Réflexion sur l’explosion de mon ancien collectif militant afro-queer

J’ai fait parti.e d’un collectif militant queer afro, complètement dysfonctionnel et il n’existe plus.
L’objectif de ce texte est de raconter mon vécu, de l’étudier, l’analyser et de transmettre mes opinions et conclusions personnelles.
Ce que j’ai vécu ne doit pas devenir une anecdote mais servir pour de futurs militant.e.s.

Ce texte est un essai qui fait suite à l’atelier du 12 Mars 2020, “Prévention des conflits internes aux groupes militants.”. Il a eu lieu au Landy Sauvage (Saint Denis), il s’adressait à des personnes ayant des expériences militantes et s’est tenu en non mixité racisé.e.
Cet atelier a été organisé par L. et F., 2 militant.e.s racisé.e.s qui se sont rendu.e.s compte des ressemblances dans leurs expériences militantes notamment sur l’explosion de leurs collectifs respectifs.

Cet atelier avait pour objectif un échange sur les expériences et pratiques militantes mais aussi une prise de conscience sur la prévention et gestion des conflits en milieux militants. Plusieurs groupes connus ont éclaté en suivant le même schéma généralement. Cet atelier avait pour objectif d’ouvrir une discussion plus large pour échanger des idées, des ressources entre les participant.e.s.

Nos objectifs étaient d’aborder les points suivants :

  • le self-interest dans le militantisme
  • un exercice d’analyse de cas pratique
  • la figure du leader charismatique
  • la santé mentale
  • les modes de communication, la violence verbale
  • les conseils de nos aînés se basant sur les textes passés

Mais également de nous rassembler pour penser à des outils et stratégies afin de pouvoir les réutiliser dans le futur.
Après une discussion de plus de 2h, le groupe est arrivé à plusieurs conclusions et idées. Toutes ces propositions nécessitent un travail et une mise en application concrète.

Nous avons terminé avec ces derniers mots. Prévenir les conflits au sein des collectifs militants passe par :

  • une connaissance de soi en tant qu’individu
  • une connaissance des objectifs du groupe/collectif
  • une communication claire et adaptée à tout.e.s
  • une bienveillance à appliquer entre les membres du groupe
  • du temps et des espaces pour apprendre à militer
  • instaurer des liens de confiance
  • une transparence au sein du collectif
  • une responsabilisation individuelle et collective
  • un partage de ressources et expériences afin d’enrichir les connaissances et compétences

Je tiens aussi à ajouter qu’une mise en commun de connaissances peut servir à la réflexion et à la mise en place de nouvelles structures de luttes collectives.
Mais il y a aussi la difficulté de faire face à des situations comme celles qui ont été vécues : il n’existe pas encore de guide à suivre pour ce genre de situation.
Il reste encore des questions à poser pour gérer ou neutraliser une personne ayant un tel pouvoir de nuisance.

La transmission du savoir et des expériences militantes dans notre communauté QueerTransRacisé.e est un enjeu important. Il est impératif que ce qui s’est passé ne se reproduise pas.

Je tiens à rappeler que :

Je ne prétends pas avoir des solutions toutes prêtes ou applicables à tous les cas de figures existants
Je ne parle pas de conflits entre collectifs ou conflits concernant une ligne politique

Je ne parle pas d’agressions qui nécessitent des approches et solutions différentes
Ce texte est le fruit de mes réflexions et conversations avec L et n’engage que moi, F.

L’objectif de ce texte est de raconter mon vécu, de l’étudier, l’analyser et de transmettre mes opinions et conclusions personnelles. Ce que j’ai vécu ne doit pas devenir une anecdote mais servir pour de futurs militant.e.s.

Cas pratique

Lors de l’atelier, nous avons fait un exercice de cas pratique basé sur l’analyse de la structure d’un de nos groupes militants. Le but étant d’essayer de trouver ce qui ne va pas dans la dynamique de groupe.

