Liberté pour les inculpés du 18 mai et pour tou.te.s les autres !

« Nous sommes des manifestant.e.s contre la loi Travail. [...] Nous écrivons ce texte en défense des personnes interpellées suite au feu de joie du mercredi 18 mai, dans lequel une voiture de police a disparu. [...] Si nous écrivons ce texte, ce n’est pas pour nous adresser aux juges de ce pays mais à vous que nous croisons tous les jours un peu partout. Méfiez-vous du prétendu bon sens des flics, des ministres et des médias. »
Ce texte est une tribune libre en soutien aux inculpés du 18 mai. Il est la propriété de celles et ceux qui s’y reconnaissent.

Liberté pour les inculpées du 18 mai et tou.te.s les autres !

Nous sommes des manifestant.e.s contre la loi Travail. Nous sommes des syndicalistes. Nous sommes des profs, des intérimaires, des précaires, des chômeuses, des étudiants... Nous nous sommes croisé-e-s au boulot, en réunion de collectifs variés, en terrasse d’un bar, en manif. Nous sommes celles et ceux qui ont crié des slogans et tenu des banderoles à vos côtés. Nous sommes aussi celles et ceux que vous croisez parfois en train de distribuer des tracts ou de partager du sérum phy quand « ça pète ». Il arrive que vous ne nous reconnaissiez pas quand nous protégeons nos visages et nos corps des caméras indiscrètes et surtout des armes de la police. Dans ces moments-là, une minorité d’entre nous lance des projectiles variés sur la police, brise des vitrines de banque ou redécore les murs trop gris de nos villes. Ce n’est pas notre activité principale, vous le savez bien, et nous ne voulons pas y être réduit.e.s. Nous considérons que ce n’est pas à l’État de décider pour nous de nos méthodes de lutte et nous faisons simplement en sorte de pouvoir continuer à agir comme nous l’entendons et de la façon qui nous paraît la plus juste. D’autres ont des avis divergents de nous et nous pouvons critiquer leurs actions mais dans le feu des évènements, notre priorité est surtout de freiner, voire même d’empêcher le sale boulot de l’État et de sa police. Parce que notre ennemi principal ne sera jamais un manifestant avec une stratégie différente de la nôtre mais bien les institutions qui nous exploitent et qui prétendent régir nos vies.

Nous écrivons ce texte en défense des personnes interpellées suite au feu de joie du mercredi 18 mai, dans lequel une voiture de police a disparu. Nos avis divergent sur la portée stratégique de cet acte dans le contexte actuel et recoupent probablement les vôtres. Dans tous les cas, même celles et ceux d’entre nous qui ont des critiques à faire n’iront jamais pour autant pleurer pour de la tôle cramée, et encore moins si cette tôle appartient à la flicaille. Ce qui nous intéresse bien plus, ce sont toutes ces vies que la police et son corollaire judiciaire détruisent. Les yeux crevés par les flashballs, les traumatismes physiques et psychiques des grenades de désencerclement et des coups de tonfa et les milliers d’heures de privation de liberté, que ce soit par des interdictions de manifester, en garde-à-vue, en détention provisoire ou en prison. Et, en l’occurrence, nous nous sentons beaucoup plus concerné.e.s par les cinq personnes qui risquent de perdre leurs plus belles années en taule que par une voiture en feu.

Il est donc important de rétablir quelques vérités et quelques principes. D’abord, en ce qui concerne l’accusation de tentative d’homicide avec préméditation : nous n’avions pas prévu de croiser une bagnole de flics sur le non-parcours de notre manifestation sauvage. Nous n’avons donc pas pu prévoir de la brûler... L’occasion a fait le joyeux luron, pour ainsi dire. Quant à l’accusation de tentative d’homicide, si la volonté avait été de tuer, les deux flics seraient mort.e.s et enterré.e.s, ne vous en faites pas pour ça. La preuve en est que la policière qui était sur le siège passager a été sortie de la voiture par un manifestant avant que les premières flammes n’apparaissent et exfiltrée sans même prendre un coup. Sans présager des intentions des auteur.e.s des faits, que nous ne connaissons pas plus que les personnes interpellées, nous pensons que si la volonté avait été de tuer, d’autres armes auraient été utilisées qu’un tuyau visiblement en plastique et un fumigène et que les deux personnes ne seraient pas parties en marchant alors qu’un cortège de plusieurs centaines de personnes les entouraient.

Personne n’a été interpellé suite à la dispersion de la manifestation et nous pensons que c’est une bonne chose. Trois ont été arrêtées chez elles le soir-même, puis une autre le lendemain à 5h du mat et une dernière jeudi 26 mai pendant la manifestation. Toutes ces personnes ont été interpellées plus tard, sur la seule base des suspicions et des ressentiments des différents services de police parisiens. Ce sont ces mêmes suspicions et ressentiments qui avaient mené à l’interdiction de manifester pour trois des quatre premiers interpellés. Ces interpellations ne sont donc basées sur aucun fait tangible mais constituent une opération de communication de l’État suite à la mise en évidence de son incompétence (et c’est tant mieux !) à « maintenir l’ordre » social inégalitaire. Elles visent des militant.e.s politiques dont le tort principal est de défier l’État depuis plusieurs années. Nous n’avons pas d’illusions sur le fait qu’il s’agit là d’un « crime » assez grave en soi pour l’État pour les faire enfermer pendant plusieurs années. Mais nous pensons que la base de la justice, c’est qu’on ne peut pas être à la fois juge et partie. Et que l’opposition aux institutions devrait plutôt être applaudie que conspuée.
Un autre principe de justice qui semble avoir été vite oublié dans cette affaire, c’est celui de présomption d’innocence. Rien n’indique que les personnes arrêtées soient liées aux actions menées contre la voiture de police et l’un de ses occupant.e.s. Et quand bien même, nous qui ne sommes ni juges ni partis*, nous ne croyons pas qu’une justice digne de ce nom pourrait sérieusement condamner les faits observés par plusieurs années de prison. Mais nous ne nous faisons pas d’illusions quant au système judiciaire français, qui laisse courir les DSK et les exploiteurs et condamne celles et ceux qui bidouillent leur vie, les voleurs de supermarché et les vendeuses à la sauvette.

Si nous écrivons ce texte, ce n’est pas pour nous adresser aux juges de ce pays mais à vous que nous croisons tous les jours un peu partout. Méfiez-vous du prétendu bon sens des flics, des ministres et des médias. Demandez-vous si, vous aussi, vous n’avez jamais rêvé de défoncer une voiture de police si vous en aviez eu l’occasion. Parce qu’entre nous, on a tou.te.s une bonne raison de détester la police. Demandez-vous si vous devriez croupir en prison pour avoir eu un tel fantasme. Nous, en tout cas, ce n’est pas nous qui leur jetterons la première pierre...

Non, les pierres que nous ramassons sur le chemin de notre liberté, ce n’est définitivement pas à eux que nous les jetterons...

Note

En téléchargement, une version allégée et maquettée de ce texte. A prendre, à refaire, à modifier, à diffuser sans modération...

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