Pute de vie

Ou comment le monopole du débat abolo vs réglo pérénise la silenciation des premières concernées (même et surtout quand elles ont des choses à dire...)

Un témoignage sur la prostitution, qui cherche à ouvrir une porte pour sortir du clivage abolitionisme/réglementariste. L’article pose les questions du libre arbitre sans évacuer celles du salariat, du travail, qui par essence reste une exploitation.

Je m’exprime ici principalement au sujet de la prostitution dite libre et choisie.

J’ai commencé à me prostituer il y a environ deux ans. A cette époque, j’étais déjà toxico depuis 7 ans, et ça avait fini par me mettre vraiment dans la merde financièrement. (Interdit bancaire + plus de compte en banque actif + environ 10 000 euros de dettes, découverts, etc.)
Cela faisait déjà plusieurs années que j’y pensais régulièrement : j’avais besoin de pas mal de thunes pour assumer ma conso, et je faisais encore et toujours plus de conneries pour y arriver. J’avais énormément de mal à trouver des p’tits boulots, d’autant plus que j’étais étudiante et que j’avais vraiment envie d’au moins terminer ma licence. Je n’étais pas boursière, et mes parents ne pouvaient pas m’aider.
C’est donc le salaire de mon copain qui assurait tant bien que mal notre loyer et notre conso, et pour le reste... On ne faisait plus rien depuis des lustres. Je crois bien qu’on a passé près de trois ans à ne pas se payer de fringues, on crevait tout le temps la dalle, et le moindre produit de consommation courante était un trésor...

Durant cette période glauquissime, à chaque fois que j’avais parlé à mon copain du fait que je me sentais capable de tapiner, je m’étais toujours heurtée à un « non » catégorique. Un mélange de « je peux pas supporter l’ idée qu’un autre te touche » et de « Je me crève pas le cul à l’ usine pour rien ».
Et puis un jour, y’ a eu la saisie sur salaire. Dans ce moment où lui comme moi étions à un stade de dépendance au prod très élevée, on a paniqué. Et le sujet de la pross est revenu sur le tapis, encore. Sauf que cette fois, il a répondu « ok ». Presqu’en chuchotant, ne pas entendre, garder une porte de sortie, juste au cas où. Mais n’empêche que c’était dit.

Comme pour beaucoup de putes, c’est l’ urgence financière qui m’a fait passer à l’acte. Je crois qu’il faut un truc, une impulsion pour oser se lancer, sans quoi on se heurte à sa trouille, à celle des autres, et puis on trouve pas la détermination qu’il faut pour trouver comment s’ y prendre. On cherche un peu sur le net, et toujours cette même rengaine : « Je peux pas te répondre, c’est du proxénétisme ». Faut s’accrocher, fouiller, lire entre les lignes. Et finalement quand on arrive où on veut, c’est comme une victoire.
Alors je me suis lancée. Je me souviens qu’au moment où j’ai posté ma première annonce, j’avais soudainement été envahie par la peur : et si personne ne me contactait ?
Faut dire, fallait quand même être un peu gonflée pour demander 250 euros pour une heure, alors qu’en parallèle, on se sait être obèse et au niveau zéro de la libido. J’y croyais même pas trop moi-même en fait, à ce que je demandais.
Sauf qu’en trois heures de temps, j’ étais déjà assaillie de demandes.

Mon premier client, je m’en souviens même plus trop. Enfin si, bien sûr. Mais ce dont je me souviens surtout, c’est ce moment où je suis repartie de l’ hôtel, là, avec 400 euros dans ma poche. C’était comme avoir gagné à une machine à sous. J’arrêtais pas de me dire : « Nom de dieu, mais... ça a marché ! »
J’étais grisée.

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Mots-clefs : prostitution

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