Le texte était le suivant :

Un groupe militant composé uniquement de personnes afrodescendant.e.s queer, trans et/ou non binaires, et sont né.e.s en France ou aux Antilles francaises.
Lea fondateur.ice et leader du groupe et a invité les autres à faire partie du groupe. Ils ont été invités à faire partie de ce groupe alors qu’ils étaient dans des situations de vulnérabilité et d’isolement.
Lea fondateur.ice est la personne la plus âgée et a plus le plus d’expérience et connaissance militante de terrain. Les autres membres avaient entre 20 et 23 ans.
Lea fondateur.ice est la personne la plus marginalisée du groupe et subit des oppressions multiples (racisme, précarité, soucis de santé mentale et physique, colorisme et queerphobie pour ne citer que ceux là)
Les autres aussi subissent des oppressions et ont des vies personnelles compliquées sources de problèmes. Les personnes du groupe sont de base ami.e.s et lea fondateur.ice est en couple avec l’un.e d’elleux.
Tout événement/projet militant ne peut pas se faire sans l’aval et le contrôle du fondateur.ice. Toute la vie du groupe militant tourne autour d’iel et de sa santé, s’iel est malade ou indisponible, rien ne se fait.

Toute l’énergie du groupe est tournée vers le bien être et la santé mentale du fondateur.ice tandis que les santés mentales des autres personnes du groupe ne sont pas prises en compte. Au fur et à mesure les autres membres du groupe doivent faire attention aux mots et phrases qu’iels choisissent afin d’éviter que lea fondateur.ice ne s’énerve. Il y a une opacité dans le groupe, certain.e.s se chargent du même type de tâches sans pour autant savoir ce que font les autres. Il y a un manque de communication entre lea fondateur.ice et le reste du groupe.
Des sympathisant.e.s aident aussi à concrétiser les projets militants du groupe.
Ils sont tous racisé.e.s, queer trans et/ou non binaires et sont tout.e.s jeunes (entre 18 et 25 ans) et sont dans des périodes de vulnérabilité au moment où chacun.e commence à être dans la sphère d’influence du collectif militant.
Quels sont les différents problèmes dans cette situation ?

Il y a des enjeux de pouvoir dans cette situation : la personne qui a le plus d’expérience militante a un ascendant, du pouvoir et ”déligitime” les autres qui sont plus jeunes ou avec peu d’expérience. Il y a une inégalité de capital militant entre lea fondateur.ice et les autres.

Dans ce cas, il y a une contradiction avec l’entrée dans un collectif dans lequel les dynamiques oppressives ont été oubliées et même instrumentalisées. On a pu noter que la structure ne permettait pas de prendre conscience des dynamiques dangereuses vécues à l’intérieur. Quand les relations amicales/amoureuses se mélangent au travail militant, c’est une possible source de conflit.

Le jeune âge des autres membres a été remarqué, c’est souvent à ce moment que l’on commence à militer mais c’est également la période où l’on est plus vulnérable et facilement influençable. Quand une personne est à un moment de sa vie où elle est isolée, impressionnable, en questionnement sur son genre et sa sexualité mais surtout en manque de communauté avec qui se construire, elle est une cible fragile.
Si elle trouve un groupe, comme celui cité, elle fait tout pour ne pas le perdre et y rester.

Lea fondateur.ice s’est trouvé dans une position de contrôle avec lequel iel lui a été facile de manipuler les autres membres en jouant sur les liens affectifs créés au sein de ce groupe. Du gaslighting [1] a été infligé.
Un climat de dépendance/contrôle psychologique sur autrui a été mis en place au sein du groupe et de ses sympathisant.e.s.

Il a été précisé qu’il y a une tendance à instrumentaliser les concepts militants pour des situations interpersonnelles dans les milieux queers. Les questions de race/classe/genre/ ne sont pas abordées de manière efficace.

Nous avons aussi ajouté que rentrer dans un collectif peut être formateur et salvateur selon les parcours. Afin que la situation reste vivable, il faut être en accord avec les règles du collectif et ses capacités personnelles et savoir avec qui on va lutter. Savoir dire non et poser ses limites est impératif.

