La manif libertaire du matin
Comme d’habitude je me suis rendu à la manif libertaire de 12h à Place des Fêtes. Dès le début, on a compris que le préfet Lallement nous lâcherait pas la grappe. Il y avait au mois 300 flics présents place des fêtes. Un dispositif inédit pour une manif sans passif de violence et qui a comme but principal de rejoindre la grande manif pépère. On se retrouve qu’avec des flics/gendarmes mobiles en latéral et sur l’avant de la manif. C’est super oppressif mais l’ambiance reste bonne. Un gros cortège UCL anime la manif avec des slogans péchus, la CNT a aussi un gros cortège. Mais en fait c’est tout le cortège qui est gros puisqu’on tape un record de participation. Je dirais qu’il y a, à la fin, 3000 personnes, ce qui est considérable.
Rue de Belleville, les flics montrent une première fois de la journée qu’ils ne sont pas là pour faire du maintien de l’ordre mais plutôt pour jouer la tension. En queue de cortège, une chorale s’arrête pour pousser la chansonnette, les flics décident que c’est hors de question et les poussent avec les boucliers plutôt que d’attendre tranquillement la fin du couplet. Mais ce sera le seul incident de la matinée, qui fut plutôt une réussite.
L’arrivée à République : du monde
Pas d’effet covid cette fois-ci. La place de la République est bien remplie. Il y a les stands traditionnels avec toutes les sectes marxistes possibles et inimaginables et des trucs plus ou moins craignos (on note que les raëliens sont toujours présents, faudra penser un jour à leur donner deux ou trois claques). Les kurdes sont toujours bien là de même que l’extrême gauche turque. Une gigantesque banderole est déployée sur la place au début du cortège avec inscrit « Quand tout sera privé on sera privé de tout ». On peut noter tout de même une forte présence des gilets jaunes qui faisaient un cortège eux aussi le matin. Directement on est gêné par les nombreux gilets jaunes « de droite » présents. Des conspis assumés, des antisyndicalistes. C’est pas la première fois qu’on le voit et il va falloir se poser la question tout de même de leur présence dans nos cortèges, ce n’est pas la première fois et ça a déjà posé problème. L’alcool est déjà un peu présent comme souvent au Premier Mai.
La manif, la bagarre
On s’engouffre alors sur le boulevard Voltaire où c’est extrêmement dense. On s’interroge grandement sur le parcours négocié par l’intersyndicale. C’est n’importe quoi. République/Nation sans même passer par Bastille c’est très court et donc ça dure déjà pas longtemps du tout, ça laisse toutes les marges aux flics pour faire leurs saloperies, et c’est un peu dangereux car on est super tassés. Le cortège a déjà décollé et on remonte sur les côtés comme plein de gens. On veut aller voir en tête ce qui se passe. On n’y arrivera jamais. Le nombre de flics sur les côtés est délirant. Il y a plusieurs centaines de flics qui s’entassent autour d’un cortège très mixte avec plein de gens dedans. Des vieux, des jeunes. On est vraiment serrés c’est pas très agréable. Au croisement avec Richard Lenoir, un premier « tout le monde déteste la police » est lancé. Les flics chargent quasi immédiatement sans même attendre de potentiels projectiles. Ils viennent choper une banderole renforcée d’après ce que j’ai vu. Ils se prennent un mortier sur la gueule. Moi et quelques copains on n’a pas envie d’être là, c’est pas idéal, on n’était pas forcément dans ce délire et les flics se montrent directement trop violents. Ils chargent une nouvelle fois en profondeur dans le cortège. On se replie le long de Richard Lenoir, laissé en partie libre par les keufs. Le cortège est d’ores et déjà coupé. Il le restera tout le long de la manif. Quelques affrontements continuent mais ça repart. Et là il n’ y a plus aucun flic en latéral. Du coup le cortège repart sans affrontements et c’est pas désagréable personnellement. Mais on voit ensuite un truc symptomatique du rapport des flics au maintien de l’ordre. Alors que tout repart tranquillement on les voit courir le long du cortège par dizaines. Évidemment ça crispe les gens. Des projectifs sont lancés et c’est parti pour la litanie de charge/contrecharge. Au niveau de Saint Ambroise on va rester une heure et demi à subir les assauts de la police. Et là on constate que des gens qui étaient venus, un peu comme