Questions de soulèvements ou comment réconcilier puissance des images et politique ?

L’article de Souley, Eve et Maha, « Soulèvements - La révolte n’est pas une expo d’art », publié le 19 décembre dans paris-luttes.info au sujet de l’exposition « Soulèvements » du Jeu de Paume (encore visible jusqu’au 15 janvier 2016), me conduit en réaction à proposer aux auteurs un dialogue à distance, un prolongement de réflexion. A y bien réfléchir, c’est aussi une manière de dialectiser une problématique de fond autour de la puissance des images et de leur lien au politique.

Colères contre colères

La question que l’on peut d’emblée poser pour faire vivre le débat et puisqu’il s’agit de se soulever est la suivante : que faire de sa propre colère, comment lui donner forme par delà un activisme de terrain, peut-elle trouver résonance dans des œuvres exposées sur les murs blancs d’un musée, sources d’inspiration créatrice où elle irait se régénérer ?

J’ai choisi de tenter d’y répondre en opposant deux colères : d’un côté ma propre colère à la lecture de l’article en question venu prendre à rebours l’émotion que j’avais ressentie à la vision de certaines œuvres exposées au Jeu de Paume, émotion jugée a posteriori presque coupable puisque me renvoyant à l’état du spectateur passif et « bourgeois » « se donnant des frissons » devant des images de révolte posées là dans la bonne conscience de l’institution. Ma colère qui demande simplement : « Pourquoi ne pas m’autoriser à m’émouvoir devant une œuvre qui donne forme à une révolte et me fait accéder à quelques vérités, riches d’enseignement » ; de l’autre côté, la colère des auteurs exprimée avec force et sincérité dans cet article en y joignant une image détournée et extrêmement puissante, puisque faisant justement sens par ce qu’elle donne à voir : dans une récupération de l’espace public, à leurs yeux confisquée par « l’institution bourgeoise », une inscription jetée comme un cri sur les affiches faisant la promotion de l’exposition du Jeu de Paume dans le métro parisien, recouvrant les photographies de Gilles Caron et de Dennis Adams, rayant le mot « Soulèvements » et exclamant en toutes lettres « La révolution n’est pas une expo d’art ! » comme était écrit sur d’autres murs en 68 : « l’Art est mort, ne consommez pas son cadavre ».

Détournement / Métro République, Paris (IIIe-Xe-XIe), novembre 2016
Dépassement

Sur un site coopératif, donc ouvert au débat, et de résistance à ce qui parfois nous questionne et nous heurte au plus profond, sans savoir à cette heure si ma réponse sera publiée, il me semble que tenter de comprendre ce qui oppose ces deux colères a du sens dans un monde où l’image est reine, souvent pour le pire, et où l’art institutionnalisé est la bonne conscience de l’oligarchie qui la subventionne.

J’ajouterais enfin que cette affaire de colères pose une question de fond encore plus cruciale, au cœur du politique : de quelle place, par qui est exprimée la colère dont nous parlons et quelle valeur doit-on lui donner, l’une est-elle plus respectable, vertueuse que l’autre ? D’un côté cette fois-ci, un travail enragé, de fourmi, inlassable qui appartient à l’historien, au philosophe, à l’artiste, au penseur dans son sens le plus large (ce que l’on pourrait dire de l’œuvre de Pasolini par exemple), travail qui tisse les fils d’une recherche patiente, souvent à contre-courant, prisonnier du système contre lequel il se débat, faisant dialoguer politique et poésie quelles que soient les formes qu’il emploie, par opposition ou à côté plutôt : un véritable engagement politique, tout en acte, celui du révolutionnaire, indispensable au renversement du pouvoir en place, je dirais au cœur de la tourmente, en première ligne, mais qui dans le combat qu’il mène prend le risque de remplacer un système par un autre jusqu’à en épouser les conventions et la morale, parfois même par la censure. Vaste débat et paradoxe des révolutions. [1]

« Le soulèvement des tisserands »

J’aimerais donner en tout cas mon début de réponse concernant mon droit à l’émotion sous la forme d’une intuition, une impression, celle ressentie hors les murs du Jeu de Paume, dans un autre lieu visité récemment : c’est lors d’un séjour à Berlin, lieu par excellence de la mémoire préservée, que j’ai visité ce petit musée, le Käthe Kollwitz Museum, pas une grande institution, pas de mécènes ou peu, mais la volonté de préserver la mémoire d’une artiste engagée, féministe avant l’heure, meurtrie par deux guerres successives (qui lui ont enlevées fils et petit-fils), peu connue en France, beaucoup plus en Allemagne.

