On occupait depuis 3/4 jours des bureaux, un appartement et un hangar situés sur les mêmes parcelles appartenant à l’EPFIF (établissement public foncier d’IDF). Les locaux étaient vacants depuis plusieurs années et un projet de démolition datant de 2022 était affiché sur la façade. On s’est visibilisé publiquement le mardi 3 octobre vers 16h avec des preuves d’occupation de plus de 48h (certi-photos et contrat d’électricité).
Les flics sont venus assez vite et un vigile est arrivé, envoyé par le proprio. Le vigile n’avait jamais vu le bâtiment auparavant, il a checké à partir d’une photo google maps de la façade s’il y avait des dégradations nouvelles des fenêtres et portes côté rue. Il a aussi dit qu’une alarme aurait sonné le matin, ce qui s’est avéré être faux par la suite. Le vigile est resté les deux jours suivants dans sa voiture garée dans la rue, sans empêcher qui que ce soit de rentrer dans le bâtiment.
Le jeudi 5 en début d’après-midi, on apprend qu’un squat au Pré-Saint-Gervais est en train de se faire expulser par les keufs des Lilas. Le proprio est aussi l’EPFIF. Une alarme sourde aurait été déclenchée le matin même et daterait l’entrée le jour même dans la maison. Pourtant, les habitant.es occupaient le bât depuis 2 mois, il n’y avait pas eu de passage de la police ni d’huissier. Les voisin.es ont confirmé aux keufs que la maison était habitée depuis plusieurs mois. L’expulsion est liée à la nouvelle loi Kasbarian. Sur les 5 personnes sur place, 2 personnes sont mises en garde-à-vue pour « introduction et maintien dans un local à usage d’habitation » puis sortent sans suite.
Le lendemain, à 6h30, une dizaine de camions de gendarmerie nationale, la BAC, des keufs des Lilas et la BI (brigade d’intervention) sont devant le bât. Ils essaient les clés fournies par une représentante de l’EPFIF sans succès puis défoncent toutes les portes sommairement barricadées pour chercher les personnes à l’intérieur. Tout va très vite, en 10 min ils sont déjà au dernier étage. C’est une perquisition pour le nouveau délit lié à la loi Kasbarian et non une expulsion, mais de fait tous.tes les occupant.es sont mis.es en garde-à-vue sauf celleux qui ont réussit à s’enfuir et le bât est remis au proprio (qui a placé un vigile, un chien, de nouvelles alarmes et remplacé la porte).
4 personnes ont été interpellées : 3 sur les toits et une poursuivie sur les toits, dans des jardins et jusque dans le hall d’un immeuble voisin par la BAC. Elles sont placées en garde-à-vue pour :
- introduction dans un local à usage d’habitation, commercial, agricole ou professionnel à l’aide de manœuvre, menace, voie de fait ou contrainte - occupation frauduleuse ;
- maintien dans un local à usage d’habitation, commercial, agricole ou professionnel à la suite d’une introduction à l’aide de manoeuvre, menace, voie de fait ou contrainte - occupation frauduleuse ;
- complicité de dégradation ou détérioration du bien d’autrui commise en réunion (ce chef d’inculpation est rajouté après, il permet d’obtenir une réquisition pour prendre les empreintes de force).
Le refus de signalétique est ajouté aux chefs d’inculpation pour 2 personnes et leurs empreintes sont prises par la force.
Deux personnes sont reconnues par les renseignements territoriaux dès leur interpellation, une autre est identifiée suite à la prise des empreintes digitales, qui correspondent à des empreintes déjà enregistrées dans le FAED (fichier automatisé des empreintes digitales) et pour la dernière, les flics trouvent une carte vélib avec un nom de famille et retrouvent la personne en consultant le fichier du TAJ (traitement des antécédents judiciaires).
Les dégradations seraient liées à la porte et aux fenêtres du 1er étage. Selon la représentante de l’EPFIF, il manquerait le montant de la porte anti-squat et sa clé ne tourne pas dans sa serrure. Bien sûr, le montant de la porte n’a jamais été enlevé et si ses clés ne marchent pas, c’est simplement qu’elle n’avait pas les bonnes clés. Pour dater l’entrée dans les lieux et contester les preuves, elle parle d’une entrée en pleine journée, le matin de la visibilisation, avec une échelle dans la rue pour monter au premier étage. Elle assure que les fenêtres auraient été forcées de l’extérieur pour pouvoir rentrer. Elle est à côté de la plaque, c’est un boulevard très passant, pas très prudent comme entrée, surtout qu’il y a une caméra municipale à même pas 20m de la porte. Elle souligne que les alarmes fonctionnaient parfaitement et qu’elles n’ont pas été endommagées.