Il est important de trouver le juste milieu entre le travail et le soin (de soi et/ou des autres).

Il est nécessaire de prendre le temps de former toute personne qui souhaite militer en lui expliquant tout ce que le militantisme implique (travail gratuit, impact sur la santé mentale et physique) mais aussi comment repérer les dynamiques dangereuses.
Il est aussi indispensable de faire un travail de gestion de conflit en interne qui devrait être créé et adapté à la situation présente. Ce travail nécessite préparation et formations à travers plusieurs étapes : une formation individuelle et collective, des personnes dédiées à ce rôle par exemple.

Dynamiques et comportements dangereux

Il est aussi indispensable de définir une dynamique ou des comportements dangereux afin de mieux les reconnaître et se défendre contre.

Qu’est-ce qu’une dynamique dangereuse ?

Une dynamique dangereuse est une dynamique de prise de pouvoir, de déséquilibre du pouvoir au sein d’un groupe, d’ambiance toxique, de défaut de communication et qui entraîne un sentiment de malaise voire de mal-être parmi les membres du groupe. Cela peut se manifester par des dynamiques de groupe ou des comportements individuels.

La figure du leader charismatique en est un exemple.

Le leader charismatique est un moyen de mener une lutte, il peut être perçu comme un atout dans un contexte américain. Son rôle doit être strictement encadré, il ne peut pas parler sans accord du groupe et toute décision le concernant doit être prise collectivement.

Dans l’étude de cas ci-dessus, le leader est la personne qui subit le plus d’oppression systémiques : elle est difficile à contredire.
Quand des liens d’amitié ou romantiques s’ajoutent, il devient encore plus difficile de la contredire ou d’entrer en conflit.
On peut ajouter qu’une emprise psychologique s’est mise en place. Quand ce leader prend l’ascendant sur le reste du groupe, il devient indispensable et cela passe par sa présence et son aval sur le travail militant ou même des points personnels.
Une mise en concurrence des oppressions subies a été mise en place, ce qui n’a pas lieu d’être.

Un point important soulevé est le mélange du militantisme et des relations interpersonnelles. C’est souvent dans le militantisme que l’on se forge des relations amoureuses et/ou amicales.

Comment reconnaître une dynamique dangereuse ?

Les gens du groupe ne se parlent pas, ou bien beaucoup de choses se disent mais uniquement en petits groupes de quelques personnes, pas quand tout le groupe est présent.
L’organisation, le travail politique reposent sur quelques personnes seulement. On observe des phénomènes de burn-out, des membres sont épuisés.
Des membres quittent le groupe sans pouvoir/savoir formuler les raisons du départ. Des membres sont mis à l’écart, ghostés. Des membres accumulent des frustrations après des réunions où iels ont le sentiment de n’avoir pas pu s’exprimer ou de ne pas avoir été entendu-e-s.

Comment neutraliser ces dynamiques ?

Le fait de pouvoir libérer les paroles et entendre les faits est une première étape nécessaire.

Mettre en place un lieu et un espace pour parler, s’expliquer, s’excuser et mettre en commun les souvenirs et le plus important les faits est primordial mais cela reste une première étape.

Il faut par la suite se poser des questions afin de définir une stratégie pour contrer ces dynamiques : (celles qui suivent sont un exemple) :
“Que faire face à ces dynamiques ? Comment les neutraliser ? Comment réduire la nuisance des personnes les utilisant ? Comment aider les victimes ? À qui penser, à soi ou au collectif ? Comment faire acte de réparation ?”

Il n’existe pas de réponses toutes prêtes et applicables instantanément, à mon sens.
C’est en prenant en compte tous les paramètres de la situation existante que ces questions pourront trouver leurs réponses.
Il faut aussi répondre à ces questions collectivement, ce travail ne peut pas être fait par un seul individu car c’est une charge trop lourde.

Justice restauratrice / justice transformatrice

La justice restauratrice et la justice transformatrice sont 2 concepts similaires mais ayant des objectifs différents.