La marche des tisserands Käthe Kollwitz (ne fait pas partie de l’exposition « Soulèvements ») - source : Balises webmagazine BPI

Au premier étage du musée, dans une petite salle, une série de trois lithographies et trois gravures racontant avec une force et une vérité inédite la révolte des tisserands de Silésie de 1844, véritable symbole de la lutte contre l’oppression ouvrière par les forces libérales au pouvoir, prémices d’autres luttes à venir jusqu’à la terrible répression de la révolte spartakiste de l’entre-deux-guerres. La révolte des tisserands fut finalement réprimée dans le sang par l’armée prussienne. Käthe Kollwitz avait été bouleversée par la pièce de Gerhard Hauptmann, « Die Weber » (« Les Tisserands »), à la Freie Berliner Volksbühne (la scène populaire libre de Berlin) et s’en était inspirée, passant du spectacle vivant au dessin, pour réaliser une série, « Le soulèvement des Tisserands » entre 1893 et 1898. Chaque œuvre représente un moment, un geste de ce soulèvement fondateur qui avait tant impressionné Marx et Engels, ce dernier en rapportant en détail toutes les circonstances dans le Northern Star  [2]. L’événement avait aussi conduit Heinrich Heine à écrire un de ces plus beaux poèmes, « Les Tisserands silésiens » [3] :

Dans leurs yeux sombres, pas une larme - Assis à leurs métiers, ils montrent les dents : Vieille Allemagne, nous tissons ton linceul, Nous y tissons la triple malédiction ! Nous tissons ! Nous tissons !.

Je suis d’abord resté muet devant ces trois dessins et ces trois gravures, avant de retrouver l’envie d’en savoir plus : ces petites œuvres, reproduites modestement et accrochées avec simplicité sur les murs blancs du Käthe Kollwitz Museum, m’ont semblé avant tout un témoignage attentif, respectueux au plus haut point des hommes et des femmes acteurs de la révolte et surtout une étude approfondie, pas à pas, souffrance après souffrance, des gestes ayant conduit au soulèvement, comme si la dessinatrice avait été présente, témoin de l’événement dans sa chair. Yves Bonnefoy, en parlant de l’œuvre de Goya dans les magnifiques lignes des « Peintures noires » [4] le dit ainsi :

le dessin fait apparaître le caché et à chaque instant risque donc de révéler qu’il y a plus dans les êtres que ce que tolèrent les normes du religieux ou du politique. C’est un dessin qui s’occupe alors de vérité et non de beauté. Tout entier dans le regard qui s’élance, c’est-à-dire dans un instant de la vie de l’artiste aussi bien que de celle de son objet, il est une pensée plus que ce qu’on dit un art, ordinairement, il a accès à la pensée de la personne qu’il aperçoit ou observe, même à ses arrière-pensées, il peut en explorer les tréfonds (…) Parce que le fond que ce dessin incisif entrouvre peut effrayer aussi fortement celui qui cherche le vrai, mais y découvre un abîme, qu’il ne déplait au despote, lui sans trop d’illusion mais peu désireux qu’on le sache.

L’œuvre touche alors cet instant de vérité, de vie dont parle Yves Bonnefoy dans un cycle tragique : en deux actes, les deux premières lithographies, « Not » ( « Détresse »), puis « Tod » (« Mort »), montrent le moment où la colère gronde, dans le silence pesant de leurs modestes demeures, les gestes dignes et désespérés d’hommes, de femmes et d’enfants, et l’insupportable pression économique et sociale ; Acte 3, « Beratung » (« Conspiration »), l’instant où tout se prépare, la révolte qui gronde à la lumière secrète des bougies ; « Zug der Weber » (« La marche des tisserands ») et « Sturm » (« Assaut »), prenant le nom d’une déferlante que rien n’arrête, quand le soulèvement prend forme, enfin la dernière gravure, acte final, « Ende » (« Fin »), l’effondrement, la répression de la révolte, quand les morts sont portés, ramenés là d’où ils étaient partis, comme des ombres, le deuil, l’accablement, la détresse à nouveau.

Exposer les soulèvements ?

