Suite à l’appel du Printemps de la psychiatrie, opération « déconnexion », halte au codage du soin, et à l’enquête militante sur les logiciels de recueil de données informatiques en psychiatrie, nous avons décidé de passer à l’action au milieu de la période de confinement.
Voici notre communiqué :
Nous, soignantes et soignants du collectif de la pédopsychiatrie publique du 19e arrondissement de Paris intégrée au groupement hospitalier universitaire – Paris, psychiatrie & neurosciences (GHU), avons décidé, à compter de ce jour et pour une durée illimitée, d’une grève des actes et des données. Cette décision nous la prenons alors que l’épidémie de Covid-19 bat son plein et que la direction nous impose de remplir des grilles d’actes pour coder le télétravail. Nous refusons de participer à la normalisation de ce recours au télétravail. Et plus généralement, nous refusons de continuer à participer au recueil d’informations médicales en psychiatrie (RIM-P) via le logiciel Cortexte qui est le bras armé des mesures d’austérité, du lean management et du contrôle gestionnaire de nos services qui pèsent depuis de nombreuses années sur la psychiatrie publique. Ce recueil de données prépare la réforme du financement de la psychiatrie qui se verra imposée un système de tarification standardisée pour janvier 2021 très proche du système de tarification à l’acte à l’hôpital général (médecine, chirurgie et obstétrique). Nous voyons bien, à l’heure qu’il est, le péril que représentent ces politiques gestionnaires.
Nous sommes effectivement contraints d’utiliser le téléphone et certains outils numériques pour maintenir un lien avec les familles et les enfants que nous accueillons en temps normal. Nous inventons chaque jour et au cas par cas des pratiques pour répondre à certaines situations préoccupantes. Nous rendons visite à certains enfants et parents aux pieds des immeubles quand cela nous semble nécessaire. Nous essayons de maintenir des espaces d’élaboration collective via des applications, mais nous sommes très loin de nous en satisfaire.
Tout le monde peut aisément comprendre que nous avons bien autre chose à faire et à penser en cette période inédite que de perdre du temps à remplir des actes.
Il y a un an, le 17 avril 2019, la pédopsychiatrie publique du 19earrondissement de Paris se mettait en grève pour dénoncer et faire connaître les graves attaques idéologiques et financières qu’elle subit. Par cette grève, nous avions aussi souhaité nous faire l’écho de l’immense majorité des secteurs de pédopsychiatrie qui ne peuvent plus effectuer leur mission de service public pour accueillir et soigner de façon inconditionnelle les enfants et familles de nos quartiers.
Il aura fallu une crise sanitaire pour qu’une fois de plus la population découvre ce que bon nombre de soignants dénoncent depuis des années, un hôpital à bout de souffle, détruit par les régimes d’austérité et les réformes successives, élaborées méthodiquement depuis plus de 20 ans, par les politiques néolibérales de gauche comme de droite. Que l’on soit un agent dans les services de soins généraux ou en psychiatrie, les constats et les logiques de destruction sont les mêmes. Cette tendance touche les secteurs du social et du médico-social via ces mêmes logiciels. Et ce sont les mêmes injonctions des directions à les remplir, même dans cette période de pandémie, qui font réagir de plus en plus de travailleurs sociaux en grande difficulté.Pour gérer la pénurie, le GHU Paris psychiatrie et neuroscience a fait appel aux mécénats des grandes entreprises et groupes financiers et a ainsi levé des fonds pour le matériel de protection des soignants. Nous voyons ainsi la logique des partenariats publics/privés se renforcer comme l’annonce une enquête récente sur la caisse de dépôts sur Médiapart. Les données que les soignants renseignent sur les logiciels que nous dénonçons servent déjà à affiner et valoriser les produits de start-up en e-santé mentale. L’enquête militante sur les logiciels de recueil de données en psychiatrie produite par la Commission contre les outils gestionnaires du Printemps de la psychiatrie montre que le GHU a inauguré une pépinière d’entreprise sur le site de Sainte-Anne. Cette pépinière pilotée par l’entreprise Paris BioTech Santé travaille main dans la main avec le laboratoire de recherche du GHU qui s’est doté d’un hangar de données pour traiter celles-ci par algorithmes. Et ce serait à nous de continuer à leur fournir ces données ? Ce serait aux patients d’accepter que les informations relatives à leur santé transitent vers des start-up ?
Maintenant, nous disons STOP ! Nous ne recommencerons pas demain comme avant ! Nous savons que cette crise va servir, une fois de plus, d’alibi à nos gouvernements pour accélérer les réformes vers un système de santé privatisé.
Il est urgent de préparer l’après-confinement dès aujourd’hui en sortant de l’emprise de ces outils et procédures imposés par la machine gestionnaire et technocratique en arrêtant de les alimenter.
Il est urgent de refonder un financement aligné aux besoins que les acteurs de terrains font remonter à l’État et aux tutelles.
Nous appelons dès à présent, avec le Printemps de la psychiatrie à une grève des actes et des données informatiques en psychiatrie et dans les secteurs sociaux et médico-sociaux comme cela est le cas à l’hôpital général.
Nous opposons au recueil de données informatiques le recueil de témoignages, de récits de vie en période de confinement, de déclarations d’actions ou toute autre forme qui permette de nous rendre visibles !
Le Collectif de la pédopsy du 19e en lutte
Pour nous écrire, nous soutenir, nous rejoindre dans l’action : collectifpedopsy19@gmail.com
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