L’étendue des cas de viols, d’agressions et d’harcèlements dont sont victimes des militantes, aussi bien en France que dans d’autres pays, met en évidence qu’il ne s’agit pas de cas individuels d’infiltration par des manipulateurs sexuels. Le phénomène témoigne d’une culture du viol persistante, d’autant plus assumée que les victimes sont culpabilisées (et le plus souvent ostracisées) et leur parole niée. Il s’agit d’un processus de déqualification courant et bien documenté qui tend à protéger les agresseurs et qui, dans le cas du militantisme, se double de l’accusation de faire du mal à la cause, ici l’antispécisme. C’est un paradoxe, un piège dont le combat antispéciste doit s’extraire, car cela revient à minorer les atteintes faites à la dignité et aux droits des femmes ! Comment dès lors porter le combat pour les autres espèces quand on refuse de voir les violences faites à la moitié de la population de sa propre espèce ?
Les États-Unis, creuset de l’antispécisme et de la culture du viol
Dès ses origines, PETA(conférer un précédent article) a assumé la récupération des codes marketing d’exploitation de la femme par le milieu de la protection animale. Rares sont les militantes (et particulièrement les responsables d’organisations) qui le conscientisent, ou du moins qui jugent l’atteinte à l’image des femmes (objectification sexuelle, grossophobie…) suffisante, pour rejeter en bloc cette manière de faire. Croyant subvertir la mentalité carniste en utilisant la sexualisation à outrance, le mouvement vegan ne fait, au contraire, que se soumettre et renforcer la domination masculine.
Les effets en sont dévastateurs et touchent au-delà du cercle antispéciste des organisations plus « vénérables » de la protection animale. La Humane Society of the United States, sorte d’équivalent américain de la SPA spécialisée dans le lobbying, a finalement dû se débarrasser de son président, Wayne Pacelle, harceleur sexuel multirécidiviste. Et encore, ce prédateur a profité de l’omerta que faisait régner ses principaux collaborateurs et les membres de son conseil d’administration pendant plus de 10 ans ! Avant lui, son vice-président, Paul Shapiro, avait bénéficié de son appui pour étouffer ses propres méfaits d’exhibition et d’harcèlement sexuels !
Cela démontre une véritable culture du viol imposée par les dirigeants, et donc les dominants, de la Humane Society, où la mission première de protection animale sert d’arme de culpabilisation pour obtenir la soumission des victimes. Ce n’est que face à la médiatisation des affaires et au courage des victimes que la situation est devenue intenable.
L’histoire est la même pour Nick Cooney, fondateur des associations américaines The Humane League et ancien vice-président de Mercy For Animals. Dans les deux cas, il a été démissionné de force (et non pas viré, ce qui est loin de faire passer le même message) après de multiples signalements d’harcèlement sexuel et moral, et seulement une fois que des donateurs se sont mobilisés. Sinon, il continuerait de profiter du silence coupable des autres responsables de ces associations.
Dans ces différents cas, comme dans d’autres, le constat est le même : plutôt que de l’empathie pour les victimes et du dégoût pour les criminels, la plupart des commentaires ont porté sur l’impact de ce scandale sur l’image publique des associations concernées. On assiste à une inversion de la culpabilité : faire porter le blâme sur les victimes qui ont parlé au lieu des coupables dont ce sont les agissements qui ont causé du tort à la cause.
« Name and shame », quand les victimes contrattaquent : le cas Direct Action Everywhere
Cette manière de faire est devenue la marque de fabrique de Direct Action Everywhere, tant les témoignages concordants sont nombreux et étalés dans le temps. Systématiquement, les violeurs et les manipulateurs sexuels sont protégés tandis que leurs victimes sont harcelées, dénigrées jusqu’à ce qu’elles craquent et quittent le mouvement. Pourquoi les prédateurs bénéficient d’une telle protection ? Car ils font partie du « Core » (le noyau des principaux membres de DxE, installés à Berkeley, en Californie) et sont proches de Wayne Hsiung, cofondateur et leader du groupe. Chez DxE, tout se résume à cela : bénéficier des faveurs du chef et de ses kapos (y compris des femmes), ce qui garantit une totale impunité.
Le fonctionnement du système Direct Action Everywhere est dénoncé depuis plusieurs années, notamment par Carol J.Adams (féministe et vegane, autrice de « The sexual politics of meat », devenu un classique) qui considère qu’il s’agit d’une secte, ce que confirment d’anciens membres de l’organisation. Dans celle-ci, les membres expérimentés (et souvent plus âgés) utilisent l’emprise exercée par le groupe pour abuser de jeunes militantes.