Mais une fois mesuré comment une émotion peut advenir devant une œuvre engagée, politique, au point d’en rester muet, revenons au Jeu de Paume.
La question du risque d’exposer des images de soulèvements sur les murs blancs d’un musée, d’institutionnaliser en quelque sorte le motif révolutionnaire est, il me semble, plus que légitime et Georges Didi-Huberman se la pose d’emblée en introduction du catalogue de l’exposition « Soulèvements ».
Si je me refuse à être son porte-voix et assume de ma place le débat dans lequel je m’engage, il me paraît pertinent cependant d’en citer quelques extraits qui anticipent déjà la critique qui lui est faite [5] :

N’est-ce pas trahir cet « objet » si particulier - les soulèvements - qui ne sont justement pas des « objets » mais des gestes ou des actes, que d’en faire des « objets » d’exposition ? Que deviennent les soulèvements et leur énergie propre sur les murs blancs du white cube ou dans les vitrines d’une institution culturelle ? (…) Quelques-uns penseront peut-être qu’un tel projet esthétique - puisqu’il s’agit avant tout de montrer des images qui sont des œuvres d’art - ne fait justement qu’esthétiser et du coup anesthésier la dimension pratique et politique inhérente aux soulèvements (…).

Faisons donc l’hypothèse d’une récupération probable par l’institution, voir du dévoiement d’un sujet intouchable puisque politique, dans un espace académique, conventionnel, cloisonné, en un mot « bourgeois ». Il me semble cependant que ce postulat ne prend pas en compte un certain nombre de questions : comment se laisser pourtant la possibilité d’exposer et rendre visibles au plus grand nombre et aux jeunes générations certaines œuvres subversives et politiques sous-exposées voir censurées car porteuses d’une vérité dérangeante pour le pouvoir ? Pourquoi laisser la porte de ses institutions uniquement ouverte aux œuvres dites du patrimoine, cette fois bien académiques ? Quelles œuvres choisir, mettre côte à côte dans un tel espace, selon quelles critères, avec quelle liberté, quels moyens, quelles limites ? Didi-Huberman raconte par exemple que certains documents historiques majeurs, comme des photos de la guerre civile grecque, d’une manière scandaleuse, sont devenus monnayables, au fil des rachats d’agences privées comme Getty [6].

Guerre civile 1871 Édouard MANET Lithographie en deux tons sur papier épais. Musée Carnavalet — Histoire de Paris. © Musée Carnavalet / Roger-Viollet

Quelles formes donner, quel cadres, quelle mise en scène, à une exposition qui se voudrait libre dans un espace institutionnel pour justement décloisonner, transmettre, confronter l’art et le politique, interroger notre mémoire pour mieux enrichir nos inspirations dans le présent et préparer l’avenir ? Georges Didi-Huberman pose la question ainsi dans son introduction : « Comment les images puisent-elles si souvent dans nos mémoires pour donner forme à nos désirs d’émancipation ? Et comment une dimension « poétique » parvient-elle à se constituer au creux même des gestes de soulèvement ? » [7].

Question de modestie

Se pose alors la question de l’autorité, de la place du philosophe, de historien d’art dans sa posture de commissaire d’exposition, bien vilain mot en tout cas. Qui prendra en charge cette exposition ? L’historien, l’amateur, le chercheur, le philosophe, l’institution, exclusivement l’artiste ? Les uns doivent-ils s’ouvrir aux autres ou au contraire s’ignorer ?

Je connais Georges Didi-Huberman, à qui le musée du Jeu de Paume a proposé, en la personne de Marta Gili de poursuivre son anthropologie des images entamée il y a six ans au musée Reinia Sofia de Madrid en lui offrant de choisir librement une thématique. Didi-Huberman ne cherche justement pas à faire autorité et son nom n’apparaît pas d’ailleurs sur la couverture du catalogue collectif de l’exposition. II suffit de suivre l’un de ses séminaires à l’EHESS (L’École des hautes études en sciences sociales) ou l’une de ses conférences pour s’en convaincre : pas d’enseignement ni de chaire universitaire académique ; des prises de position qui empruntent autant, en transgressant les frontières, à l’histoire de l’art, la philosophie, l’anthropologie, la poétique, qu’à la psychanalyse, bien loin donc d’un quelconque « élitisme intellectuel », en témoigne d’ailleurs quelques polémiques avec le milieu universitaire français et des historiens ; la remise en question permanente de certains penseurs panthéonisés, parmi lesquels André Malraux ou Roland Barthes, et une référence constante à des auteurs, poètes et penseurs, sujets d’études pour lui incontournables, qui chacun à leurs manières ont questionné engagement politique et création artistique, justement au mépris des standards académiques, des pouvoirs en place et des idéologies sectaires qui les ont souvent mis au ban en tant que créateurs : Goya, Pasolini, Bataille, Brecht, Eisenstein, parmi d’autres.