Kai Cheng Thom, une femme trans racisée, activiste et travailleuse sociale canadienne définit la justice transformatrice comme “une meilleure justice, une justice de l’amour, une justice qui ne voit pas la violence à travers le prisme de l’agresseur/victime uniquement, mais qui prends en compte la responsabilité et la culpabilité de la communauté…”. [2]

La Justice Transformatrice est une approche qui permet de ne pas solliciter la justice punitive de l’État.
Elle a pour but d’aborder les violences perpétrées dans les communautés en ayant en tête les systèmes d’oppressions et les dynamiques qui permettent leurs existences.
C’est un concept développé et construit par des activistes minoritaires ayant différents parcours de vie (noires, racisés, indigènes, handis, femmes, LGBTQ+) .
C’est un processus collectif qui vise à l’exploration, l’apprentissage et l’adaptation afin de changer les comportements, attitudes nocifs et oppressifs des individus et de leurs communautés.

Mariame Kaba, une militante abolitionniste noire américaine, pratiquant la justice transformatrice écrit ceci : “Les processus de Responsabilisation de la Communauté (community accountability) ne peuvent pas effacer le mal fait. Au mieux, ils peuvent réduire l’impact du mal fait et peuvent encourager les gens à entamer des thérapies. Il n’y a rien de “doux” et de "facile" à ça. Ces processus de RC éprouvent tout le monde et peuvent être un travail physique et émotionnel difficile à entreprendre. Guérir requiert la reconnaissance des blessures existantes. Guérir exige une volonté de la part de ceux qui veulent vraiment guérir.”
Différentes organisations militantes ont formalisé et utilisé la justice transformatrice au fil des années (Generation Five aux USA, Hollow Waters au Canada, INCITE, Navajo Peacemaking Processes, Cuba’s Neighborhood Committees for the Defense of the Revolution).
Le travail de ces organisations est centré sur les réponses appropriés aux violences sexuelles sur mineurs.
Suite à leurs expériences sur ce sujet, ils se sont concentrés sur des principes clés : la libération, le changement de pouvoir, la sécurité, la responsabilité, les actions collectives, honorer la diversité, la durabilité, et la résilience. [2]

La Justice Restauratrice en revanche est le processus de mettre en place un espace de médiation entre les victimes et les agresseurs pour discuter des conséquences des actes commis et des futurs besoins à venir.
Elle a été et est utilisée par certaines communautés.

La JR a été critiquée par des activistes comme devenant trop intégrée et utilisée par le système général de justice étatique (comme c’est le cas dans plusieurs pays, dont le Royaume-Uni).
En plus de ça, les aspects de médiation et réconciliation ont été critiqués pour être trop concentrés sur les individus au lieu des systèmes d’oppressions.
Un autre point de critique est le manque d’attention sur les besoins et désirs des survivant.e.s (comme si réparer une communauté est plus important que construire une réponse adaptée autour de ceux qui ont été blessés).
Le manque d’attention sur le sexisme, la misogynie, handiphobie, homophobie, transphobie, ainsi que des dynamiques raciales, sociales, économiques inégales dans les familles et communautés sont aussi cités.
Ces expériences vécues avec ces modèles de justices restauratrices ont conduit à la création de la justice transformatrice.

Après avoir appris ces concepts pendant ce workshop WOOP, je me suis posé.e la question :

Quel est l’acte réparateur que j’aurais voulu avoir de la part du leader de mon premier collectif ?

J’aurais voulu des excuses sincères et vraies de sa part suite au mal fait. Je sais que je ne les aurai jamais.
J’aurais voulu que toutes les personnes impliquées et impactées négativement puissent se retrouver, parler et se présenter des excuses mutuellement.
Je veux que cette personne n’ait plus aucun pouvoir décisionnel dans un collectif ou sur autrui.
C’est ce qui s’est passé, iel a perdu tout son pouvoir/ notoriété militante et n’a pas pu continuer ses activités avec son collectif et a disparu des radars du milieu militant en région parisienne. Savoir ça était rassurant, je savais que plus personne ne serait traité de la façon dont je l’ai été.
Finalement, la réponse à cette question est propre à chacun.
Cette question mérite réponses et actions conformes aux volontés des personnes affectées.

