Pourquoi je n’aime pas “Land and Freedom” de Ken Loach

Critique subjective du film de Ken Loach « Land and Freedom », sur la guerre d’Espagne. Ce film plébiscité par les milieux militant n’échappe pas à certains écueils...

En défense de Land and Freedom, j’entends dire : « Malgré ses défauts, enfin une œuvre grand public révèle les conflits au sein du camp républicain, notamment les affrontements de mai 37 : le film a donc un intérêt historique, et il invite à en apprendre plus ».

L’argument est faux pour plusieurs raisons :

D’abord, mettre sur la place publique les journées de mai 37 n’a pas du tout la même portée en 1937 et 70 ans plus tard. Orwell, dont l’expérience en Espagne n’est pas éloignée de celle de David, a eu le plus grand mal à faire publier Hommage à la Catalogne. Les 1.500 exemplaires imprimés en 1938 n’étaient pas épuisés lors de la réédition en 1951. Du vivant d’Orwell, il n’y eut qu’une traduction, italienne. L’édition américaine attendra 1952, la traduction française 1955. Depuis, le livre – lu ou non – fait partie du bagage intellectuel du militant politique ou de l’homme cultivé. Le spectateur moyen du cinéma de Ken Loach est au courant des luttes « intestines » ou « fratricides » entre anarchistes et communistes pendant la guerre d’Espagne. Que lui apporte de plus Land and Freedom ? Il assiste sur l’écran à des affrontements aux protagonistes énigmatiques : POUM, CNT, communistes (staliniens ou communistes, quelle différence ?!), trotskystes… rien de cela n’est éclairé, tout ce que nous en retenons, c’est que les perdants (POUM et anars) avaient probablement raison sans être capables de l’emporter, et que les staliniens (le totalitarisme) et les fascistes ont gagné, heureusement l’histoire a tourné la page, Franco est mort et l’URSS aussi. Des images de combats de rue en mai 37 à Barcelone n’en apprennent pas plus.

Ensuite, que comprend-on en s’identifiant à un Bien contre un Mal ? On se prépare à partir en lutte (sinon en guerre) contre tout ennemi susceptible d’être présenté comme diabolique (un des derniers en date : le terroriste poseur de bombes dans le métro), face auquel tout pouvoir, même détestable, sera un moindre mal.[2]

Enfin et surtout, le film escamote l’enjeu politique de la guerre d’Espagne :

Pour la Gauche Communiste (surtout italienne, mais aussi germano-hollandaise, avec moins d’insistance), à partir du moment où les prolétaires acceptaient de combattre le fascisme sous la direction de l’État démocratique, ils se condamnaient doublement à l’échec : sur le plan des conquêtes sociales, sur celui de l’action militaire. Cette position était ultra-minoritaire en 1937, elle l’est restée.

Mais si l’on refuse cette position, si l’on pense qu’il fallait combattre Franco par une armée populaire plus efficace, appuyée sur toutes les forces démocratiques, incluant les bourgeois à condition qu’ils participent à la lutte antifasciste, en ce cas, qui a raison ? La petite milice du POUM forte de sa seule énergie prolétarienne ? Ou un solide outil militaire faisant appel à la discipline traditionnelle des armées, mobilisant toutes les compétences, y compris celles des officiers conservateurs pour peu qu’ils soient antifranquistes ?

Land and Freddom ne dit pas le contraire, de ce débat il ne dit rien, il nous fait éprouver une émotion et de l’empathie pour un groupe contre un autre. Les petits contre les puissants.

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Mots-clefs : cinéma | guerre d’Espagne

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