nous, sans trop de velléités offensives, commencent à s’équiper pour se protéger des flics et pour contre-attaquer quand il le faut. L’affrontement se fait sérieux et les gazages sont très violents. Nous sommes dans le cortège principal, pas dans la tête coupée par des lignes de CRS. Les flics recoupent encore le cortège juste devant le cordon du SO intersyndical. On se retrouve quelques minutes pris en étaux entre deux lignes de CRS qui chargent et gazent. Les flics se gazent entre eux par ailleurs mais ils sont contents car ils aiment ça la violence. Notre partie du cortège se fait finalement repousser derrière le service d’ordre par des nuages de gaz lacrymos. Le camion de la CGT a beau annoncer qu’ils sont attachés au droit de manifester, le service d’ordre ne fera rien du tout pour empêcher le carnage. Il n’y aura aucune violence de leur part par contre. On leur demande d’avancer pour faire progresser le cortège et calmer les flics, peine perdue. C’est vraiment dommage on aurait pu avancer ensemble. Du coup à force de subir les coups sans répondre, les flics se sentent pousser des ailes et visent clairement le service d’ordre de la CGT. Là encore y aura aucune réponse de la CGT. Ils sont assez chrétiens dans l’esprit, ils se prennent un coup et ils en redemandent. Bref, ce n’est pas le plus important et il y a eu des échanges oraux mais sans coups, ce qui reste le plus important pour moi.
Un gros feu est allumé devant la société générale qui a fini en lambeaux tellement elle s’est faite défoncer. Les flics temporisent, les pompiers interviennent, ça s’embrouille avec des gens qui veulent vraiment qu’il y ait un feu. Du coup les flics rechargent encore une fois. À ce moment-là on réussit à rejoindre la masse de gens coincés devant la manif. Derrière c’est encore des charges à la matraque et des gazages. Nous sommes repoussés au pas de course sur plusieurs centaines de mètres. Une banderole avec une ambiance festive et une sono est directement chargée par les flics, probablement juste parce qu’il y a une banderole. Les coups pleuvent. La tête de cortège, sur laquelle on est, est encore sectionnée par des charges incessantes qui empêchent toute solidarité et organisation. Et les flics nous font courir comme ça jusqu’à Charonne.
Mais pourquoi pas de manifs sauvages ?
C’est vers ce moment-là qu’on voit pour la première fois des rues sur le côté complètement vides de flics. On est environ 3000 en tête dont beaucoup de camarades. On se pose alors grandement la question de savoir pourquoi on ne part pas en manif sauvage. En effet, on se fait balader par les flics depuis le début de la manif, on est complètement à la merci de leur dispositif et c’est très désagréable. Mais on a la bizarre sensation que les gens veulent rester dans ce dispositif. Alors certes il doit y avoir des équipes de BRAV-M qui tournent dans les rues parallèles. Mais on est très nombreux et nombreuses et il y avait moyen de faire péter leur dispositif. Et puis même, quitte à se faire gazer et défoncer, autant ne pas le faire dans le cadre qu’a choisi la préfecture de police non ?
Du coup ça nous fait chier, on redescend dans la partie « basse » de la manif où ça s’est grandement calmé. La tête de cette partie de la manif est composée majoritairement de gilets jaunes. On peut constater la foule compacte des gens. Il y a vraiment du monde. Ça fait plaisir.
Nation reste nation
Une fois arrivés à Nation l’ambiance est vraiment détendue. On traîne, on cause avec les camarades qu’on n’avait pas encore vu, on se repose. Il faut une heure et demi au moins entre les premiers et les derniers arrivés ce qui est important quand même, surtout au vu de la densité du cortège. Je suis d’un côté de la place qui ne me permet pas de voir l’attaque contre les camions de la CGT qui anime tant les réseaux sociaux et les médias réac. Je ne commenterai donc pas ce brillant moment.
Même si la manif a été très massive et c’est quand même une vraie réussite après un Premier Mai de l’an dernier qui n’a pas eu lieu, nous devons re-réfléchir à nos manières de manifester. Ce n’est vraiment pas agréable de subir ainsi les charges incessantes des keufs et leur arbitraire. On est bien loin d’un maintien de l’ordre et il va falloir se rendre à l’évidence : nous devrons être plus organisés pour reprendre la rue !