Retour de la peine de mort, “laxisme” et “excès de tolérance” : combattre l’instrumentalisation

1000 personnes meurent au travail chaque année dans l’indifférence générale, il n’y a jamais eu aussi peu de policiers et gendarmes morts en service, la police a renversé et tué plusieurs citoyens ces derniers mois, le nombre de morts pour refus d’obtempérer explose et il n’y a jamais eu autant de personnes incarcérées. Article de Contre-Attaque

« Je l’affirme haut et fort, la France a tué mon mari par son insuffisance, son laxisme et son excès de tolérance ». Ce sont les accusations très fortes tenues par la veuve d’Eric Comyn, un gendarme décédé lundi 26 août dans l’exercice de ses fonctions. Le militaire avait été renversé dans les Alpes-Maritime, lors d’un contrôle routier au niveau d’une bretelle d’autoroute, par un chauffard en état d’ébriété.

Entourée d’officiels, filmée en direct, puis retransmise sur toutes les chaînes de télévision depuis 24 heures, la femme du gendarme répète froidement : « 1981 n’aurait jamais du exister ». 1981, c’est la date de l’abolition de la peine de mort. Après avoir accusé « la France » pour les actes d’un chauffard, elle réclame le retour de la peine capitale entourée d’agents qui acquiescent. Enfin, elle dénonce les conditions de détention, trop douces à ses yeux : « l’attente d’être jugé, trois repas chauds, aides sociales ».

Cette fois-ci, ni les médias ni la classe politique n’ont appelé à « laisser la justice faire son travail » ni à « respecter la présomption d’innocence » ou le « devoir de réserve ». L’extrême droite se rue sur le cadavre policier encore chaud. Le discours de la veuve est diffusé en boucle. L’identité complète de l’homme arrêté et son casier judiciaire sont rendus publics. Macron dénonce un « criminel » et le maire Les Républicains de la commune où a eu lieu le drame appelle à « revoir la doctrine de légitime défense et d’autorisation de tir ». Une proposition de loi est déjà déposée.

Toute vie est irremplaçable, l’immense souffrance de la femme du défunt est évidemment compréhensible. Ce qui l’est moins, c’est l’instrumentalisation de la mort de ce gendarme et la cascade de propos à la fois mensongers et dangereux qui en découlent. Pour y répondre, quelques faits qui ne seront pas diffusés dans les médias dominants.
1000 personnes meurent au travail chaque année dans l’indifférence générale

En France, comme partout, le travail tue. Il tue même plus qu’ailleurs. Plusieurs centaines de vies sont ainsi volées chaque année.

À titre d’exemple, 733 personnes sont décédées au travail en 2019, sans compter les accidents de trajet entre le domicile et le lieu de travail (283 morts) et les maladies professionnelles (175 morts). Cela fait plus de 1000 décès liés au travail par an en France. Au moins 2 par jour. Et il ne s’agit que des chiffres de l’Assurance Maladie, probablement sous-évalués car ces données concernent uniquement les salariés du secteur privé. Les agriculteurs, les auto-entrepreneurs ou encore les fonctionnaires ne sont pas comptabilisés.

Avec un ratio de 3,5 accidents mortels pour 100.000 salariés, notre pays est en tête du nombre de morts au travail, bien au-delà de la moyenne de l’Union Européenne qui s’élève à 1,7 pour 100.000.

En 2024, 204 morts d’accidents du travail sont déjà recensés depuis le début de l’année. L’écrasante majorité de ces vies détruites étaient des ouvriers du BTP, des éboueurs, des pêcheurs. Aucune des milliers de familles endeuillées n’a eu de tribune, aucun média ne leur a tendu de micro, aucune n’a bénéficié d’un soutien du président, ni d’une tribune pour appeler à la peine de mort. Comme si toutes les vies ne se valaient pas.

« Cela n’a aucun rapport avec la mort du gendarme » répondront certains. Pourtant, quand des patrons rognent sur les normes de sécurité, quand des gouvernants cassent le code du travail et les protections des salariés, ou les forcent à travailler de plus en plus vieux, ils sont responsables. Ces décès sont évitables. Si l’on parle de « laxisme » concernant le drame des Alpes-Maritimes, alors on peut tout autant dénoncer la violence des riches sur le corps des ouvriers.

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