Guérison

2 ans après ces faits personnels, je peux dire que j’ai pu prendre du recul et revenir avec un regard apaisé sur ce qui m’est arrivé. Ce que j’ai vécu, d’autres l’ont vécu, certain.e.s de manière plus violente et profonde. Ca m’a profondément affecté et j’en suis sorti.e changé.e.

Pour donner du contexte : j’ai commencé à militer en 2016 jusqu’en 2018, au sein d’un collectif non mixte QueerTrans racisé.e qui a fait beaucoup d’événements J’ai appris sur le tas, cela a été formateur mais les choses auraient dû être mieux faites.

Fin 2018, le dernier événement militant que j’ai fait avec mes camarades de l’époque était une cantine solidaire afin de récolter des fonds pour une cause. A la suite de ça, j’ai été ghosté par elleux. Sans aucune explication. Je me doutais de quelque chose mais à la suite de ça, j’ai été isolé.e. Je savais que si j’avais été ghosté c’était surement parce que j’avais fait quelque chose de mal. Quoi, je ne sais pas. Je ne l’ai su que 1 an après à la suite des conversations avec d’autres personnes qui ont vécu la même exclusion que moi. En fin de compte je n’avais rien fait de mal. J’ai juste été ghosté parce que c’était la seule solution qui était disponible aux personnes qui m’ont infligé ça.

J’ai vécu une période d’auto-isolation d’un an. J’ai beaucoup parlé de cet événement en séance avec ma psy, ce qui m’a aidé à prendre du recul et prendre conscience de ce qui m’était arrivé et surtout guérir. Petit à petit, pendant l’année 2019, j’ai repris contact avec des connaissances et ami.e.s qui avaient vécu la même chose, et qui ont été impacté.e.s de différentes manières et à des degrés différents. Le fait de nous retrouver petit à petit et de nous raconter nos versions de l’histoire nous a permis de nous rendre compte de l’ampleur de ce qu’on avait vécu. Mais aussi de prendre conscience de l’impact négatif que toute cette situation a eu sur la “communauté” QTN dans la région.

Aller chez ma psychologue, faire ce travail là avec elle et parler de mon vécu et écouter celui des personnes qui avaient vécu la même chose que moi a été, je pense, une forme de self care et et un travail de guérison. Individuel et collectif. On s’est rendu compte qu’on a été sous l’emprise d’une personne qui nous a fait rentrer dans son collectif. Des dynamiques dangereuses et d’emprise ont eu beaucoup de pouvoir dans nos vies respectives. Nous étions jeunes, vulnérables et nous avions peur de retomber dans l’isolement et la solitude. Avec le recul, je me demande comment j’ai pu me laisser traiter de cette manière. Le fait est que j’étais seul.e, j’avais peu confiance en moi et j’étais facilement influençable et j’avais peur de perdre ce que j’avais pu gagner, un groupe de gens comme moi, noir.e.s, queer et trans.

A la suite de ces réalisations, des gens ont décidé de couper les ponts définitivement, d’autres ont pris de la distance, d’autres ont décidé de ne pas s’impliquer dans la “communauté” parisienne, d’autres ont pardonné et repris contact avec d’anciens membres ou personnes impactées.
Pour ma part, j’ai quitté mon collectif et j’ai cessé tout contact avec ces membres suite à mon ghosting.

Une manifestation pour les droits des personnes trans était organisée en 2019 se préparait et des personnes ont émis la volonté d’avoir un cortège en non mixité racisé.e autre que celui habituel de ce collectif. Un autre cortège a donc été mis en place. Cette volonté de proposer une pluralité de cortège et donc de voix a été perçu de manière négative.

Ce collectif a beaucoup fait parlé de lui pendant sa période d’activité. Se poser à côté de ce collectif, et proposer une alternative a été vécu comme un affront par son leader. A la suite de ça, il s’est retiré de l’organisation de cette manifestation et a annulé son cortège ce qui n’a pas étédemandé.