Jeux d’enfants à Montjuic, Barcelone 1936 Agusti CENTELLES Tirage gélatino-argentique. Centro Documental de la Memoria Histórica, Salamanque. © España. Ministerio de Educación, Cultura y Deporte. Centro Documental de la Memoria Histórica.

Je pense par exemple à Pasolini et à ses poèmes marxistes. D’un côté les avant-gardistes de gauche lui reprochaient d’utiliser des formes anciennes de l’écriture poétique, jugées par trop néo-romantiques dans ses écrits politiques, de l’autre les traditionalistes, les poètes académiques qui considéraient que la poésie devait embellir la vie et s’offusquaient de ses poèmes marxistes. On ne badine pas avec la politique. Écrivain, poète, éditorialiste, cinéaste engagé, Pasolini n’en demeure pas moins un des penseurs les plus libres et des plus engagés (il faudrait d’ailleurs dire « enragé ») du XXe siècle. [8]
L’exposition « Soulèvements » et c’est aussi ce qui en fait sa modestie est une simple étape dans le travail acharné et de long cours de Didi-Huberman qui prend pour point de départ, après les six volumes de la série « L’œil de l’histoire », un questionnement d’il y a déjà quelques années sur une séquence du cuirassé Potemkine (la lamentation des mères devant le cadavre d’un matelot assassiné), séquence qui amène à une question : comment un geste de deuil, d’accablement, peut conduire finalement dans un mouvement contraire à un geste de soulèvement ?

Transmission par le montage

L’exposition n’a, il me semble, aucune ambition, encore moins ne possède d’enjeu politique au sens le plus strict, ni ne se veut « une incitation à la révolte et à l’insoumission », certes. Elle témoigne simplement, tout en subjectivité, c’est à mon avis ce qui fait sa force, d’une anthropologie possible des gestes de soulèvements, pour tenter d’en extraire quelques vérités et de trouver « au creux » même de ces gestes, leur « dimension poétique ».

En laissant voir un montage parmi des milliers possibles qui met côte à côte une photographie de Hiroji Kubota témoignant d’une Manifestation des Black Panthers à Chicago en 1969, un corps gisant brossé par Manet en 1871 au moment de la Commune de Paris, des gravures de Goya, la série de Miro (l’Espoir du condamné à mort) en hommage à l’étudiant anarchiste Salvador Puig i Antich exécuté par le régime franquiste en 1974, puis une séquence bouleversante de l’artiste grecque Maria Kourkouta qui filme dans en plan fixe des migrants qui traversent la frontière gréco-macédonienne, l’exposition donne par l’image une lecture possible d’un geste de soulèvement individuel ou collectif, un décryptage, des indices, quelques fulgurances tout en analogies et associations d’idées, d’où émerge parfois un début de vérité et qui « donnent forme à nos désirs d’émancipation ». Tout l’intérêt est dans le dialogue d’œuvres contemporaines avec des œuvres plus anciennes et d’y trouver des échos dans nos engagements, nos préoccupations et nos luttes actuelles et à venir. Il s’agit plus de penser les révoltes que de les « esthétiser », comme on le dit aujourd’hui souvent, dans une iconographie convenue, stéréotypée, même si pour certaines œuvres le beau ne doit pas être forcément l’ennemi du vrai et l’émotion assumée, je l’ai ressentie, bien présente.

Idomeni, 14 mars 2016. Frontière gréco-macédonienne 2016 Maria KOURKOUTA Vidéo HD couleur en boucle, son, 36’. © Maria Kourkouta. Production : Jeu de Paume, Paris
Idomeni, 14 mars 2016. Frontière gréco-macédonienne 2016 Maria KOURKOUTA Vidéo HD couleur en boucle, son, 36’. © Maria Kourkouta. Production : Jeu de Paume, Paris

Prenant la forme d’une anthropologie des gestes, en toute liberté et subjectivité, les œuvres exposées, parviennent alors, indépendamment de l’institution et des codes académiques, hors d’un catalogue qui se voudrait exhaustif ou historique, à dialoguer entre elles, établissent des passerelles et nous conduisent par bonds successifs à penser et à reconnaître, à comprendre des gestes de soulèvements, passés, présents et à venir.

