Politiques sécuritaires : la vague verte a des reflets bleus

Les nouveaux maires Europe Écologie-Les Verts mettront-ils fin à la surenchère techno-sécuritaire à l’échelle locale ? L’analyse de leurs programmes, déclarations et premières décisions ne laisse augurer aucun changement majeur. En termes de vidéosurveillance, comme d’armement ou d’effectifs des polices municipales, la désescalade attendra.

Dans la victoire de quelques listes estampillées Europe Écologie-Les Verts (EELV) aux élections municipales, la presse nationale s’est empressée de voir une « vague verte » qui marquerait un tournant historique. Et mi-août, à la veille des journées d’été des écologistes organisées à Pantin (Seine-Saint-Denis), de nombreux médias ont envoyé leurs journalistes se balader à Tours, Lyon, Bordeaux ou Strasbourg pour voir comment ces nouveaux maires tentaient d’« imprimer leur marque » [1]. De quelques actes symboliques (un buffet végétarien le jour de l’installation de la nouvelle maire de Strasbourg, des vélos en libre-service dans l’entrée de l’hôtel de ville de Bordeaux, une nouvelle piste cyclable dans le centre-ville de Tours), certains journaux se sont empressés de conclure que « la donne politique [avait] changé » [2].

Celles et ceux qui ne voient pas plus loin que le guidon de leur vélo fantasmeront sans doute la portée de ces nouveaux aménagements ; on est pourtant loin d’assister à une rupture radicale en matière de gestion municipale. Constat particulièrement prégnant dans le domaine de la sécurité, où les grandes déclarations de principe d’EELV s’effacent pour laisser la place à un discours et des pratiques qui n’ont rien à envier à la droite. Au nom du pragmatisme, les élus verts donnent des gages aux amateurs d’uniformes, qu’il s’agisse de vidéosurveillance, d’armement ou d’effectifs policiers.
Tasers, caméras... : la décroissance sécuritaire attendra

Dans la profession de foi d’EELV sur la question de la sécurité à l’échelon municipal [3], on trouve une critique de la « surenchère sécuritaire », accompagnée d’une dénonciation de la militarisation de la police municipale, des armes dites « non létales », de la vidéosurveillance, et des approches purement répressives. Il y est aussi question de médiation, de tranquillité, d’ « expertise citoyenne » et de « diagnostics partagés ». Les Verts assurent souhaiter une distinction claire entre les missions de la nationale et de la municipale, l’une étant chargée de la lutte contre les crimes et délits, l’autre s’occupant (entre autres missions) de la lutte contre les nuisances sonores ou les dépôts sauvages de déchets. Une approche qui a globalement suscité l’enthousiasme du sociologue Sébastien Roché, lequel s’enflammait le 1er juillet dans La Gazette des communes : « Avec les écologistes, on peut s’attendre à un tournant dans les politiques de sécurité » [4].

Ces beaux engagements ne résistent pas à l’examen des politiques menées par les élu·es EELV. À son arrivée à la mairie de Grenoble, en 2014, Éric Piolle avait suspendu le projet d’équiper d’armes à feu les policiers municipaux, et annoncé qu’il allait démanteler le dispositif de vidéosurveillance. Finalement, les caméras n’ont pas été démontées, et Piolle a fini par armer ses flics de pistolets à impulsions électriques. Le Grenoblois, qui compte parmi les prétendants écologistes à la présidentielle de 2022 et fait figure de modèle pour les nouveaux élus, a également recouru à sa police pour museler les opposant·es qui manifestaient contre ses politiques d’austérité, déployant ses troupes devant l’hôtel de ville pour empêcher toute perturbation du conseil municipal. Puis s’est félicité que plusieurs zones de l’agglomération iséroise soient intégrés au dispositif des « quartiers de reconquête républicaine » lancés par Gérard Collomb et Christophe Castaner quand ils étaient ministres de l’Intérieur.

Dans la roue de Piolle, le nouveau maire de Tours, Emmanuel Denis, a abandonné son opposition à la vidéosurveillance à mesure qu’il se rapprochait de l’élection. Finie, la reprise d’études scientifiques concluant à l’inutilité des caméras pour lutter contre la délinquance ; désormais, le maire Denis assure que c’est tout de même bien pratique, et s’engage à équiper le centre de supervision urbain (CSU) d’un nouveau serveur. La critique de l’armement des policiers municipaux, relayée timidement par ses allié·es de la France insoumise, a été balayée : la « mumu » conservera ses revolvers calibre 38, bien connus pour être d’efficaces outils de médiation.

Notes

[1« Les premiers pas des nouveaux maires écolos », Aujourd’hui en France (21/08/2020).

[2Ibid.

[3« Sécurité, prévention, tranquillité : au cœur de l’écologie municipale », EELV.fr (10/03/2020).

[4La Gazette des communes (01/07/2020)

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