Ni derrière ni devant, au milieu

| Cerveaux non disponibles

Et si la meilleure tactique qu’on pouvait apporter à la manif nationale de mardi c’était de n’être ni devant ni derrière, mais au milieu. Toutes et tous dans le même bateau. Faire bloc commun plutôt que cortège de tête, pour que puissent jaillir toutes les potentialités. Voici une contribution qu’on publie volontiers, un appel à renouveler la configuration des manifs et qui sait, permettrait de créer la surprise qui saura faire reculer l’État sur sa réforme phare tous ensemble, d’un même pas, d’un même bloc.

Ni derrière ni devant, au milieu

Un article initialement publié sur Cerveaux non disponibles.

Dans l’histoire des manifs, les plus radicaux étaient normalement relégués en queue de cortège. Depuis 2016, en France, lassés de suivre des ballons ronds-ronron, des travailleurs, des précaires, des chômeurs, des étudiants ont inventé le cortège de tête. À savoir, casser les codes établis par les centrales syndicales et leurs services d’ordre, rompre avec le rituel des manifs encadrées, gnangnan et aux slogans surannés.

Cette idée, cette dynamique collective a eu de l’effet et s’est démontrée gagnante au printemps 2016, comme elle a connu quelques succès dans certains moments de lutte dans les années suivantes. Mais elle a aussi montré ses limites : face à un cortège de tête déterminé, l’État déploie désormais un arsenal répressif absolument démesuré, impossible à contrecarrer dans un face-à-face ou un côte-à-côte. Surtout sur des avenues vidées de voitures et de passants, les commerces fermés, laissant face à face dans ce désert urbain policiers et manifestants.

Alors, que faire ? Dans l’histoire des mouvements populaires insurrectionnels, il apparaît que ce sont les masses qui font l’histoire. Les personnes qui prennent conscience des grands enjeux de société, qui s’organisent entre eux, qui prônent et mènent le combat ne peuvent pas gagner sans un soutien massif de la population, y compris dans la rue.

Ni derrière ni devant, au milieu, fondus parmi les masses. Politiquement, stratégiquement, pratiquement. Depuis 2016 en France, c’est quand des masses, des foules, des milliers et des milliers de grévistes et de manifestants se sont exprimés pour dire leur ras-le-bol de cette société classiste, sexiste, raciste, que le pouvoir a vacillé. C’est quand des milliers et des milliers de personnes n’ont pas reculé devant les CRS au printemps 2016 contre la réforme du droit des travailleurs que le pouvoir a pris peur. C’est quand des milliers de Gilets jaunes ont envahi les Champs-Élysées et les beaux quartiers en décembre 2018, parmi les bourgeois résidants et les touristes ahuris, que le pouvoir a paniqué. C’est quand des milliers et des milliers de Gilets jaunes, le 16 mars 2019, ont fait bouclier face aux CRS pour les empêcher d’attraper les « casseurs » que le peuple a triomphé. Aussi, c’est quand des perturbateurs se sont fondus dans la foule des Halles, le 16 novembre et le 7 décembre 2019 derniers, que le dispositif policier a été dépassé (mais pas le jeudi 12 décembre, téléphoné).

La surprise. Quand les révolutionnaires arrivent à niquer le pouvoir, c’est quand les salopards n’ont pas vu venir précisément. Un constat et peut-être une règle de comportement : se fondre dans la masse, agir avec les masses. De toute façon, ce sont les ouvriers de la RATP, de la SNCF, des transports, des raffineries, des hôpitaux, des plateformes de distribution, et tous les précaires, étudiants et chômeurs qui peuvent faire plier ce gouvernement et abattre le système capitaliste et inhumain que nous subissons. Comme avec le mouvement des Gilets jaunes, il faut être dedans, intérieur au mouvement, au milieu des manifestants.

Le mardi 17 décembre, comme depuis le 5 décembre et la grève illimitée déclenchée par les ouvriers RATP, SNCF, Éducation nationale et autres travailleuses et travailleurs en lutte, ce n’est pas seulement pour défendre un régime de retraite juste et digne qu’il s’agit de lutter, mais pour un autre système social, d’autres temps et formes de vie désirables.

Soyons parmi nos collègues, nos amis, nos camarades, pour revendiquer « un monde meilleur pour l’honneur des travailleurs ». Et si des groupes plus déter que d’autres feront de l’autodéfense anticapitaliste et antiautoritaire, le peuple pourra les protéger.

Venez comme vous êtes, en jaune, en rouge, en mauve, en noir ou en vert. Des slogans, des regards, des sifflotements, des connaissances nous rassembleront.

Une grève qui rêve déjà grave de son Noël…

À Paris le rendez-vous est donné mardi à 11h30 à République, départ 13h30

Note

Un article initialement publié sur Cerveaux non disponibles.

Localisation : Paris

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