Un paradoxe revient à nouveau dans le débat et alimente constamment la polémique, une nouvelle fois ici. Comme l’a souvent exprimé Didi-Huberman dans ses écrits : l’image porte en elle une part de mensonge et d’illusion, parfois pire, de manipulation et de propagande et cet état de fait ne peut que se confirmer à une époque de surexposition et de multiplications des images sur nos écrans. C’est le versant platonicien, celui par lequel toute image est à juste titre d’emblée jugée suspecte, plus encore quand elle est porteuse d’émotion, taxée alors « d’esthétisante », condamnation récurrente et suprême. L’autre versant est du côté d’Aristote contre Platon : l’image peut être aussi porteuse de connaissance et de vérité. Didi-Huberman le précise ainsi [9] :

Il y a alors une chance pour que cette opération visuelle, sensible, révèle quelque chose qu’on n’avait pas vu avant, une vérité encore insoupçonnée, encore inintelligible…Elles (les images) ont aussi la capacité de devenir un moyen aussi puissant que les mots pour manifester une pensée, exercer une critique voire délivrer un bout de vérité.

« Images malgré tout »

Pour en finir sur l’exposition « Soulèvements », manière de dire qu’elle reste éphémère, quatre photographies y sont exposées pour la première fois dans leur dimension réelle : il s’agit de quatre photographies prises clandestinement par des prisonniers juifs du Sonderkommando promis à la mort dans le camps d’Auchwitz-Birkenau. Elles avaient donné lieu à une étude approfondie dans le livre de Didi-Huberman, « Images malgré tout » [10].

Ces images sont un acte de résistance, arrachées à l’interdit et à l’horreur pour faire acte de témoignage. Elles illustrent effectivement le point de vue de Didi-Huberman. : "Les images sont des actes et pas seulement des objets décoratifs ou des fantasmes" [11]. Je vous invite à aller les voir et à questionner l’engagement et la motivation de ces quelques résistants du Sonderkommando d’Auchwitz qui avaient pris le risque de déclencher leurs appareils photographiques, puis dans un geste de soulèvement ultime, prolongeant cette acte de bravoure et de transmission, avaient fait exploser un crématoire de Birkenau. Leur courage et les quatre images bouleversantes attestant de ce soulèvement, comme les trois lithographies et les trois gravures de Käthe Kollwitz vues dans ce petit musée berlinois, m’inspirent pour les luttes à venir. Rien n’est tout à fait perdu et même à la faible lueur d’une bougie, l’espoir, porteur de désir, est toujours possible.

Philippe B., photographe, bénévole dans une association d’aide à l’accès au logement, aux droits et à l’insertion de personnes touchées par la précarité

Notes

[1Écoutez à ce propos deux conférences de Georges Didi-Huberman données à Marseille en juin 2013, dans le cadre du cycle « Pasolini, la force scandaleuse du passé : « Film, essai, poème. A propos de la Rabbia de Pier Paolo Pasolini. »

[2Lire sur le blog de René Merle, agrégé d’histoire, docteur ès lettres, chroniqueur, romancier, les deux articles suivant : Juin 2014, « Marx et la révolte des tisserands silésiens 1844 », Août 2014, « Engels - Heine et la révolte des tisserands silésiens »

[3Le 10 juillet 1844, le journal allemand de Paris Vorwärts ! publie en première page ce poème de Henrich Heine, « Die armen Weber » (« Les pauvres tisserands » ou « Les tisserands Silésiens ») - l’extrait est proposé dans une traduction littérale de René Merle

[4Yves Bonnefoy, « Goya, les peintures noires » - William Blake and Co, 2006.

[5« Soulèvements », édition Gallimard Jeu de Paume, Introduction par Georges Didi-Huberman, page 18

[6Georges Didi-Huberman : « Les possibles d’une imagination politique », entretien réalisé par Magali Jauffret, 18 octobre 2016 dans l’Humanité.fr

[7« Soulèvements », édition Gallimard Jeu de Paume, Introduction par Georges Didi-Huberman, page 20

[8Écouter à ce propos deux conférences de Georges Didi-Huberman données à Marseille en juin 2013, dans le cadre du cycle « Pasolini, la force scandaleuse du passé : « Film, essai, poème. À propos de la Rabbia de Pier Paulo Pasolini. »

[9Georges Didi-Huberman : “Les images sont des actes et non pas seulement des objets décoratifs ou des fantasmes”, octobre 2016, entretien paru dans Philosophie magazine

[10Georges Didi-Huberman, « Images malgré tout », 2004, Editions de Minuit, Collection Paradoxe

[11Georges Didi-Huberman : “Les images sont des actes et non pas seulement des objets décoratifs ou des fantasmes”, octobre 2016, entretien paru dans Philosophie magazine

Localisation : Paris 8e

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