Prends-le-cool, l’exploitation à bicyclette

Autoentrepreneurs à deux roues, en uniforme fluo, mollets galbés et carapace cubique, à fond les ballons sur le macadam, ils hantent depuis quelques temps le paysage urbain. Mais pour qui roulent les livreurs à vélo ?
Témoignage publié sur la revue Jef Klak, mis en ligne à l’occasion de la création du Collectif des Livreurs Autonomes de Paris.

Extrait :

Après avoir rempli les formalités pour devenir autoentrepreneur officiel, autant aller jusqu’au bout de l’expérience : je décide de retenter ma chance. Équipé d’un nouveau vélo, acheté exprès, je passe le test avec succès. Toutes les semaines, à l’heure pile où le calendrier devient accessible sur le site web, je m’inscris, quinze jours à l’avance, sur les plannings en ligne – tous les créneaux horaires étant réservés en quelques minutes.

J’apprends à griller les feux rouges, à répondre aussi rapidement que possible aux sollicitations incessantes de l’algo, à mesurer mes perfs, à « optimiser » mon rapport client. Je porte l’uniforme Prends-le-cool – un énorme sac cubique et un T-shirt cycliste fluo – qui me transforme en publicité ambulante.

Dans un jeu vidéo d’arcade de la fin des années 1990, Radikal Bikers, le joueur doit enchaîner les courses dans les rues de Naples en un temps limité. Bien sûr, il ne cesse de se prendre piétons, voitures, camions en pleine face, mais ces accidents ne lui font jamais perdre autre chose que du temps. Le game over intervient quand le joueur n’a pas réussi à terminer une course à temps. Aujourd’hui, ce jeu me semble s’être incarné, expurgé de sa légèreté, sous la forme de la startup Prends-le-cool, et je suis devenu l’un de ces radikal bikers prêts à transgresser toutes les lois de la circulation pour payer le loyer.

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