Le procédé décrit par les victimes du système DxE est toujours le même :
1. Sidération face à l’agression ou prise de conscience progressive (car refus initial de voir) d’un climat de domination masculine.
2. Prise de parole pour évoquer les violences physiques ou morales.
3. Intervention de la « conflict resolution team » censément là pour protéger la victime (en tout cas c’est que dit le grand chef Wayne Hsiung).
4. Prise de conscience du rôle réel de la « conflict resolution team » de protection des membres du « Core », en faisant pression sur la victime pour qu’elle ne parle pas : chantage affectif (appartenance au groupe) et remise en cause des convictions de la victime (qui ferait le jeu des carnistes).
5. Mise au ban du groupe : propagation de rumeurs, harcèlement groupé, exclusion des cercles militants (sur le web et sur le terrain).
6. Départ de la victime harcelée, sa parole aura été discréditée pour éviter toutes conséquences pour l’agresseur auprès des autres proies potentielles.
A aucun moment, la culture du viol n’est remise en cause. Au contraire, les militantes agressées sont présentées comme des traitres. Wayne Hsiung n’hésite d’ailleurs pas à plonger dans le complotisme pour démontrer que toute personne qui sort du rang pour dénoncer les agissements de certains est forcément un indic du FBI !
Face à cette machine à broyer, les victimes (nombreuses) se sont rapprochées et ont tout d’abord essayé de changer Direct Action Everywhere de l’intérieur. Sans succès, malgré leur affirmation claire de la présence de prédateurs sexuels au sein de DxE et la dénonciation de la protection dont ils bénéficient. Elles ont donc dénoncé ouvertement leurs bourreaux grâce à un site web et en témoignant auprès de féministes et de vegans prêts à les épauler. Surtout, les personnes agressées ont fait ce dont leurs bourreaux ont le plus peur : les mettre sous les projecteurs.
Pratique permettant de renverser le rapport de force, les victimes du système DxE nomment et jettent l’opprobre sur les prédateurs. Dans le cas de Direct Action Everywhere, plusieurs ont déjà été identifiés…sans pour autant que l’organisation fasse le ménage !
Ainsi, Hugo Dominguez (spécialisé dans le harcèlement moral et sexuel et le recel de photos explicites volées) a juste dû s’excuser publiquement, avant d’être mis au vert pendant un an en Australie (où il a également sévi), et de réintégrer ensuite DxE comme si de rien n’était. Ses complices n’ont d’ailleurs pas hésité à menacer les autres militants de prendre la porte s’ils y voyaient un problème (toujours le chantage). Hugo Dominguez n’est cependant pas un cas isolé, c’est au contraire l’arbre qui cache la forêt ! Les autres, violeurs patentés, courent toujours : Ronnie Rose (co-fondateur), Assaf Pashut (Core), John Bowlin (Core)…
Et en France ?
Les États-Unis ne sont malheureusement pas un cas isolé, le milieu de la protection animale français compte aussi son lot d’agresseurs sexuels ! Depuis le début de l’année 2019, la parole se libère (un peu), car les victimes sont confrontées à des mécanismes tout à fait semblables à ceux qui s’exercent chez Direct Action Everywhere.
Grâce au courage des militantes qui se sont associées pour porter le projet « Balance ton pourri », les prédateurs sexuels commencent enfin à être clairement désignés, obligeant les organisations qui les ont couverts à prendre leurs responsabilités. Ont déjà été identifiés plusieurs sinistres personnages qui évoluent aussi bien à Paris que dans le reste du pays, et font partie de groupes aussi divers que Greenpeace, Vegan Impact ou C’est Assez.
A part, William Burkhardt « pornifieur » et le cofondateur de Direct Action Everywhere France, fait également l’objet d’un site qui dénonce ses méthodes de manipulation sexuelle et de commercialisation du corps des femmes. Ce cas démontre une nouvelle fois la culture du viol qui définit Direct Action Everywhere, ses agissements étaient en effet connus de longue date avant que soit créé DxE France. Les responsables américains ne pouvaient donc ignorer adouber un promoteur assumé de la domination masculine, d’autant que celui-ci ne s’en cache pas et utilise le corps des femmes pour vendre ses produits dérivés.
Des militantes prennent donc enfin la parole pour dénoncer les prédateurs qui fréquentent les milieux antispécistes français. Aussi longtemps qu’ils seront là, ils nuiront à la cause : eux et par leurs victimes. Il est donc grand temps de tirer la chasse, et il faudra très probablement le faire plusieurs fois, car il faut s’attaquer à une culture du viol solidement implantée dans les milieux vegans !