture. Du coup on avance et on prévoit de les attendre plus loin. Après quelques minutes au RER, toujours personne. On s’arrange pour les informer qu’on se retrouve pour un débrief au point de rendez-vous initial. Elles n’y sont pas. Alors qu’on commence à discuter, on apprend qu’elles viennent d’être misent en GAV. On est furieux.ses. À croire qu’on avait encore oublié qu’un flic n’a pas de parole. On se refait le scénario en boucle, on aurait jamais dû les laisser derrière. On s’en veut de ne pas avoir dit à l’OPJ qu’on partait, oui, mais avec les copines. On s’est bien fait.es avoir.
Du côté des deux personnes arrêtées :
Du coup on a réussi à sortir et à se poser plus loin, sans tout de suite décaler des lieux, à la fois car l’une de nous avait besoin de s’asseoir et qu’on voulait garder un œil sur les autres, convaincues qu’iels allaient se faire embarquer. Un peu plus tard, les keufs viennent nous voir en nous disant que les pompiers arrivent pour examiner celle qui se sentait mal, et nous mettent grave la pression pour qu’on reste le temps qu’ils arrivent.
Grosse erreur de notre part, clairement on aurait du filer le plus vite possible… car après l’examen de l’une d’entre nous, les keufs nous demandent de les suivre. On râle, on dit qu’elle a besoin de rentrer chez elle se poser et prendre son traitement, ce à quoi on nous rétorque que si elle est pas envoyée à l’hosto elle est tout à fait en état de venir au commissariat, et puis comme on râle un peu trop on nous met les menottes.
Au final on fera une GAV de 6h. On nous met bien la pression pour parler mais on a rien à déclarer. On a toutes les deux lâché la signalétique (empreintes, photos et ADN), ce qui fait quand même bien chier ; le tribunal de Bobigny a pour réputation de déférer systématiquement en cas de refus de signalétique et d’être assez véner là dessus. Pour info, l’une d’entre nous a commencé à refuser de donner la signalétique suite à quoi on l’a informé qu’elle serait prise de force (« moi je préférerais que ça se passe calmement hein, mais donc vous êtes sûre on ramène les gros bras en cellule ? »). Pas sûr pourtant que ce dont on aurait pu être poursuivies pouvait être sanctionné d’au moins 3 ans d’emprisonnement (critère qui permet la prise de signalétique de force), ça montre bien comment les keufs vont appliquer cette loi arbitrairement. Rajoutons aussi que les keufs nous ont empêchés d’aller aux toilettes et de boire pendant environ 3h, et ce alors même que l’une de nous se sentait mal depuis l’interpellation ; on a eu beau taper sur les vitres et gueuler pendant 2h, rien de leur côté.
On rappelle en tout cas que c’est toujours possible de ne pas donner sa vraie identité tout de suite pour ne pas être retrouvé, et de la rétablir plus tard en cas de prolongation ou de comparution immédiate.
Bref, au final nous sommes sorties sans rien, à part la menace d’être recontactées, youpi !
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Bon au final, on est bien épuisé.es par cette journée et ces ascenseurs émotionnels. Malgré tout, c’est une action réussie. La répression a été là, pas où on l’attendait, mais les copines s’en tirent pas trop mal. À quelques dizaines on a pu perturber la prise de poste, crier tout ce qu’on avait à crier et laisser quelques traces de notre passage sur les sols et dans les têtes. Entre nous ça a été un moment fort, on a essayé tout au long de progresser le plus collectivement et on a su adapter nos actions au fur et à mesure en prenant la température du groupe.
Contre l’enfermement et son business, auto-organisation !