Un nouveau groupe a été créé avec la volonté de proposer une autre voix et une autre manière de fonctionner.
Organiser un cortège non mixte QTR a été le premier événement militant de ce groupe.
La volonté première était de casser l’isolement vécu par les personnes QTR isolé.e.s en créant un groupe sur les réseaux sociaux. Par la suite, nous avons officialisé notre collectif et nous continuons de mettre en place des actions militantes, de sociabilisation et d’aide d’urgence comme beaucoup d’autres.

Participer à la construction de ce collectif, et aider à mettre en place son premier cortège a été pour moi réparateur. C’était possible de fonctionner de même manière différente et saine.

C’est possible que les choses se passent mieux entre camarades.

Avec du recul, quitter mon premier collectif a été la première étape pour guérir.

Revenir dans le milieu militant et aider à mettre en application une manière de s’organiser différente était la seconde.

Voir qu’il est possible de construire et maintenir de nouveaux liens interpersonnels est encourageant.

Voir qu’il est possible de construire de nouveaux liens, individuels et collectifs afin de pouvoir travailler ensemble est satisfaisant.

Note : j’utilise le terme communauté entre guillemets car à mon sens il n’y a pas de communauté queer/trans noire en région parisienne mais des réseaux d’amis/des liens affinitaires. Contrairement à ce que je peux voir/lire sur d’autres communautés dans d’autres villes ailleurs dans le monde.

Conclusion

Rédiger ce texte m’a pris presque 2 ans. Le publier après relecture m’a pris 1 an.
Sa rédaction m’a permis de replonger plusieurs fois dans mes souvenirs et de les étudier et prendre du recul.
Parfois de changer d’avis, et d’arriver à des conclusions.
Mes discussions avec L. m’ont permis de nourrir mes réflexions et peaufiner mon écriture.

Je termine sur ces derniers mots :

Mon envie principale est que les personnes qui souhaitent s’investir dans le militantisme ne fassent pas les mêmes erreurs que j’ai pu voir et moi-même faire.
Celles qui ont été faites ont trop coûté et impacté très négativement les personnes concernées.
Je voudrais ne plus voir les schémas que j’ai vécu se répéter car je connais ses conséquences et je souhaiterais qu’elles soient évitées.
Je souhaite voir des actions collectives, des initiatives qui durent sur le long terme.
Il faut éviter de reproduire des erreurs individuelles et collectives qui pourraient saper tout un travail militant.

Mon souhait est que ce texte serve au plus grand nombre car je pense que c’est ma responsabilité de transmettre ce que je sais et vécu afin de le rendre accessible au plus grand nombre.

Note

Merci de m’avoir lu et si ce texte vous a été utile, cela me réchauffe le cœur.
Merci à L. pour nos discussions, personnelles et militantes,qui ont enrichi mes réflexions et d’avoir relu la version finale.
Merci à mes ami.e.s qui m’ont relu.
Merci aux créateur.ice.s du workshop WOOP en 2021 qui ont crée un espace où j’ai pu rencontré des militants afro européens et d’avoir créer des ressources militantes qui ont nourri mes réflexions.

Last but not least, comme a dit Snoop Dog, i wanna thank me. Je me remercie d’avoir eu la discipline de terminer ce texte. Je me remercie d’avoir eu le courage de le publier.

Notes

[1Le gaslighting est une manipulation visant à faire douter une personne d’elle-même en ayant recours au mensonge, au déni, à l’omission sélective ou à la déformation de faits, et ce, afin de tirer profit de l’anxiété et de la confusion ainsi générées.

[2Traduit du livret de travail “module 3 Accountability & justice work” écrit par Yancé-Myah Antonio Harrison et Jacob V Joyce et produit pour le workshop de justice social WOOP qui a eu lieu en Octobre-Novembre 2020.

Mots-clefs : LGBTQI+ | auto-critique
Localisation : région parisienne

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