Bref 0 voie de fait, aucune alarme déclenchée qui daterait une entrée ultérieure aux preuves, pas de dégradation : c’était plus que carré comme ouverture. À leur arrivée les flics présument que c’est l’équipe de la baudrière (squat anarcha-féministe-tpg expulsé fin août à Montreuil) qui occuperait les lieux. C’est peut être pour ça que c’est allé aussi vite.
Une personne venue en soutien est interpellée devant le bât alors qu’elle tentait de se rapprocher de la porte laissée ouverte quand les flics ont commencé à s’éloigner. La proprio a attiré l’attention de la police qui a plaqué au sol puis placé en garde-à-vue la personne pour rébellion et tentative d’introduction dans un local à usage d’habitation, commercial, agricole ou professionnel, à l’aide de manoeuvre, menace, voie de fait ou contrainte - occupation frauduleuse. Elle sortira le soir avec une convocation pénale.
Les 4 autres sortent le samedi soir avec une CPVCJ, convocation par procès-verbal assorti d’un CJ (contrôle judiciaire). Le procureur a demandé une interdiction d’entrer en contact, une interdiction du 93, un pointage hebdomadaire au commisariat mais le JLD (juge des libertés et de la détention) garde seulement comme CJ une interdiction de revenir à l’adresse du bâtiment. Le procès est prévu pour février 2024 au tribunal de Bobigny. L’EPFIF porte plainte pour les dégradations de la porte.
l’article 315-1
Quelques détails et quelques réflexions sur l’article 315-1 du code pénal, qui est créé par la loi Kasbarian, et qui a permis l’expulsion aux Lilas. L’article de loi, ça dit : « L’introduction dans un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte, hors les cas où la loi le permet, est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Le maintien dans le local à la suite de l’introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines. »
Bon, alors, qu’est-ce que ça veut dire ?
Ce qui est répréhensible, c’est d’ouvrir un bat en faisant des voies de fait, mais c’est aussi d’être dans un local qui a été ouvert avec des voies de fait, même si on ne t’accuse pas d’avoir fait des voies de fait.
« local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel » : cette liste regroupe probablement à peu près tous les locaux : une école, c’est un bâtiment professionel selon le cadastre, un centre médical, c’est un bâtiment professionnel selon le cadastre (pour info, la liste des bâtiments professionnels est disponible ici, https://www.impots.gouv.fr/sites/default/files/formulaires/6660-rev/2021/6660-rev_3555.pdf, page 3-4). Reste que les églises qui ne rentrent peut être pas dans ces catégories visiblement.
Les « voies de fait » : la voie de fait c’est pas non plus quelque chose qui est légalement défini clairement. Dans les affaires de squat, la définition se base sur les jurisprudences et varie selon les départements : dans certains, l’occupation sans droit ni titre est considérée directement comme une voie de fait, dans d’autres, le propriétaire droit apporter des éléments concrets montrant qu’il y a eu voie de fait : serrure cassée par terre, fenêtre cassée. Probablement, pour ce délit, la jurisprudence va s’harmoniser au niveau national.
Maintenant, le problème, c’est que pour mettre en garde-à-vue des gens, et pour procéder à une perquisition qui se transforme en expulsion, pas besoin de "prouver" la voie de fait, il suffit que les keufs soupçonnent l’existence d’une voie de fait même si après le proc décide de classer sans suite tellement leur dossier est claqué, même si en procès t’auras une relaxe.
Est-ce que ça veut dire qu’on peut se faire tej de notre squat à n’importe quel moment ? Logiquement, à moins que les condés soient très vicieux, ils vont ouvrir au moment de leur premier passage au squat, lors de la visibilisation, une enquête de flagrance (une des trois catégories d’enquête). Cette enquête ne peut durer plus de 8 jours. Ca veut dire que la perquisition-expulsion peut avoir lieu dans ces 8 jours. Au-delà, l’enquête peut être tout simplement fermée ou transformée en enquête préliminaire. Mais, dans les enquêtes préliminaires, la perquisition ne peut avoir lieu sans l’accord de la personne perquisitionnée que dans certains cas (condition nécessaire : le délit doit être puni de plus de trois an d’emprisonnement), et notamment pas dans le cas de l’introduction par voie de fait et du maintien dans un local. Du coup, au-delà des 8 jours suivant la visibilisation, le risque de perquisition-expulsion est quand même considérabement réduit. Précisions : les keufs peuvent pas ouvrir 2 enquêtes pour les mêmes faits, c’est pour ça qu’au bout de 8 jours, c’est bon normalement.
Si vous avez des questions, des retours d’expériences ou autres, on est chaud.es. On patauge un peu pour comprendre pourquoi ya des ouvertures qui marchent ou non en ce moment. Vous pouvez nous écrire à squatex.antikasb@brief.li
Les chatons sont plus mignons que Kasbarian même si tous deux ont des moustaches.